Nous constatons unanimement, et le rapport Grignon excellemment, que le fret ferroviaire chute depuis trente ans, alors qu'il était le fer de lance de la SNCF dans les décennies précédentes : pourquoi ce retournement ? Le facteur psychologique du « tout à la grande vitesse » n'y est-il pas pour quelque chose ?
Nous avons multiplié les plans de relance, et bien malin qui dirait au combientième on en est parvenu. Avec quels résultats ? Or, entre 2002 et 2009, le fret ferroviaire a progressé de 42 % en Allemagne, de 69 % en Suisse et même de 11 % en Grande-Bretagne - où les droits de péage sont pourtant trois fois plus cher qu'en France -, alors qu'il baissait de 67 % dans notre pays. Le milliardaire Warren Buffet investit 34 milliards de dollars dans le fret ferroviaire, c'est bien que le secteur est rentable ! Qu'ont fait nos voisins que nous ne sachions faire, eux qui appliquent le Grenelle mieux que nous, qui l'avons voté ?
La réussite du plan fret passe donc par une réflexion sur la désindustrialisation, sur la qualité des infrastructures, sur la concurrence de la route, aussi bien que sur l'organisation de la SNCF et sur l'organisation des ports français. L'argent est rare, nous en manquerons peut-être pour réaliser nos ambitions de lignes à grande vitesse : quel arbitrage avec le coût de l'entretien des lignes ordinaires ? L'examen des externalités est indispensable pour évaluer le coût du transport routier, mais n'oublions pas cependant que 80 % du trafic routier s'effectue dans un rayon de moins de 150 kilomètres, et le fret ferroviaire n'est pas intéressant sur de si courtes distances. C'est pourquoi je souhaite que l'évaluation des coûts externes liés au transport routier soit confiée à un organisme impartial comme le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), anciennement appelé Conseil général des ponts et chaussées. Nos collègues de l'opposition rêvent d'harmoniser l'Europe sociale par le haut, mais il est évident que le surcoût du fret ferroviaire lié à l'organisation interne de la SNCF appelle des solutions plus raisonnables ! Si la SNCF était plus fiable, elle aurait plus de clients.
Enfin, la France a la chance d'avoir de grands ports et il n'est pas normal qu'Anvers soit devenu le premier port pour le transit de nos marchandises ! La situation à Marseille n'est guère acceptable : 36 salariés, qui sont des privilégiés du système, parviennent à bloquer le port tout entier. Nous le paierons tous par plus de délocalisations, et des pertes d'emplois !
Les Allemands sont parvenus à dominer le fret ferroviaire européen parce que leur réforme, dès 1994, a modifié le statut des salariés embauchés après cette date et parce qu'ils ont transféré la dette : le changement de statut n'a pas empêché les salariés de conserver un haut niveau de vie, et le transfert de la dette a remis les compteurs à zéro.
Je propose donc un Grenelle du fret ferroviaire, pour trouver le meilleur système possible !