La commission examine le rapport d'information de M. Francis Grignon, président du groupe de travail sur le fret ferroviaire.
Le groupe de travail, composé, outre M. Grignon, de Mme Schurch et de MM. Biwer, Nègre et Teston, a fourni un important travail sur un sujet qui m'intéresse tout particulièrement, en tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de la SNCF. Le Grenelle de l'environnement avait beaucoup insisté sur la nécessité de développer le fret ferroviaire.
Le groupe de travail, mis en place en juin 2009 à la suite du Grenelle, a mené une dizaine d'auditions et organisé le 29 avril 2010 une table ronde regroupant les principaux acteurs. Sont annexées au rapport les contributions des groupes politiques.
Je souhaite, à titre liminaire, rappeler la spécificité de l'organisation de la SNCF. Après-guerre, la SNCF comptait plus de 500 000 employés ; ils sont aujourd'hui 156 000. C'est une entreprise puissante, au régime particulier : son organisation est régie par des décrets de 1940, et c'est le ministre des transports qui fixe les conditions de travail. Le rapport Bain fait état d'un delta de 30 % entre les salaires du privé et ceux des personnels de la SNCF.
Il est bon de connaître le statut et les conditions de travail des employés de la SNCF, qui ne relèvent pas du code du travail.
Les temps ont changé, et avec l'arrivée de nouveaux opérateurs, notre champion joue désormais avec un boulet au pied. Nous sommes désormais pleinement dans une logique de concurrence.
Si les travaux d'infrastructure relèvent de Réseau ferré de France (RFF), ils sont en réalité sous-traités à la SNCF, où ils occupent plus de 14 000 personnes.
La loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) créant l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) précise que la direction de la SNCF en charge de la circulation ferroviaire, qui compte 14 400 employés, doit être indépendante de la direction générale.
Une mission confiée à RFF est en réalité réalisée par la SNCF...
La loi ORTF a créé l'ARAF, autorité de régulation chargée de veiller à l'équité dans la répartition des sillons et à la justesse des péages.
Le rapport dresse un état des lieux et analyse les causes du déclin du fret en France, en distinguant les causes générales et celles inhérentes à la SNCF, rappelle les solutions déjà mises en oeuvre et fait des propositions. Personnellement, j'estime que les objectifs doivent être, premièrement, de freiner l'hémorragie de parts de marché du ferroviaire et de préparer l'avenir du fret ; deuxièmement, d'aider la SNCF à se ressaisir - dans tous les pays qui se sont ouverts à la concurrence, l'opérateur a su conserver 80 % des parts de marché - et enfin de veiller à ne pas trop affaiblir nos transporteurs routiers, qui subissent eux aussi la concurrence européenne.
En 1950, le ferroviaire représentait deux tiers du transport de marchandises ; en 2010, 10 %, contre 83 % pour la route. Alors qu'en France le fret diminuait de 56 % entre 2000 et 2008, il a crû de 50 % en Allemagne. Notre voisin a fait preuve d'un grand volontarisme lors de la chute du mur et de la réunification de ses deux systèmes ferroviaires : il a vingt ans d'avance sur nous. En Suisse, la place du ferroviaire est prépondérante pour des raisons géographiques et culturelles : les camions ne peuvent rouler la nuit, et les entreprises sont subventionnées pour installer des branchements ferroviaires. Nous imitons leur système de cadencement, notamment dans la région lyonnaise, avec succès.
La France a dix ans de retard. Sans parler des 400 millions d'euros de déficit annuel, depuis de nombreuses années. Or, on ne peut recapitaliser année après année...
Première cause de ce déclin : la désindustrialisation et la faiblesse des ports maritimes du Havre et de Marseille, ainsi que la mauvaise coordination entre activité maritime et voies ferroviaires. Anvers est le premier port d'entrée en France de marchandises provenant d'Extrême-Orient, Rotterdam fait autant en tonnage que tous les ports français réunis ! À Duisburg, un hub ferroviaire, relié à Anvers et Rotterdam par canaux, dessert plus de 80 voies ferrées européennes.
Deuxième cause : la concurrence de la route, qui est plus fiable, moins chère, plus rapide.
Troisième cause : le sous-investissement chronique dans le réseau, alors qu'il est pourtant plus économique d'entretenir les lignes existantes que d'en créer de nouvelles.
Quatrième cause : les faiblesses dues au statut, à l'histoire, à la culture de la SNCF. Euro Cargo Rail, filiale fret de Deutsche Bahn (DB) en France, compte deux tiers de conducteurs et un tiers d'autres personnels ; à la SNCF, c'est l'inverse !
Certaines solutions ont déjà été mises en oeuvre à la suite du Grenelle de l'environnement. En effet, le bilan écologique du fret ferroviaire est très positif, comme chacun sait. Une tonne de marchandise transportée génère deux grammes de CO2 par train en traction électrique, et jusqu'à mille grammes par route ou par avion ! Première avancée : un contrat de performance a été signé avec RFF en novembre 2008, qui organise le trafic. Le Président Emorine a souligné que les exigences des présidents de région en matière de transport de voyageurs bloquaient parfois le développement du fret : c'est un point à rajouter dans le rapport.
François Patriat est présent. Je ne critique pas les présidents de région, mais ceux-ci doivent avoir une vision de l'utilisation des réseaux qui englobe le fret. J'ai demandé au conseil d'administration que les organisations régionales de la SNCF prennent en compte les frontières administratives des régions, ce qui n'était pas le cas, et que la SNCF travaille avec les présidents de région sur l'utilisation des sillons. Sur la ligne Dijon-Lyon, la fréquence du cadencement est un train par heure, mais les trains de voyageurs sont souvent à moitié vides...
Deuxième avancée : en septembre 2009, le Gouvernement a présenté l'engagement national pour le fret ferroviaire (ENFF), qui représente 7 milliards d'euros d'investissements sur dix ans. Il s'appuie sur différents axes, énumérés dans le rapport, dont la mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité (OFP). En Auvergne, les choses avancent, et on observe un transfert modal vers la SNCF. Strasbourg, deuxième port fluvial français, s'apprête à suivre, mais à La Rochelle, c'est Deutsche Bahn qui a décroché le marché.
J'y reviendrai en séance publique, mais il faudrait définir par la loi le champ d'intervention des OFP.
Enfin, dernière avancée, il y a eu une prise de conscience au sein de la SNCF, qui a mis en place un plan fret pour développer une offre « multi-lots multi-clients ». Certains wagons isolés en feront les frais, mais il en va de l'efficacité économique.
Le rapport fait plusieurs propositions, organisées autour de trois axes. Pour renforcer la qualité de service des opérateurs, notamment de la SNCF, nous proposons : de réaliser des corridors de fret ; de passer d'une logique d'offre à une logique de demande, pour mieux répondre aux besoins des entreprises et trouver de nouveaux clients ; et de réfléchir à l'attribution d'aides publiques pour certains wagons isolés, par exemple pour le transport de matières dangereuses.
Pour améliorer l'organisation du système ferroviaire, nous proposons : de garantir l'indépendance fonctionnelle de la direction de la circulation ferroviaire, au plus vite, pour mettre fin à la confusion des rôles ; d'ériger le raccordement entre les grands ports et le futur canal Seine-Nord-Europe en priorité stratégique ; de prévoir des subventions publiques pour les voies de raccordement, dans une logique d'aménagement du territoire ; et de mettre en place les OFP, au plus près du terrain.
Pour trouver des sources de financement pérennes, il faut assurer des ressources stables à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France (AFITF), aujourd'hui alimentée par le budget de l'État à hauteur de 900 millions. La taxe poids lourds, annoncée pour 2012, devrait rapporter 1 milliard. Nous proposons également de relever le montant des péages ferroviaires, particulièrement faibles en France.
Pour le fret, pour le transport de voyageurs, les péages sont bien plus élevés !
Nos propositions ne sont pas révolutionnaires, mais visent à concilier les exigences de l'aménagement du territoire avec celles de la compétitivité.
Je remercie M. Grignon. Notre groupe de travail a pu auditionner largement les entreprises, les syndicats, la direction de la SNCF, et se rendre à Anvers et à Strasbourg.
La comparaison entre le fret ferroviaire et la route est faussée, car on ne tient pas compte des coûts externes du transport routier. En matière de sécurité, vous avez dit que la route était plus fiable...
Il faut rappeler les atouts du rail en termes de sécurité, de quantités transportées, de maillage du territoire, même si ce dernier se dégrade, face aux problèmes de congestion, à la dégradation des infrastructures routières. Le rail contribue beaucoup à la société et aux territoires, ne le chargeons pas.
Nous sommes d'accord sur la plupart des constats, mais je ne dirais pas que le statut du personnel représente un « boulet » pour la SNCF ! Sans nier la nécessité de moderniser, nous prônons le modèle d'une entreprise publique intégrée, qui fasse de la péréquation entre les différents secteurs. Le statut des cheminots est une source de fiabilité et de sécurité, a fortiori si ceux-ci doivent travailler bien au-delà de 60 ans !
Il faut alimenter les autoroutes ferroviaires en développant le système « multi-lots multi-clients », tout en préservant les wagons isolés. Oui aux aides publiques : déclarer cette activité d'intérêt général serait un moyen d'aider les PME des territoires déficitaires, qui dépendent du réseau ferré.
Nous regrettons la privatisation des concessions autoroutières, qui privent l'AFITF de ses capacités d'intervention. Ces sociétés sont largement excédentaires, et pourraient utilement être mises à contribution financièrement : il y aurait alors un vrai report du transport routier vers le transport ferroviaire, comme nous y invite le Grenelle de l'environnement. L'opinion publique, les entreprises, les élus le souhaitent.
La France est en retard. D'accord pour avancer sur un certain nombre de propositions, mais non pour morceler la SNCF. C'est une chance d'avoir une entreprise publique en charge de différentes activités !
On ne peut imaginer consacrer 4 milliards au canal Seine-Nord-Europe sans assurer le raccordement des ports ! Or il manque encore 150 millions... Comment le réseau transversal sera-t-il financé, alors que les collectivités locales sont déjà mises à contribution ? Le ministre Jean-Louis Borloo n'a pas vraiment répondu lors de sa récente audition devant notre commission, et je crains que cela ne reste un voeu pieu...
L'efficacité et la rentabilité du fret, d'une part, et l'aménagement du territoire, d'autre part, sont des sujets différents. Comment les lignes seront-elles entretenues ? Qui paiera ? Va-t-on généraliser la taxe poids lourds ? Attention à la réalité économique ! Nous avons une fâcheuse tendance à toujours alourdir les normes et les taxes. Il faut préserver l'équilibre : on ne peut tout mener de front.
J'ai participé activement aux auditions et aux déplacements. Ma contribution est annexée au rapport. Je fais miennes certaines des conclusions du rapport, mais d'autres ne vont pas assez loin à mon sens.
Je partage l'analyse du rapporteur sur l'état des lieux, qui est alarmant. Parmi les causes de ce déclin, je compte le mauvais état de nombre de lignes, notamment des catégories 6 à 9, ainsi que la faiblesse des ports français. En revanche, je n'accuserai pas l'organisation et le régime social de la SNCF !
Les coûts externes du transport routier, évalués à 210 milliards d'euros à l'horizon 2020 par la Commission européenne, ne sont pas intégrés. Il en résulte un avantage comparatif pour la route, pourtant globalement plus coûteuse pour la collectivité nationale. Or on repousse la mise en place de la taxe poids lourds et on écarte la taxe carbone...
Je propose tout d'abord d'internaliser ces coûts externes pour ne pas pénaliser le rail. Ensuite, de créer des conditions équitables de concurrence entre les opérateurs, en harmonisant « par le haut » les conditions sociales des personnels. La convention collective en cours de signature est très en retrait par rapport aux conditions faites au personnel de la SNCF ; pourquoi ne pas faire supporter le différentiel financier par une structure ad hoc, comme en Allemagne ?
Troisièmement, il faut prendre en compte les exigences d'aménagement du territoire en reconnaissant le caractère d'intérêt général du fret : le recours à la délégation de service public pour le wagon isolé autoriserait les aides à l'investissement mais aussi à l'exploitation. Sur ce point, nous allons plus loin que le rapporteur.
Quatrièmement, il faut mettre à niveau le réseau existant, électrifier un certain nombre de lignes. Pour ce faire, il faut garantir des recettes à l'AFITF mais aussi s'attaquer à la dette de RFF, qui atteint 27,8 milliards d'euros.
Enfin, il faut développer de nouveaux services et renforcer ceux existants : train long, transport de marchandises à grande vitesse, transport combiné, adhésion de la SNCF à l'alliance européenne X Rail pour accroître la compétitivité du transport par wagon isolé.
De telles mesures doivent être intégrées dans un plan global. Mais la volonté politique existe-t-elle ? Quant à la Commission européenne, elle devrait, avant de réviser le premier paquet ferroviaire, dresser un bilan objectif et contradictoire des effets de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, et accepter le principe de mesures de soutien aux entreprises, notamment pour le wagon isolé.
L'attitude de la SNCF sur le wagon isolé est proprement stupéfiante : en Languedoc-Roussillon, la prestation a été supprimée et les entreprises ont été mises devant le fait accompli, sans autre solution que de s'adresser au fret routier, ou bien de se regrouper, ce qu'elles ont fait en créant, avec le soutien de la CCI, une structure ad hoc dénommée « Profer ». On a de quoi poser la question : la politique du wagon isolé ne doit-elle pas devenir une priorité ?
Le fret ferroviaire n'est pas une priorité nationale, on le constate lorsque l'on voit que le transport de containers n'est pas possible par rail entre Dijon et Colmar, alors que le problème est connu depuis trente ans au moins et que des crédits avaient été réservés pour le régler dans les années 1990, avant d'être tout bonnement gelés. Le fret ferroviaire est pourtant demandé par les populations, qui constatent les dégâts du trafic routier. La gestion en flux tendus a paru un temps ringardiser le fret ferroviaire, mais nos voisins allemands, suisses et autrichiens, montrent bien qu'on peut combiner le fret ferroviaire pour les longues distances et le routier pour les plus petites.
La véritable question est donc politique : veut-on faire du fret ferroviaire une priorité nationale et européenne ?
Certaines de vos propositions sont intéressantes, d'autres méritent d'être explicitées. Vous proposez, par exemple, de passer d'une politique de l'offre à une politique de la demande, mais nous avons besoin des deux : tant que l'on ne pourra pas acheminer des conteneurs entre Dijon et Colmar, on n'aura pas de demande sur ce tronçon puisque presque toutes les marchandises transitent sous cette forme !
Quels moyens mobilise-t-on, ensuite ? Le grand emprunt n'a rien prévu pour le fret ferroviaire, alors que le BTP est en difficulté et que de nombreux emplois sont en jeu. Une recette pérenne est nécessaire, elle passe probablement par une taxe carbone à l'échelle européenne, et, pourquoi pas, par une taxe à l'essieu, comme celle qu'ont instituée les Autrichiens avec succès : nous devons examiner ces pistes très sérieusement.
L'adoption du cadencement a augmenté la fréquentation des trains, mais avec comme contrepartie la suppression d'autres trains, qui transportaient peu de voyageurs. Cependant, aura-t-on changé la donne une fois quelques TER supprimés ? Nous avons investi 7 millions d'euros pour des gares « bois », elles ont fermé sans avoir servi. Même chose pour le terminal aménagé pour Peugeot à Perrigny-lès-Dijon, qui a coûté 18 millions d'euros et qui n'a fonctionné qu'une année... Nous devons donc être ambitieux, mais coercitifs aussi.
L'engagement national pour le fret ferroviaire est tout à fait souhaitable, d'autant que les 7 milliards d'euros qu'il représente sont à comparer aux 80 à 100 milliards d'euros prévus pour les lignes à grande vitesse.
Le fret ferroviaire est important pour la Bretagne, il suffit de voir la saturation de la RN 12 entre Rennes et Brest pour mesurer nos besoins. Je ne suis pas hostile à l'idée d'une taxation du trafic routier, mais les régions périphériques ne risquent-elles pas d'en faire les frais ? La question était apparue avec la taxe carbone. Une taxe à l'essieu, par exemple, devrait donc s'accompagner d'une véritable politique de transports pour désengorger les voies de communication, avec des plateformes intermodales.
Sur le financement, ensuite, il me paraît difficile de solliciter davantage les collectivités locales, qui participent déjà beaucoup aux programmes de lignes à grande vitesse : la solution semble plutôt se trouver du côté d'un plan national des transports.
Nous constatons unanimement, et le rapport Grignon excellemment, que le fret ferroviaire chute depuis trente ans, alors qu'il était le fer de lance de la SNCF dans les décennies précédentes : pourquoi ce retournement ? Le facteur psychologique du « tout à la grande vitesse » n'y est-il pas pour quelque chose ?
Nous avons multiplié les plans de relance, et bien malin qui dirait au combientième on en est parvenu. Avec quels résultats ? Or, entre 2002 et 2009, le fret ferroviaire a progressé de 42 % en Allemagne, de 69 % en Suisse et même de 11 % en Grande-Bretagne - où les droits de péage sont pourtant trois fois plus cher qu'en France -, alors qu'il baissait de 67 % dans notre pays. Le milliardaire Warren Buffet investit 34 milliards de dollars dans le fret ferroviaire, c'est bien que le secteur est rentable ! Qu'ont fait nos voisins que nous ne sachions faire, eux qui appliquent le Grenelle mieux que nous, qui l'avons voté ?
La réussite du plan fret passe donc par une réflexion sur la désindustrialisation, sur la qualité des infrastructures, sur la concurrence de la route, aussi bien que sur l'organisation de la SNCF et sur l'organisation des ports français. L'argent est rare, nous en manquerons peut-être pour réaliser nos ambitions de lignes à grande vitesse : quel arbitrage avec le coût de l'entretien des lignes ordinaires ? L'examen des externalités est indispensable pour évaluer le coût du transport routier, mais n'oublions pas cependant que 80 % du trafic routier s'effectue dans un rayon de moins de 150 kilomètres, et le fret ferroviaire n'est pas intéressant sur de si courtes distances. C'est pourquoi je souhaite que l'évaluation des coûts externes liés au transport routier soit confiée à un organisme impartial comme le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), anciennement appelé Conseil général des ponts et chaussées. Nos collègues de l'opposition rêvent d'harmoniser l'Europe sociale par le haut, mais il est évident que le surcoût du fret ferroviaire lié à l'organisation interne de la SNCF appelle des solutions plus raisonnables ! Si la SNCF était plus fiable, elle aurait plus de clients.
Enfin, la France a la chance d'avoir de grands ports et il n'est pas normal qu'Anvers soit devenu le premier port pour le transit de nos marchandises ! La situation à Marseille n'est guère acceptable : 36 salariés, qui sont des privilégiés du système, parviennent à bloquer le port tout entier. Nous le paierons tous par plus de délocalisations, et des pertes d'emplois !
Les Allemands sont parvenus à dominer le fret ferroviaire européen parce que leur réforme, dès 1994, a modifié le statut des salariés embauchés après cette date et parce qu'ils ont transféré la dette : le changement de statut n'a pas empêché les salariés de conserver un haut niveau de vie, et le transfert de la dette a remis les compteurs à zéro.
Je propose donc un Grenelle du fret ferroviaire, pour trouver le meilleur système possible !
La réflexion de la SNCF n'est pas assez tournée vers l'économie, j'en parle en utilisateur, pour les responsabilités économiques que j'exerce. La plupart de nos colis transitent par Anvers ou Rotterdam, mais quand nous sommes reçus à la direction de la SNCF, c'est pour parler développement touristique du territoire, quand ce n'est pas pour entendre une conférence de M. Jacques Attali...
Quand un entrepreneur veut utiliser un wagon isolé, les délais ne lui sont pas garantis, ils sont aléatoires. Nos voisins allemands ont subventionné leur fret ferroviaire, mais pour un service rapide et fiable.
Nous devons prendre nos responsabilités, notre économie est en jeu !
Un Grenelle sur le fret ferroviaire ? J'y suis très favorable, mais il faudrait commencer par un constat partagé, parce qu'une telle politique s'engage pour des décennies : je m'inquiète d'entendre certains de nos collègues contester ce que l'on observe sur notre fret ferroviaire. Je signalerai également qu'il y a encore quelques années, les poids lourds ne livraient pas jusqu'au fond des campagnes, alors qu'on en voit aujourd'hui qui vont jusque chez les particuliers, parce que les routes sont meilleures et parce que toute autre solution est devenue trop chère...
Le président de RFF nous a indiqué que la « régénération » d'une voie ferrée coûte 1 million d'euros le kilomètre, alors que la construction d'une ligne à grande vitesse représente 15 à 25 millions d'euros par kilomètre : on mesure l'ampleur d'un programme de 2 000 kilomètres de LGV !
Nos neuf propositions donnent satisfaction aux observations nombreuses qui viennent d'être faites, qu'elles touchent à l'aménagement du territoire, à l'évaluation du coût réel du transport routier, à la nécessité de ressources pérennes, ou encore à la meilleure articulation entre une politique de l'offre et une politique de la demande.
Sur ce dernier point, ma remarque consistait à dire que l'offre et la demande allaient de pair, et qu'une politique globale des transports combinait la route et le fer, comme nous l'ont montré les Allemands avec le ferroviaire pour le fret de longue distance, et la route pour le fret de courte distance.
Il faut dissiper un malentendu : quand j'évoque le passage d'une logique de l'offre à une logique de la demande, je vise les entreprises ferroviaires. Bien entendu, la régénération du réseau doit se poursuivre. Restent trois sujets de débat : l'entreprise publique intégrée, l'harmonisation sociale et le wagon isolé. Le rail étant désormais concurrentiel, l'Union européenne a imposé la séparation entre la SNCF et RFF : la question de l'entreprise publique intégrée est donc encadrée par le droit communautaire, même si, avec la création de RFF, on n'a pas osé transférer les personnels. L'harmonisation sociale « par le haut », ensuite, n'est pas économiquement viable, ni juridiquement réalisable, parce qu'elle créerait des ruptures d'égalité dans les nombreux liens entretenus par les conventions de branches et les accords d'entreprises. En créant une structure ad hoc pour ne pas pénaliser la DB, nos voisins allemands ont fait de la subvention déguisée, nous devons nous y adapter. Le wagon isolé, enfin, fournit certes un bon service, mais il paraît difficile d'en faire globalement une activité d'intérêt général : c'est pour cela que nous proposons un examen au cas par cas.
Je retiens notamment de notre débat le souhait de certains d'entre nous de sensibiliser le Conseil général de l'environnement et du développement durable à la nécessaire évaluation des coûts réels du transport routier.
Une étude de 2008 de la Commission européenne a évalué à 210 milliards l'ensemble des coûts externes non pris en compte pour le transport routier, à l'échelle du continent, sans tenir compte du coût de la congestion du trafic.
La commission adopte le rapport, les groupes socialiste et apparentés et CRC-SPG s'abstenant.