Intervention de Christian Cointat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 novembre 2007 : 1ère réunion
Polynésie française — Institutions et vie politique - examen du rapport

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur :

a exposé les trois raisons principales justifiant le dépôt et l'examen de ces deux projets de loi.

Il a tout d'abord rappelé que le statut d'autonomie de la Polynésie française issu de la loi organique du 27 février 2004 avait été la première application de l'article 74 de la Constitution issu de la réforme constitutionnelle de 2003. Saluant le travail effectué à l'époque par M. Lucien Lanier, rapporteur au nom de la commission des lois, il a jugé normal de procéder à des ajustements plus de trois ans après la mise en oeuvre du statut.

Il a ensuite souligné que l'instabilité politique, avec le dépôt de six motions de censure en trois ans, dont quatre adoptées, et la succession de cinq gouvernements différents, avait suscité progressivement un climat de défiance très fort au sein de la population de la Polynésie française. Dans ce contexte, il a relevé que toutes les forces politiques avaient, à un moment ou à un autre, souhaité revenir de manière anticipée devant les électeurs.

Il a enfin mis en exergue les conclusions alarmantes de la Cour des Comptes qui, dans son rapport public annuel pour 2006, soulignait l'augmentation très forte des dépenses de soutien aux sociétés d'économie mixte et des dépenses de personnel sans que de réels contrôles fussent mis en place, ainsi que l'opacité des procédures, notamment en matière de subventions. M. Christian Cointat, rapporteur, a rappelé que le budget global de la Polynésie française dépassait 1,1 milliard d'euros.

Il a déclaré qu'une réforme était donc devenue nécessaire et urgente pour assurer une reprise de l'activité économique et mettre fin à l'attentisme de l'ensemble des acteurs administratifs et économiques.

a indiqué qu'au cours de son déplacement en Polynésie française il avait pu consulter très largement l'ensemble des forces politiques polynésiennes sur les projets de loi. Il a ajouté avoir été interpellé dans la rue par des personnes exprimant leur exaspération et se félicitant des mesures annoncées par le gouvernement pour mettre un terme à l'instabilité chronique.

Il a précisé que l'avis rendu par l'assemblée de la Polynésie française à une majorité de 44 voix contre 13 avait été minutieusement étudié et avait servi de fil conducteur à sa réflexion.

Il a constaté que des divergences existaient parmi les responsables politiques locaux, mais qu'elles n'étaient pas aussi fortes qu'il y paraissait.

Ainsi, il a expliqué que les principaux désaccords portaient notamment :

- s'agissant du mode d'élection de l'assemblée de la Polynésie française, sur les seuils permettant, d'une part, de fusionner les listes - 3 % ou 5 % des suffrages exprimés - et, d'autre part, d'accéder au second tour - 10 % des suffrages exprimés ou 12,5 % des inscrits ;

- sur l'élection du président de la Polynésie française à deux ou trois tours ;

- sur la possibilité de destituer en cours de mandat le président de l'Assemblée de Polynésie ;

- sur le remplacement de la procédure actuelle de censure du gouvernement par une motion de défiance constructive ;

- sur le maintien d'une procédure dite de « 49-3 budgétaire » ;

- sur le risque qu'un renforcement de la transparence et du contrôle des finances ne s'accompagne d'une remise en cause de l'autonomie ;

- sur la date des élections anticipées, avant ou après les élections municipales de mars 2008.

En contrepartie, des convergences se dégageaient :

- l'absence d'opposition manifeste au mode de scrutin proportionnel à deux tours sans prime majoritaire pour l'élection de l'assemblée de Polynésie française et l'attachement au maintien des six circonscriptions électorales actuelles en dépit de l'hétérogénéité de leur taille ;

- l'acceptation du principe d'un contrôle budgétaire financier renforcé ;

- la volonté unanime de ne pas réduire la portée de l'autonomie consacrée par le statut de 2004 ;

- l'absence d'attachement au principe du « 49-3 budgétaire », perçu par tous comme très compliqué sans que la nécessité en soit démontrée, l'adoption du budget ayant toujours été possible ;

- la prise de conscience par toutes les forces politiques du découragement de la population et de la nécessité de créer une nouvelle dynamique.

a expliqué que ses propositions visaient à rechercher un point d'équilibre, à promouvoir l'intérêt général et à respecter une certaine cohérence avec les autres collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie. Il a fait observer :

- qu'un statut ne pouvait à lui seul créer la stabilité, celle-ci résultant avant tout d'une volonté politique ;

- que la faiblesse institutionnelle et financière des communes, voire leur vassalisation vis-à-vis de la collectivité de Polynésie française, demeurait un des germes de l'instabilité ; il a évoqué à cet égard l'idée de conseils consultatifs d'archipels, réclamés par plusieurs responsables politiques locaux et qui pourraient être créés dans le cadre du projet de loi annoncé par le ministre pour l'année 2008 ;

- que la bonne gouvernance ne devait pas être confondue avec la mise sous tutelle.

a ensuite présenté ses principales propositions d'amendement.

Concernant l'élection du président de la Polynésie française, il a indiqué que le projet de loi prévoyait son élection à la majorité relative au troisième et dernier tour de scrutin, avec la possibilité de présenter de nouvelles candidatures à chaque tour. Afin d'assurer son élection par une majorité stable, il a proposé que seuls puissent se présenter au troisième tour les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de voix au deuxième tour, le cas échéant après le retrait de candidats plus favorisés, de sorte que le président soit nécessairement élu à la majorité absolue des suffrages exprimés.

Concernant la procédure d'empêchement du président de la Polynésie française, il a proposé d'attribuer la compétence pour constater son empêchement définitif au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, qui pourrait être saisi par le conseil des ministres, par le président de l'assemblée de la Polynésie française ou par le haut-commissaire. Il a expliqué que le projet de loi transférait cette compétence au haut-commissaire ce qui soulevait des craintes quant à une immixtion de l'Etat dans le fonctionnement des institutions polynésiennes. Il a souhaité que le conseil des ministres garde la compétence de constater l'empêchement provisoire du président de la Polynésie française, d'office ou à la demande de l'intéressé.

S'agissant de l'élection des membres de l'Assemblée de la Polynésie française, il a déclaré avoir renoncé à proposer un mode de scrutin différent du scrutin de liste à deux tours avec répartition des sièges à la représentation proportionnelle, en suivant la règle de la plus forte moyenne au sein des six circonscriptions électorales actuelles. Il a expliqué que l'attachement de l'ensemble des forces politiques locales au maintien de six circonscriptions électorales limitait fortement les solutions alternatives. En particulier, il a indiqué que l'instauration d'une prime majoritaire était malaisée au sein de circonscriptions de taille inégale. Quant à la création d'une circonscription unique, il a expliqué que cela aboutirait à une surreprésentation de Tahiti et à un déséquilibre dans la représentation des archipels.

En définitive, il a jugé que le système proposé par le projet de loi organique était le moins mauvais et qu'il convenait simplement de procéder à quelques ajustements :

- en fixant comme aujourd'hui à 5 % des suffrages exprimés le seuil pour la fusion des listes, le seuil de 3 % des suffrages exprimés prévu par le projet de loi organique apparaissant trop faible pour inciter les formations politiques à constituer des coalitions claires dès avant le scrutin ;

- en fixant à 12,5 % des suffrages exprimés le seuil pour l'accès des listes au second tour de l'élection, le seuil de 10 % des suffrages exprimés proposé par le projet de loi organique ne semblant pas suffisant pour garantir l'émergence d'une majorité stable et le seuil de 12,5 % des inscrits proposé par l'assemblée de la Polynésie française, dans son avis du 4 octobre 2007, paraissant excessif au regard des exigences liées au respect du pluralisme politique. Il a précisé qu'étant donné le taux moyen de participation aux élections en Polynésie - 80 % - un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés équivalait à 10 % des inscrits.

Concernant le fonctionnement de l'assemblée de la Polynésie française, M. Christian Cointat, rapporteur, a proposé de maintenir l'élection annuelle des membres du bureau, plutôt qu'une élection pour la durée du mandat des représentants comme l'envisage le projet de loi organique.

Après avoir indiqué approuver le nouveau dispositif de motion de défiance constructive, il a en revanche proposé de supprimer la procédure complexe et inutile, également appelée « 49-3 budgétaire », permettant au président de la Polynésie française de soumettre à l'assemblée, en cas de rejet du projet de budget initial, un nouveau projet qui est considéré comme adopté sauf si une motion de renvoi est votée par la majorité absolue des représentants.

En matière de contrôle financier, il a notamment proposé la création d'une commission de contrôle budgétaire et financier, élue par l'assemblée de la Polynésie française en son sein et dotée de pouvoirs renforcés.

Concernant les incompatibilités applicables aux membres de l'assemblée de la Polynésie française, il a proposé de les aligner strictement sur celles applicables aux parlementaires nationaux. Il a en revanche admis que les membres du gouvernement de la Polynésie française soient soumis à des règles plus rigoureuses, compte tenu de leurs importantes responsabilités en matière de gestion.

Enfin, s'agissant des modalités pratiques de l'organisation du renouvellement anticipé de l'assemblée de la Polynésie française, il a déclaré approuver les propositions énoncées par M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, relatives à la date des élections et à la participation des nouveaux électeurs inscrits en 2007. Toutefois, concernant les frais de campagne, il a proposé d'accepter l'augmentation des plafonds des dépenses électorales des candidats aux élections en Polynésie française prévue par le projet de loi ordinaire, mais de maintenir l'exclusion des frais de transport aérien et maritime de ces plafonds.

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