Je répondrai à votre question en pointant plutôt les exigences que nous devrions observer.
A mon sens, les expertises devraient être séparées des processus décisionnels. Les experts que vous auditionnez ne peuvent décider des lois. Ils apportent simplement un savoir. La même relation devrait être observée dans le domaine de la médecine.
Or, la décision et l'expertise sont bien confondues au sein de nos institutions sanitaires. Dans l'immense majorité des cas, les experts sollicités dépendent de fait de l'industrie pharmaceutique. De très nombreux autres pays ont entrepris de séparer strictement les fonctions. La France gagnerait à suivre leur exemple.
L'organisation hiérarchique est elle-même problématique. Les autorités compétentes dans les domaines de la médecine devraient être, comme dans les domaines judiciaire et législatif, indépendantes des pouvoirs en place. Il est primordial que les décideurs soient protégés.
A l'instar des magistrats, tous très attachés à leur indépendance, les personnes décidant des mises sur le marché des médicaments ne devraient jamais être nommés, ni par un Gouvernement ni par des organismes financés par l'industrie pharmaceutique.
Je ne trouverais pas injustifiée, au regard de ces principes, la constitution d'un corps de décideurs, de commissaires élus par différents collèges (un collège de patients, un collège de soignants). L'élection constituerait une garantie forte contre la survenue de conflits d'intérêts.
Le système parlementaire bicaméral offre un premier modèle. La magistrature pourrait nous en offrir un second : le pays gagnerait à mettre en place, sur le modèle de l'Institut supérieur de la magistrature, une école indépendante, formant des décideurs et des évaluateurs professionnels, sans liens avec l'industrie pharmaceutique.
La séparation des fonctions et l'affirmation de l'indépendance des décideurs me paraissent constituer deux conditions de la restauration de l'efficacité de notre système d'agences.