Il existe une difficulté permanente autour des questions de l'épidémiologie et, plus généralement, de l'utilisation des données chiffrées dans l'espace public. Tous les médecins ont reçu un enseignement de statistiques médicales, qui ne met pas en avant toutefois l'intérêt de pouvoir lire des résultats, analyser une étude et faire la distinction entre ce que l'on veut décrire, les limites de ce que l'on peut conclure à partir de cette description et la correspondance ou non avec l'observation clinique. Cette affaire donne l'impression de se trouver face à des parallèles qui ne se rencontrent pas puisque le travail des épidémiologistes a consisté à dire que, compte tenu des données sur la consommation du produit et sur la pathologie, telles qu'elles sont reflétées par l'activité hospitalière, il est possible d'effectuer une estimation et de fournir un élément mathématique permettant d'apprécier la précision. Ainsi, lors de la crise de la vache folle et l'émergence de cette nouvelle forme de maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l'homme, les épidémiologistes britanniques ont avancé une donnée sur le nombre de victimes humaines de cette variante, leur fourchette étant comprise entre 63 000 et 132 000 victimes. Cette fourchette peut paraître vague mais les épidémiologistes se sont montrés rigoureux, ne cherchant pas à affiner leur résultat pour le rendre médiatiquement attractif. Telles sont les limites de l'exercice, qui constitue parfois le seul outil disponible.