Janine Rozier vient de parfaitement résumer le sujet que nous devrons approfondir à l'occasion du futur débat parlementaire sur la proposition de loi que déposera prochainement le groupe CRC-SPG. Ce n'est, en revanche, pas le thème que nous avons à traiter aujourd'hui. Le rapport du groupe de travail sur la fin de vie n'a en effet pas pour objectif de se prononcer pour ou contre l'euthanasie.
J'insiste sur le fait que seule l'intervention liminaire que j'ai prononcée devant vous tout à l'heure fait foi. Plusieurs collègues ont réutilisé des mots, que j'ai pu employer lors de la réunion du groupe de travail de la semaine dernière mais que je n'ai volontairement pas repris dans mon propos d'aujourd'hui. C'est en effet tout l'intérêt d'un groupe de travail que de faire évoluer la pensée.
J'aimerais répondre à Gilbert Barbier que toute enquête, quelle qu'elle soit, ne peut présager des conclusions qu'elle est censée apporter. On ne mène pas une étude pour accréditer une thèse en particulier mais, au contraire, pour rendre compte de manière objective d'une situation et, éventuellement, en tirer les leçons qui s'imposent.
S'il s'avère que des euthanasies sont pratiquées en dehors du cadre de la loi en France, ces pratiques doivent être sanctionnées. On ne peut accepter que des personnes en fin de vie soient tuées sous prétexte que le tiers à l'origine de l'acte soit épris d'un « sentiment d'humanité ». L'étude proposée permettra donc, dans un premier temps, de mettre au clair la situation et d'envisager des sanctions pour ceux qui ne respectent pas la loi actuelle. Elle sera, dans un second temps, l'occasion pour tout un chacun de se forger sa propre opinion sur l'euthanasie.
Sur la deuxième proposition du groupe de travail, je précise qu'il est question d'une instruction adressée par le Garde des sceaux aux parquets, ainsi que l'article 30 du code de la procédure pénale en prévoit la possibilité. Cette instruction, délivrée à titre collectif et non pas individuel, autoriserait le juge, après qu'il se sera assuré qu'il n'y a pas d'incrimination prévue par les textes dans le dossier qui lui est soumis, de classer sans suites l'affaire. La base juridique de ce classement pourrait être celle de l'article 122-2 du code pénal qui prévoit les cas d'irresponsabilité pénale. Cette procédure permettrait que les affaires les plus douloureuses ne soient pas renvoyées en cour d'assises.
Concernant le serment d'Hippocrate évoqué par plusieurs collègues, il faut rappeler que celui-ci énonce une obligation à soigner, à prendre soin et à rester humain.
Par ailleurs, je ne cèderai pas à la pression de la théorie de la « pente fatale », selon laquelle toute brèche dans la législation est la porte ouverte aux dérives en tout genre. La loi est là pour interdire certains comportements, pour poser des limites, pour fixer des bornes, qui certes peuvent bouger, mais seulement si le législateur en décide ainsi.
Je voudrais, en réponse à Marie-Thérèse Hermange, citer les propos tenus par le professeur Axel Kahn qui venaient compléter ceux qu'elle a elle-même rapportés : « Je veux rester responsable même si un jour je devais moi-même me réserver la liberté de faire éventuellement ce que me dicte ma conscience ». Cette déclaration est remarquable car son auteur, pourtant grande figure de l'éthique médicale, ne rejette pas l'idée qu'il pourrait, un jour, éventuellement, être amené à faire un acte auquel il s'oppose aujourd'hui. Il déclare simplement qu'il en assumera la responsabilité.
Je précise que je n'ai, dans mon propos introductif, volontairement pas parlé de personnes handicapées, mais de personnes qui ne sont pas obligatoirement en fin de vie et qui ne peuvent physiquement pas mettre elles-mêmes fin à leurs jours, si tel devait être leur souhait. La question est de savoir si ces personnes doivent pouvoir bénéficier d'une aide pour passer à l'acte. Il serait, en revanche, très dangereux que ce débat conduise certains à demander une loi sur l'euthanasie qui concernerait spécifiquement les personnes handicapées.
Comme l'a fait remarquer Françoise Henneron, il est indispensable que la volonté de mourir soit réitérée et non pas exprimée à la va-vite dans la clandestinité.
Enfin, je rappelle à Jean-Louis Lorrain que le débat sur l'euthanasie a été relancé non pas par ce rapport mais dès l'année dernière, à l'occasion d'une question orale avec débat posée au Sénat par le groupe socialiste. J'indique enfin que l'argument suivant lequel le législateur ne doit pas traiter du corps est déjà largement démenti par le droit : la loi a déjà abordé tous les sujets, celui des cellules, de l'embryon, du sang de cordon ombilical. Il a également affirmé, et réaffirmé, l'indisponibilité du corps humain.