L'agence Fitch évalue le crédit de la Cades depuis 1996 sans avoir changé de méthodologie. La caisse jouit toujours d'une notation AAA à long terme et F1+ à court terme, ce qui correspond au meilleur niveau, et les perspectives sont stables. Cette notation est étroitement liée à celle de la République française, conformément à la méthodologie de notation des entités du secteur public définie par Fitch, également appliquée à l'Acoss, à l'AFD, à la CNA, à la SNCF et même à La Poste : car il est très probable qu'en cas de besoin, ces entités reçoivent de leur mandant, l'Etat, un soutien financier en temps utile, c'est-à-dire à la première demande. Compte tenu des liens financiers, économiques, juridiques et moraux entre l'Etat et la Cades, celle-ci entre dans la catégorie des entités « dépendantes » de l'Etat, hautement intégrées à la machine gouvernementale, strictement contrôlées par l'Etat, exerçant des activités de service public et jouissant du statut d'entité du secteur public.
Toutefois la Cades ne bénéficie pas d'une garantie irrévocable de la part de l'Etat, auquel cas sa note serait alignée sur celle de ce dernier. La garantie fournie par l'Etat est de nature statutaire et implicite, ce qui conduit Fitch à mener une analyse « descendante », fondée d'une part sur l'évaluation de la qualité de crédit de la Cades, d'autre part sur la probabilité qu'elle fasse l'objet d'un soutien systématique de la part de l'Etat. Une entité dépendante peut devenir non dépendante si le contrôle exercé par l'Etat se relâche, s'il est prévisible que l'Etat réduise son soutien financier, en cas de changement de statut juridique ou si cette entité exerce des fonctions plus commerciales ; sa note peut alors être revue.
L'évaluation du niveau de dépendance de la Cades à l'égard de l'Etat repose sur cinq principaux critères. Le premier est le statut juridique de la Cades, qui est un établissement public à caractère administratif, et bénéficie à ce titre d'une garantie implicite de l'Etat quant à sa solvabilité et sa liquidité, aux termes de la loi du 16 janvier 1980. En cas de besoins de trésorerie, elle pourrait bénéficier d'avances spécifiques du Trésor ou émettre des billets de trésorerie achetés par la Caisse de la dette publique.
En deuxième lieu, la Cades est fortement intégrée à l'appareil d'Etat, et sa dette consolidée dans la dette publique française au sens du traité de Maastricht.
En troisième lieu, la Cades revêt une importance stratégique pour l'Etat, puisqu'elle est chargée de l'apurement de la dette de la sécurité sociale.
Quatrièmement, l'Etat exerce un contrôle étroit sur la Cades, en vertu du mode de gouvernance de la caisse, de la composition de ses conseils d'administration et de surveillance, et de la supervision des ministères des finances et du budget.
Le cinquième critère, le plus important, concerne la capacité de l'Etat à garantir la solvabilité et la liquidité de la Cades.
L'évaluation intrinsèque de la qualité de crédit de la Cades, indépendamment du soutien de l'Etat, dépend des recettes qui lui sont affectées de manière durable. Nous considérons la CRDS comme une recette pérenne, dynamique et étroitement liée au Pib ; il en va de même de la CSG. Les nouvelles recettes prévues pour compenser le transfert de dette pourraient s'avérer moins fiables, si elles sont liées au produit du placement des actifs du FRR ou à la réduction des niches fiscales. Mais encore une fois, les recettes propres de la Cades n'entrent pas seules en compte dans notre évaluation car nous savons qu'en cas de déséquilibre momentané, elle pourrait obtenir des liquidités auprès de l'Etat.
Tout dépend donc de la note souveraine de la France. Cæteris paribus, le projet de transférer des ressources entre différents organismes du secteur public n'est pas de nature à affecter la notation de la France car l'analyse de Fitch porte au premier chef sur la dette consolidée des administrations publiques.
Pour ce qui concerne l'adossement du FRR, afin que la Cades puisse faire face aux déficits de l'assurance vieillesse jusqu'en 2018, l'agence n'a pas réalisé de simulations propres : elle s'est servie de celles que l'Etat a publiées dans son rapport de diagnostic sur la situation des finances publiques présenté lors de la conférence sur le déficit de mai 2010. Fitch a publié fin mai un commentaire sur la note de la France. Le Gouvernement prévoit une réduction du taux de chômage à 4,5 % en 2024 et de forts gains de productivité, mais si ces objectifs ne sont pas atteints, c'est l'équilibre financier du secteur public tout entier qui s'en trouverait mis à mal.
Quelles seraient les conditions optimales de reprise de la dette sociale ? La réponse à cette question diffère selon que l'on s'intéresse à la notation de la Cades ou de la France. Dans le premier cas, la reprise de nouvelles dettes par la Cades ne devrait pas influer sur sa notation, restée stable depuis 1996 malgré des transferts successifs, car la caisse continuera à bénéficier de recettes publiques, suffisantes pour lui permettre d'apurer la dette. Quant à la dette publique de la France, l'évaluation qu'en fait notre groupe souverain dépend de l'état des finances publiques, des performances économiques du pays, des caractéristiques structurelles de l'économie et des finances externes.
Fitch prend en compte la règle fixée par la loi organique de 2005 dans son évaluation du contexte institutionnel de la Cades ; un changement majeur du cadre législatif pourrait conduire l'agence à abaisser sa note s'il se traduisait par une détérioration de la qualité de crédit intrinsèque de la Cades ou par un affaiblissement du soutien de l'Etat. Mais ce scénario est très improbable à moyen terme. Avant toute chose, c'est la dégradation de la note souveraine de la France qui affecterait la note de la caisse.
Le risque de refinancement de la Cades est d'ailleurs très limité : non seulement elle peut obtenir facilement des liquidités, mais elle dispose d'un programme global d'emprunts à moyen et long terme d'un montant de 75 milliards d'euros et d'un programme d'émission de billets de trésorerie de 20 milliards. La signature de la Cades est reconnue sur le plan international : sa base d'investissement est large, et c'est le deuxième émetteur public français. Elle n'aurait donc aucun mal à trouver des liquidités sur le marché en cas de besoin.