Intervention de François Baroin

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er septembre 2010 : 1ère réunion
Gestion de la dette sociale — Audition de M. François Baroin ministre du budget des comptes publics et de la réforme de l'état

François Baroin :

Je viens vous exposer la stratégie du Gouvernement concernant la gestion de la dette sociale. La dette sociale a toute sa place dans le débat sur la réduction de la dette et des déficits publics. En 2011, la dette sociale cumulée au sein de l'Acoss représentera 80 milliards d'euros qu'il convient de résorber. Le projet de loi organique adopté en conseil des ministres, le 13 juillet dernier, constitue l'un des éléments clefs de notre démarche globale. La sécurité sociale est en effet au coeur de la cohésion sociale et, si ne pas demander à nos enfants de payer nos dettes et d'assumer un fardeau qui n'est pas le leur est une question de responsabilité, nous devons concilier cette exigence avec la nécessité de ne pas casser la reprise économique.

J'ai tenu, dans ce contexte, à réunir une commission sur la question de la dette sociale, à laquelle a participé la représentation nationale. L'ensemble des forces politiques des deux assemblées y était représenté. Elle a tenu trois réunions. Alain Vasselle, rapporteur général, André Lardeux, Sylvie Desmarescaux, Guy Fischer et Jacky Le Menn, de votre commission, y ont siégé pour le Sénat. J'ai apprécié votre attitude consciente et responsable. Vous avez écarté le maintien de la dette sociale au sein de l'Acoss, ainsi que sa reprise par l'Etat ou la création d'une autre Cades. L'allongement de la durée de vie de la Cades n'étant envisagé que comme une solution d'appoint, vous avez demandé au Gouvernement d'apporter des réponses structurelles à la dette sociale. Le schéma de reprise de la dette sociale que je vous propose répond à cette attente. Il sera mis en oeuvre pour une large part dans le PLFSS pour 2011.

Afin de permettre à la Cades de reprendre les 80 milliards de la dette ainsi que les déficits futurs de la branche vieillesse, nous lui avons d'abord octroyé de nouvelles recettes : 3,2 milliards d'euros par an permettront de reprendre 34 milliards d'euros de dette, ce qui correspond aux déficits structurels des années 2009 et 2010 du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) ainsi qu'au déficit prévisionnel 2011 de l'assurance maladie. Par souci d'équité, nous avons souhaité que seules les générations actuelles d'actifs et de retraités supportent ces déficits structurels. Les recettes affectées à la Cades proviendront de la réduction des niches fiscales et sociales, et non de hausses d'impôts.

La suppression de l'exonération de taxe sur les conventions d'assurance dont bénéficient les contrats d'assurance maladie « solidaires et responsables », d'abord, respectera leur spécificité : le taux sera de 3,5 % contre un taux normal de 7 % ; les complémentaires-santé bénéficieront toujours d'une exonération d'1,1 milliard d'euros et, au total, malgré cette mesure qui rapportera une somme équivalente, ces contrats bénéficieront toujours d'avantages fiscaux et sociaux.

La taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance, ensuite, rapportera 1,4 milliard d'euros en 2011 ; cette taxe ne réduira pas la réserve de capitalisation et sera sans effet sur les capitaux propres des entreprises du secteur : il s'agit d'une mesure de trésorerie puisque la dotation de la réserve a vocation à être taxée à 33 % lors de sa reprise : nous la taxons à 10 % immédiatement et, en échange, les reprises sur cette réserve seront exonérées d'impôt.

Troisièmement, les prélèvements sociaux s'appliqueront aux encaissements dans les compartiments euros des contrats d'assurance-vie multi-supports, plutôt qu'au dénouement des contrats. Avec ces trois mesures, la Cades disposera de 4,1 milliards d'euros en 2011, de 2,5 milliards en 2012, soit 3,3 milliards en moyenne sur les deux prochaines années, puis ces ressources diminueront. Compte tenu de la dynamique décroissante du rendement des deux dernières mesures, je vous propose, dans le respect de la nouvelle contrainte organique, une clause de garantie de ressources sur le long terme. Le Président de la République refusant d'augmenter les impôts, comme il vient de le rappeler à Brégançon, il nous faudra réduire d'autres niches fiscales et sociales. C'est un axe majeur de notre stratégie fiscale. Tels sont notre volonté et le cap que nous voulons tenir. Cela dit, par cette clause, nous garantissons que, en cas d'échec, les ressources manquantes viendront d'un relèvement de la CRDS. La reprise de la dette sera bien financée par des recettes certaines et pérennes.

La prolongation de quatre ans de la durée de vie de la Cades permettra de reprendre 34 milliards, soit la dette de crise des années 2009 et 2010. Le fait est avéré, le déficit du régime général a doublé en 2009 par rapport à 2008 - passant de 10 milliards d'euros en 2008 à 20 milliards en 2009 - du fait d'un « choc de recettes », la masse salariale du secteur privé s'étant contractée pour la première fois depuis 1945. Il nous est apparu injuste de faire supporter aux seules générations actuelles une dette née d'une crise sans précédent, d'où la dérogation, mesurée, au principe de non-allongement, puisqu'elle conduit à étaler sur quinze ans au lieu de onze le remboursement de cette « dette de crise ».

Nous souhaitons enfin mobiliser les actifs et la recette du FRR en vue de la reprise de la dette vieillesse de 2011 et des années suivantes. On estime la dette annuelle de la Cnav et du FSV à 10 milliards d'euros. Le Gouvernement doit apporter une réponse aux déficits passés et en éviter de nouveaux. Avec la réforme structurelle des retraites que nous engageons, l'équilibre devrait être atteint en 2018. La mobilisation du FRR permettra à la Cades, dans la limite de 62 milliards, d'amortir les déficits cumulés du régime général et du FSV d'ici cette date. Elle disposera à cet effet du transfert de la part aujourd'hui affectée au FRR du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, pour un rendement de 1,5 milliard d'euros en 2011, et de la liquidation des actifs du FRR via des transferts annuels de 2,1 milliards jusqu'en 2024, date à laquelle la propriété des actifs résiduels du FRR sera transférée à la Cades. Loin d'être rapidement liquidé, le FRR continuera à gérer ses actifs jusqu'en 2024.

Au total, 130 milliards d'euros de dettes seront transférés à la Cades : 68 milliards correspondant aux déficits 2009 et 2010 du régime général et du FSV, plus le déficit prévisionnel 2001 de la branche maladie ; 62 milliards de déficits prévisionnels vieillesse sur la période 2011-2018.

L'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996 sera modifié pour permettre l'allongement de la durée de vie de la Cades : cet article prévoit que toute reprise de dette doit s'accompagner d'une augmentation des recettes de façon à ne pas allonger la durée de l'amortissement. Il s'agit une disposition de nature organique comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel par sa décision du 29 juillet 2005. Le principe de non-allongement n'est donc nullement mis en cause par la modification que je propose - la commission de la dette sociale a souligné le caractère structurant de ce principe. Le projet conforte le caractère exceptionnel de la dérogation : seule la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 pourra prévoir des transferts de dette conduisant à allonger la durée d'amortissement ; cet allongement, compte tenu des déficits imputables à la crise, ne pourra dépasser quatre années. L'horizon de la dette sociale reste limité et en lien avec la durée de vie de la génération à l'origine du déficit. Le Parlement pourra contrôler le respect de cette disposition organique grâce à l'enrichissement en ce sens de l'annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale. La charge de la dette sociale ne sera donc pas reportée sur les générations futures.

Le 1° de l'article 1er ouvre au législateur la possibilité de financer des reprises de dette sociale par un transfert d'actifs à la Cades, en plus de l'affectation de recettes supplémentaires.

La Cour des comptes conteste depuis deux ans le traitement comptable appliqué à la dette sociale portée par la Cades. Elle considère qu'il est anormal que cette dette ne figure nulle part, ni dans les comptes de l'État, ni dans ceux des organismes sociaux. Nous reconnaissons que cette situation est anormale mais nous contestons le rattachement à l'Etat de cette dette, puisqu'elle relève du champ de la sécurité sociale. C'est pourquoi je vous propose de préciser le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale et de soumettre chaque année à votre approbation un tableau qui améliorera l'information du Parlement en retraçant la situation patrimoniale de l'ensemble des organismes entrant dans le champ de ces lois.

Un amendement du Gouvernement, enfin, propose de modifier la composition du conseil d'administration de la Cades afin de renforcer la place des partenaires sociaux : en marquant l'appartenance de la caisse à la sphère sociale, il assurera que l'Etat ne la contrôle pas. Nous espérons ainsi obtenir que la Cour des comptes lève la réserve relative à la Cades dès la certification des comptes 2010.

Nous sommes déterminés à régler le problème de la dette sociale de façon responsable en asséchant les déficits passés et en anticipant les besoins de financement futurs, en l'occurrence ceux de la branche vieillesse.

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