Intervention de Jean-Cyril Spinetta

Mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, dans ce domaine à l'attractivité du territoire national — Réunion du 14 février 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Cyril Spinetta président-directeur général d'air france-klm

Jean-Cyril Spinetta :

a tout d'abord indiqué que le transport aérien restait l'un des rares secteurs où la nationalité emportait, sous la forme des droits de trafic, des conséquences juridiques. Le droit de desservir des grandes villes dans un pays étranger est en effet accordé à la suite de négociations entre les Etats intéressés. En l'occurrence, les droits de trafic sont formellement accordés par un Etat à un autre Etat, puis rétrocédés obligatoirement par ce dernier à une compagnie de sa propre nationalité, définie en fonction de la nationalité des actionnaires.

Parallèlement à cet arrière-plan juridique international issu de la convention de Chicago du 7 décembre 1944, la construction européenne tend à effacer la notion de nationalité entre les Etats membres de l'Union. C'est ainsi que le Marché Unique a supprimé les droits de trafic aériens entre les Etats membres de l'Union entre eux et également entre ces derniers, la Suisse et le Maroc qui y sont assimilés par convention.

Dans le prolongement de la construction du marché unique, la Cour de justice des communautés européennes a jugé illicite, en 2002, la clause de nationalité figurant dans les accords sur les droits de trafic passés avec la Chine. Les droits accordés par la Chine sont donc, du point de vue européen, qui n'est pas celui de la Chine, accessibles à l'ensemble des compagnies aériennes européennes.

Cette contradiction devra un jour être résolue. De façon générale, la tendance est à la liberté d'accès : c'est dans cette logique que s'inscrivent les négociations « Ciel ouvert » en cours avec les Etats-Unis, qui tendent à reconnaitre l'Union Européenne comme une réalité juridique se substituant aux Etats membres.

Evoquant ensuite la privatisation d'Air France, M. Jean-Cyril Spinetta a indiqué que la loi avait réglementé de façon précise l'évolution de la composition du capital d'Air France afin de protéger la nationalité et par voie de conséquence les droits de trafic de la Compagnie. Lorsque le seuil de 40 % du capital ou des droits de vote a été franchi par les actionnaires non français, le conseil d'administration doit décider d'abaisser le seuil de mise au nominatif obligatoire. Par ailleurs, lorsque les actionnaires autres que français détiennent 45 % du capital ou des droits de vote de la compagnie, le conseil d'administration doit décider d'imposer la forme exclusivement nominative des actions de la société et peut décider de mettre en oeuvre une procédure de cession forcée. D'autres formes de protection de l'actionnariat national des compagnies aériennes existent dans les pays européens.

Pour préserver les droits de trafic de KLM, il a été décidé, lors de la fusion, de dissocier, dans le capital, le droit économique, lié au versement du dividende, du droit de contrôle, lié au vote en assemblée générale. Cette solution, autorisée par le droit néerlandais, a abouti à un équilibre où Air France KLM détient 49 % des droits de vote de KLM, tout en possédant la totalité de ses droits économiques. Cette formule permet de protéger les droits de trafic détenus par KLM avant la fusion.

Quand la tendance générale à l'alignement du transport aérien sur les règles applicables aux autres activités aura atteint son aboutissement, les transporteurs auront à choisir entre deux stratégies : continuer à relier leur pays d'origine au reste du monde ou être présents sur le trafic entre pays extra-européens tout en conservant de fortes racines nationales. Il leur appartient d'anticiper sur cette évolution.

a ensuite estimé que la notion de nationalité de l'entreprise conservait une portée considérable, en dépit de la difficulté à définir la nationalité par un critère objectif. La nationalité des actionnaires, a-t-il estimé, ne joue pas un rôle déterminant, sauf dans le transport aérien et dans les entreprises à capital familial. La nationalité des dirigeants n'est plus centrale, comme le montre le cas de l'Oréal, longtemps dirigée par un Gallois. La langue est en revanche un élément important. A Air France KLM, la langue officielle est le français : les documents faisant foi sont rédigés en français mais chacun s'exprime dans sa propre langue lors des réunions du Conseil d'Administration. La langue de travail est cependant l'anglais, comme tel est le cas depuis longtemps dans l'ensemble du transport aérien. Le lieu du siège social, la France pour Air France KLM, est un critère intéressant, mais le facteur le plus important de la nationalité d'une entreprise est le recrutement des cadres dirigeants, toujours marqué par une dominante nationale.

La nationalité de l'entreprise conserve un intérêt majeur, dans la mesure où elle est un vecteur essentiel de l'influence d'un pays et du maintien de son autonomie. En effet, un pays qui perd ses centres de décision économique voit son influence diminuer. A titre d'exemple, il n'est pas indifférent pour la localisation des centres de recherche que Sanofi Aventis, dont le budget de recherche est supérieur à celui du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ait un encadrement français.

a ensuite évoqué le remarquable succès de la politique des « Champions nationaux » menée en France depuis trente ans par l'Etat et par les actionnaires des grands groupes. Cette politique, qu'il faut saluer et encourager, est l'un des instruments de préservation de l'influence française.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion