Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 décembre 2006 : 1ère réunion
Agriculture — Respect et promotion des indications géographiques agroalimentaires à l'échelle internationale - communication

Photo de Jean BizetJean Bizet :

A titre liminaire, M. Jean Bizet a indiqué que la mission lui ayant été confiée par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, le 1er décembre 2003, s'inscrivait dans la perspective du cycle de négociations commerciales multilatérales lancé à Doha en septembre 2001, dont l'un des objectifs était l'établissement d'un système multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques (IG) pour les vins et spiritueux. Après avoir observé que son étude avait naturellement concerné l'ensemble des indications géographiques de provenance, il a indiqué que si la tradition de donner à un produit le nom de sa région de production était ancienne, la réflexion la plus aboutie était l'appellation d'origine contrôlée (AOC), inventée en 1935 à l'initiative de Joseph Capus, sénateur de la Gironde.

a ensuite souligné les originalités de la notion d'IG : non opéable, non délocalisable, elle relève d'une propriété collective de tous les acteurs d'un territoire et bénéficie au plan juridique de la protection de l'Etat. En cela, elle se distingue fortement de la notion de marque, généralement défendue par les pays les plus libéraux. L'outil que constituent les IG est prévu par la réforme de la PAC de 2003 qui, à ce titre, autorise la mobilisation de 10 % de subventions supplémentaires dans le cadre du volet « développement rural ».

Considérant que, vu sous l'angle des IG, la mondialisation, loin d'être une uniformisation ou une américanisation, était au contraire une organisation du commerce mondial de produits différents dont l'originalité devait être protégée au travers de l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce (ADPIC), voire par un registre de notification et d'enregistrement multilatéral, M. Jean Bizet est cependant convenu que cette conception française ne recueillait pas l'unanimité dans l'Union européenne, et encore moins au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il a en outre souligné que la filière viticole française, qui concerne 85 % des appellations et indications géographiques protégées (IGP), devait accepter de revoir un certain nombre de règles pour parvenir à répondre à la concurrence des vins du Nouveau-monde : l'attribution des AOC, les pratiques oenologiques, et le recours aux marques pour mieux répondre à l'évolution du goût des consommateurs et à une certaine lisibilité des produits.

a ensuite indiqué que, contrairement à ce qu'il supposait au moment de la rédaction de son rapport, la discussion sur les IG n'avait pas été abordée à Hong-Kong en décembre 2005 : en effet, alors que ce thème très complexe ne peut arriver qu'en fin de négociations, le débat sur le cycle de Doha s'est enlisé sur les dossiers agricoles. Il a regretté cette situation, qui pénalise particulièrement l'agriculture française, puisque 21 % des agriculteurs, soit 138.000 sur un total de 657.000, sont actifs dans les filières des IG. Celles-ci sont créatrices de valeur ajoutée, qui bénéficie aux producteurs bien plus que ne le fait une marque. Malheureusement, au sein de l'Union européenne, il existe une fracture entre les pays du Nord, moins sensibles à cette culture de l'origine, et ceux du Sud qui, tels que l'Italie, la Grèce, l'Autriche, voire la Suisse, soutiennent la France dans son souhait de protéger et de promouvoir les IG.

a ensuite exposé que si les quatre signes français de qualité sont globalement bien connus du grand public français (les AOC, l'agriculture biologique (AB), le Label Rouge et la Certification de Conformité), il existe également quatre sigles au niveau communautaire :

- l'appellation d'origine protégée (AOP), équivalent des AOC françaises : la qualité reconnue aux produits est exclusivement due à sa provenance ;

- l'indication géographique protégée (IGP) : la qualité reconnue aux produits peut être attribuée, en partie, à la provenance ;

- la spécialité traditionnelle garantie (STG) : cette attestation de spécificité ne garantit pas une origine, mais un savoir-faire ou un mode de production traditionnel ;

- l'agriculture biologique (AB).

Parallèlement à ces sigles, la proposition de la SOPEXA (spécialiste du marketing et de la communication alimentaire qui intervient en tant que conseil de l'Etat en matière de promotion des produits agricoles et alimentaires français) de créer une nouvelle marque : « La Belle France », qui ne devrait pas être traduite, n'a pas abouti pour le moment.

Puis M. Jean Bizet a relevé qu'au plan international, la protection des IG était encore imparfaite, sauf en ce qui concerne les vins et les spiritueux qui sont concernés par l'accord ADPIC de l'OMC, qui a constitué un réel progrès en intégrant dans le droit international la défense des IG. Malheureusement, le registre multilatéral de notification et d'enregistrement des IG pour les vins et spiritueux, qui aurait dû le compléter avant 2003, n'a pas été créé, ce qui pénalise l'Union européenne et, en particulier, la France. Aussi bien les demandes de l'Union européenne à l'OMC concernant les IG portaient-elles sur trois sujets :

- la mise en oeuvre du registre, avec des difficultés sur ses effets juridiques et sur son caractère obligatoire ;

- l'extension de la protection additionnelle aux produits autres que les vins et spiritueux (par exemple, les fromages) ;

- la remise en cause de la quarantaine d'usurpations « légalisées » par des clauses d'exception, dont quatorze sont françaises (telles que « bourgogne », « beaujolais », « champagne »...).

Toutefois, M. Jean Bizet a souligné que même si la négociation agricole avait pu avancer au rythme espéré, il aurait été malgré tout difficile de parvenir à un accord totalement favorable pour la France car, d'une part, celle-ci n'a pas beaucoup d'alliés au plan européen sur cette question et, d'autre part, la plupart des Etats membres de l'OMC sont au mieux indifférents, au pire opposés aux IG (même si les USA, par exemple, commencent à comprendre l'intérêt de la notion face à la concurrence des vins de pays du Nouveau-monde que subit leur production viticole de la NAPA Valley).

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