La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Jean Bizet à propos de la réunion des commissions de l'agriculture des Parlements de l'Union européenne sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC).
Précisant que cette rencontre, organisée par la présidence finlandaise, était en grande partie de nature prospective, puisqu'elle portait sur le modèle agricole européen et les défis de l'avenir pour la PAC, il a proposé d'en tirer les principaux enseignements, plutôt que d'en faire un compte rendu détaillé.
Il a tout d'abord confirmé que le financement de la PAC prévu jusqu'en 2013 n'avait pas été remis en question, ajoutant que la commissaire européenne à l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, avait été très claire sur ce point qu'aucun des intervenants n'avait d'ailleurs contesté, y compris ceux appartenant à des délégations anglo-saxonnes.
Il a rapporté que les principes fondateurs du modèle agricole européen continuaient de recueillir un large accord. Rappelant que ce modèle, adopté en 1997, se définissait comme multifonctionnel, durable, compétitif et prenant en compte l'ensemble du territoire européen, il a ajouté qu'il se proposait d'apporter des solutions économiquement saines et viables, socialement acceptables et permettant d'assurer des revenus équitables ainsi qu'un juste équilibre entre secteurs de production, producteurs et régions, tout en évitant les distorsions de concurrence. Reconnaissant qu'un tel modèle, ainsi défini, pouvait apparaître comme une addition d'éléments contradictoires, il a estimé qu'il se caractérisait plutôt comme un équilibre entre des préoccupations dont certaines étaient peu présentes lorsque la PAC a été lancée, en particulier la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire. Jugeant qu'il permettait un assez large accord autour de l'idée de la nécessité du maintien d'une PAC après 2013, il a néanmoins considéré, reprenant en cela le point de vue de la commissaire européenne à l'agriculture, qu'il ne devait pas rester statique, mais au contraire tenir compte de l'évolution des besoins de la société, en participant par exemple à la lutte contre le changement climatique par la promotion des bioénergies.
a poursuivi en observant que la conférence avait fait apparaître des oppositions sur des points importants, tels que la nature du rendez-vous d'étape prévu en 2008-2009. Estimant que la commissaire, bien que l'ayant qualifié de « bilan de santé », entendait en réalité lui donner une portée bien plus grande, il a relaté les projets de la Commission européenne en la matière : accroître la modulation obligatoire des paiements directs pour financer le développement rural, plafonner les aides, ou encore remplacer les 21 organisations communes de marché (OCM) actuelles par un dispositif unique. Sur ce dernier point, il a fait part de son scepticisme, tout en rapportant que les fonctionnaires européens avaient annoncé la présentation de premiers projets dans des délais rapprochés. Il a par ailleurs indiqué que Mme Mariann Fischer Boel s'était interrogée sur le maintien des exceptions au découplage, ainsi que sur la poursuite du gel des terres.
Mentionnant le plaidoyer du représentant des organisations agricoles, M. Rudolf Schwarzböck, pour une période de « paix législative » sans réformes, et sa stigmatisation d'une instabilité des règles de la PAC de plus en plus difficilement supportée par les exploitants, il a mis en exergue le débat existant sur le contenu de l'exercice de simplification envisagé pour la période 2007-2009, dont le principe avait toutefois été unanimement approuvé.
Notant que le débat avait principalement porté sur l'« après 2013 », il a indiqué que la commissaire européenne n'avait donné que de larges orientations à ce sujet en vue de susciter un « débat stratégique » de sorte qu'il soit possible, bien avant 2013, de connaître les grandes lignes de la future PAC. Considérant comme une donnée acquise qu'après 2013, il n'y aurait plus, ou presque, de restitutions à l'exportation, celle-ci, a-t-il ajouté, a estimé que la régulation reposerait normalement sur le marché et non plus sur des mécanismes d'intervention ou des quotas de production, que les aides devraient être totalement découplées de la production et que la politique de développement rural aurait une place de plus en plus importante, avec des objectifs précis et des moyens accrus.
Il a relaté les prises de position plus radicales du représentant de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), M. Stefan Tangermann, qui a rappelé les tendances lourdes des négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) : suppression des restitutions à l'exportation, diminution des droits à l'importation et réduction du soutien des prix. Insistant sur le fait que les règles de l'OMC n'impliquaient pas la suppression des politiques agricoles, en permettant en effet de récompenser des services rendus par l'agriculture qui ne sont pas pris en compte par le marché, M. Jean Bizet a souligné que les soutiens couplés à la production étaient en revanche appelés à décroître ou à disparaître. Tout en estimant que le couplage restait encore significatif dans le cas de la PAC, de même que le soutien des prix, rendant un découplage total des aides incontournable à l'avenir, M. Tangermann, a-t-il poursuivi, les a critiquées, estimant qu'elles étaient certes compatibles avec les règles de l'OMC, mais inéquitables car profitant aux propriétaires, inadaptées aux objectifs d'une PAC rénovée et fondées sur des références historiques créant une rente de situation non justifiée. Il a fait mention des interrogations soulevées par le représentant de l'OCDE quant à leur finalité -rendre l'agriculture européenne plus compétitive ? rendre les sociétés rurales viables ? entretenir les paysages ? assurer la sécurité de l'approvisionnement ou la sécurité alimentaire ?- et de son scepticisme quant à leur capacité à atteindre ces objectifs, M. Tangermann ayant proposé de passer du découplage au ciblage, estimant que des paiements ciblés et limités dans la durée seraient le meilleur moyen de réaliser les objectifs assignés à la PAC.
Rejetant l'idée d'une agriculture déconnectée de l'activité de production, qu'il a estimée contraire à la philosophie même du secteur primaire et problématique pour les industries locales de transformation, M. Jean Bizet a ensuite relaté l'exposé de M. Raphaël Alomar, conseiller du Président de la République, M. Jacques Chirac, pour les questions agricoles. Revenant sur les objectifs de la PAC, M. Alomar a ainsi souligné que l'agriculture n'était pas seulement une activité économique, mais qu'elle devait également assurer l'occupation des territoires et la préservation de l'environnement, la qualité et la traçabilité des produits, ou encore le bien-être animal. Par ailleurs, il a estimé nécessaire d'assurer l'indépendance alimentaire de l'Union européenne en confirmant les principes fondateurs de la PAC : unicité du marché, solidarité financière et préférence communautaire. La PAC, a-t-il jugé, n'est pas trop coûteuse pour le contribuable : ne correspondant plus qu'à un tiers du budget communautaire, les dépenses agricoles cumulées de l'Union et des Etats membres ne représentent que 0,5 % du PIB européen. La PAC n'est pas davantage coûteuse pour le consommateur, a-t-il poursuivi, les dépenses alimentaires ne représentant en France que 14 % du budget des ménages, les produits agricoles proprement dits n'entrant que pour un sixième dans ces dépenses. M. Alomar a cependant souligné que la PAC ne devait pas rester figée, mais simplifiée et davantage orientée vers la création de valeur ajoutée. L'agriculture européenne, a-t-il poursuivi, a des avantages comparatifs à faire valoir, tels que des agriculteurs bien formés et des conditions naturelles favorables, et doit chercher à être davantage présente sur les marchés émergents.
a indiqué que ce dernier point avait été corroboré par M. Alexander Müller, qui intervenait au nom de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), et dont l'exposé avait porté sur la démographie mondiale et l'évolution économique des grandes zones. Il en ressortait qu'à moyen terme, la malnutrition -qui touche encore aujourd'hui un sixième de la population mondiale- n'affecterait pratiquement plus que l'Afrique sub-saharienne, l'Europe ayant à ses portes une assez vaste zone -l'Afrique du Nord et le Proche-Orient- restant en expansion démographique et constituant un marché solvable, en raison notamment du prix durablement élevé du pétrole. L'ensemble de l'Asie, a annoncé M. Müller, poursuivra son rattrapage économique et maintiendra, pour certaines de ses zones, sa croissance démographique. La population mondiale, a-t-il continué, augmentera probablement de deux milliards d'ici à 2050, uniquement dans les zones urbaines, avant d'entamer sa décroissance. Il a conclu à l'existence d'une demande solvable en expansion pour les produits agricoles, dont l'Union européenne, qui connaîtra une régression démographique, devra tirer profit.
a ensuite évoqué les convergences qu'avaient fait apparaître les débats :
- l'installation des jeunes agriculteurs, à propos de laquelle un parlementaire finlandais avait précisé que le nombre d'exploitations avait diminué de moitié depuis l'adhésion de son pays ;
- le développement des bioénergies. Si de nombreux intervenants y ont vu un débouché prometteur, un parlementaire néerlandais a toutefois estimé que les cultures énergétiques ne convenaient pas aux exploitations familiales que l'Union européenne cherche à promouvoir ;
- l'encouragement à la recherche-développement ;
- la perte de légitimité de la PAC depuis que le soutien passe essentiellement par des aides directes et la nécessité de la rendre plus compréhensible par le citoyen ;
- la nécessité d'avoir une stratégie de long terme, à la fois prévisible et stable ;
- l'absence de remise en cause des garanties de financement courant jusqu'en 2013, qui n'avait été contestée qu'indirectement par un parlementaire britannique, certains intervenants ayant au contraire déploré que l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie se fasse à budget constant.
S'intéressant ensuite aux divergences, M. Jean Bizet a indiqué que l'idée d'une PAC entièrement fondée sur des aides découplées avait suscité certaines critiques : les aides directes étant concentrées sur une minorité des exploitations, elles sont mal acceptées socialement et sont basées sur des références historiques qui ne pourront être durablement conservées. Il a également rapporté le manque de capacités d'adaptation de la PAC souligné par des parlementaires britanniques et néerlandais, qui ont estimé que certains objectifs seraient mieux atteints en s'en remettant aux forces du marché. Au contraire, a-t-il noté, l'idée de supprimer tout instrument de gestion des crises a été repoussée par certains intervenants.
Indiquant avoir souligné l'intérêt d'envisager des formules alternatives comme l'assurance récolte, qui permet d'obtenir une garantie de revenus, il a fait état des critiques de plusieurs parlementaires des pays récemment adhérents s'agissant de l'inégalité dans les soutiens accordés aux agriculteurs selon qu'ils ressortissent d'anciens ou de nouveaux Etats membres. Il a également mentionné les débats concernant la place respective des deux piliers de la PAC, les plus libéraux des parlementaires souhaitant que l'essentiel des crédits agricoles soient affectés au développement rural, ce qu'ont estimé inacceptable les partisans d'une Europe conservant une forte ambition agricole.
Evoquant les négociations commerciales en cours au sein de l'OMC, dont il a fait observer qu'elles étaient au centre du débat en tant qu'elles constituaient l'argument le plus fort de ceux qui souhaitent une nouvelle transformation de la PAC, il a indiqué que la commissaire européenne à l'agriculture ne s'était dite prête qu'à accepter un accord « équilibré ». Il a fait état des éléments d'incertitude affectant ces négociations, tels que l'élection aux Etats-Unis d'une majorité parlementaire démocrate, attachée à un certain protectionnisme, ou encore le renouvellement fin juillet 2007 par le Congrès au président du pouvoir de conclure des traités, dit procédure du fast track. Considérant pour sa part qu'il n'était pas opportun de négocier avec un président dont on ne connaît pas les pouvoirs à terme, et jugeant que ce dernier ne ferait rien, en tout état de cause, pour faire progresser des négociations risquant de fragiliser son propre parti, dont l'électorat agricole est particulièrement important, il a estimé qu'aucune avancée nouvelle n'était envisageable de ce fait avant le milieu de l'année 2007, voire 2009.
Rapportant avoir mis l'accent sur les distorsions de concurrence qui naissent de l'insuffisance ou de l'absence de normes internationales en matière sanitaire et environnementale, il a jugé inacceptable que l'Europe s'impose des normes strictes de traçabilité, de qualité sanitaire ou de bien-être animal, tandis qu'entrent sur son marché des productions qui ne répondent pas aux mêmes exigences et sont soumises à des droits de plus en plus faibles. Relayant l'idée d'une organisation des Nations unies pour l'environnement défendue par le Président de la République, il a préconisé sa constitution sous une forme souple et non contraignante, en vue d'inciter les pays en voie de développement à y adhérer.
Puis il a fait état des perspectives d'accord évoquées par les députés Yves Simon et Jean Gaubert, le premier s'étant interrogé sur la possibilité de définir des normes sociales minimales, le second ayant souligné qu'une nouvelle baisse des soutiens et des protections tarifaires se traduirait inévitablement par une diminution du revenu agricole, qui ne pourrait être compensée que par une forte diminution du nombre des agriculteurs, venant contredire l'objectif d'occupation et d'entretien du territoire. Remarquant que la commissaire européenne à l'agriculture n'avait pas vraiment répondu à ces questions, il a indiqué que le représentant de l'OCDE avait été plus clair en faisant valoir qu'on ne pouvait espérer de grands progrès sur les normes sociales et environnementales.
Enfin, M. Jean Bizet a tiré trois enseignements de la conférence :
- l'extrême importance des négociations de l'OMC, la nature de l'accord qui sera obtenu déterminant notre marge de manoeuvre. Souhaitant que, dans un tel contexte, la question du « bilan de santé » de 2008 soit abordée avec prudence, il a estimé que cette échéance ne devait pas être utilisée pour de nouvelles réformes si, comme il est probable, le cycle de Doha ne devait se conclure qu'en 2009. Prônant une démarche cohérente, il a mis en garde contre la défense de politiques agricole et commerciale contradictoires. Partisan d'une simplification et d'une rationalisation du dispositif mis en place en 2003, il a toutefois appelé à ne pas précipiter les échéances ;
- la nécessité de ne pas aborder dans une posture défensive le grand débat sur l'« après 2013 », dont le régime sera décidé bien en amont, mais au contraire de proposer une alternative crédible ;
- la possibilité de plaider légitimement une politique agricole ambitieuse, qui possède davantage de partisans qu'on ne pourrait le penser et peut s'appuyer sur des arguments solides comme l'augmentation de la demande mondiale de produits agricoles ou l'apparition de nouveaux débouchés tels que la bioénergie ou la bio-industrie.
Pour conclure, il a dit avoir perçu une inflexion notable depuis la réforme de la PAC de 2003 dans l'appréhension de la politique agricole européenne par les pays en voie de développement et les pays les moins avancés, qui représentent deux tiers des membres de l'OMC, les critiques à l'encontre des Etats-Unis prenant le dessus sur celles adressées à l'Union européenne. Estimant que cette dernière se trouvait à présent dans une position offensive, il a appelé à la conquête de parts de marché sur des régions du monde émergentes qui, telles la Chine ou l'Inde, devront se tourner vers le marché mondial pour nourrir leur population.
Après avoir remercié M. Jean Bizet, M. Jean-Marc Pastor, vice-président, a mis en exergue les points les plus importants de son intervention : l'absence de modification de l'enveloppe financière dédiée à l'agriculture jusqu'en 2013, la mise en accusation croissante des DPU marchands au motif qu'ils sont favorables aux propriétaires, la nécessité de passer du découplage au ciblage pour s'adapter aux exigences de l'OMC, l'idée que les aides directes sont peut-être trop concentrées sur certaines exploitations et, enfin, la nécessité d'attendre les prochaines élections américaines pour voir évoluer la politique agricole.
après avoir remercié M. Jean Bizet, s'est félicité de certaines orientations, mais a estimé indispensable que soit clarifiée la question de l'équilibre entre les contraintes de compétitivité imposées à l'agriculture et les exigences environnementales. A ce propos, il a rappelé qu'il avait préconisé, dans un récent rapport sur le changement climatique et la transition énergétique élaboré avec M. Pierre Laffitte, la prise en compte du respect des normes environnementales par l'OMC.
Après avoir, à son tour, remercié M. Jean Bizet, Mme Odette Herviaux s'est félicitée de la simplification administrative annoncée, tout en s'interrogant sur ses modalités précises, notamment s'agissant des organisations communes de marché. Elle a ensuite émis des craintes quant à la perspective d'une renationalisation des aides agricoles, soulignant que le niveau des aides « de minimis » pour les entreprises agricoles était trop bas. Elle s'est ensuite interrogée sur les raisons pour lesquelles les Etats avaient très utilisé l'article 69, et sur les orientations de la Commission concernant les aides au maïs en 2007.
Après avoir estimé que les orientations de la Commission évoluaient peu et avoir déploré l'existence d'une pensée unique conduisant à un appauvrissement continu du monde agricole et rural, M. Marcel Deneux a relevé que dans 16 pays de l'OCDE sur 22, le revenu des agriculteurs était en dessous du revenu moyen. Soulignant que les AOC constituaient une bonne réponse à cette évolution, il a indiqué qu'il convenait de rester très vigilant face aux évolutions de la politique européenne. S'agissant de l'environnement, il a relevé qu'il fallait développer les énergies renouvelables et utiliser la biomasse. Il a précisé à cet égard avoir constaté, à l'occasion d'un récent séjour au Brésil, l'avance de ce pays en matière de production d'éthanol, celle-ci atteignant 14 fois l'objectif que se fixe la France pour 2010 en volume. Rappelant que la France avait demandé une réduction du 2e pilier en décembre 2005, il a fait part de ses craintes à ce sujet, et a insisté sur la nécessité d'investir dans la formation des jeunes et de renforcer les aides régionales.
a estimé qu'il serait intéressant que M. Marcel Deneux puisse faire une présentation de son séjour au Brésil devant la commission.
Evoquant son récent déplacement en Irlande, M. Gérard Bailly a souligné que le découplage complet était absurde dans la mesure où, dès lors, l'Europe donnait des primes sans objectifs de production. Il a rappelé que les agriculteurs avaient aussi un rôle d'entretien des paysages.
En réponse, M. Jean Bizet a précisé les éléments suivants :
- une clarification entre les exigences de productivité et de protection de l'environnement est nécessaire, mais le productivisme n'entraîne pas forcément d'atteinte à l'environnement, si des efforts technologiques suffisants sont effectués ;
- la protection de l'environnement doit être intégrée dans les critères de l'OMC, et des liens doivent être créés entre les organisations internationales telles que l'Organisation internationale du travail, l'Organisation mondiale de la santé et l'OMC ;
- pour fabriquer un dollar de produit industriel fini, les Français dégagent 0,2 kg de CO2, les Allemands 0,3, les Anglais 0,4 et les Américains 0,6 : dès lors, il n'est pas illégitime, afin de moraliser les négociations commerciales, d'instituer une taxe sur les produits industriels fabriqués dans des pays ne respectant pas les règles environnementales ;
- le développement de l'assurance récolte aux Etats-Unis montre l'intérêt d'un tel système en termes d'aide au revenu pour les agriculteurs ;
- une renationalisation des aides agricoles se ferait au détriment de la France, puisqu'elle participe à la PAC à hauteur de 16 % et bénéficie, en restitution, de 20 % des aides, l'Allemagne étant quant à elle bénéficiaire en matière de produits industriels ;
- l'article 69 n'a pas été suffisamment utilisé par les Etats ;
- pour lutter contre le phénomène d'appauvrissement du monde agricole, il faudrait que les prix soient revalorisés en fonction de la qualité des produits ;
- l'agriculteur est avant tout un producteur, et l'on observe un mouvement de concentration et de régionalisation des productions.
a exprimé trois interrogations. Comment redonner le moral aux agriculteurs et faire en sorte qu'ils ne soient pas perçus comme des assistés par l'opinion publique ? Comment éviter que la grande distribution n'appauvrisse les producteurs ? Est-il utile d'être vertueux sur le plan environnemental, dès lors que d'autres s'affranchissent de ces contraintes ?
après avoir exprimé son accord avec ces dernières interrogations, a rappelé que le monde agricole avait constitué une fierté pour la France, mais que la foi des agriculteurs s'était quelque peu perdue. Il a estimé que l'équilibre entre l'acte de production et l'acte environnemental avait été respecté par les agriculteurs et que la France était le seul pays à n'avoir pas pu régler la question des OGM. Il a jugé indispensable de redonner des perspectives au monde agricole et a appelé de ses voeux une agriculture « éco-intensive », une modernisation des exploitations agricoles et un effort particulier en matière de commercialisation.
En réponse, M. Jean Bizet a relevé que les jeunes agriculteurs avaient davantage le moral que les plus âgés. Il a ajouté que, face à la grande distribution, il était nécessaire de développer les ventes directes et les filières courtes et a rappelé que celles-ci permettaient aussi aux agriculteurs de vendre leurs produits à l'étranger. Estimant qu'on ne communiquait pas assez sur l'environnement, il a insisté sur la nécessité d'un effort au niveau mondial sur ce sujet. Enfin, il a confirmé la nécessité de redonner des perspectives au monde agricole et de développer une agriculture « éco-intensive ».
La commission a ensuite entendu une seconde communication de M. Jean Bizet portant sur son rapport relatif au respect et à la promotion des indications géographiques agroalimentaires à l'échelle internationale qu'il a remis, en tant que parlementaire en mission, au Premier ministre.
A titre liminaire, M. Jean Bizet a indiqué que la mission lui ayant été confiée par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, le 1er décembre 2003, s'inscrivait dans la perspective du cycle de négociations commerciales multilatérales lancé à Doha en septembre 2001, dont l'un des objectifs était l'établissement d'un système multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques (IG) pour les vins et spiritueux. Après avoir observé que son étude avait naturellement concerné l'ensemble des indications géographiques de provenance, il a indiqué que si la tradition de donner à un produit le nom de sa région de production était ancienne, la réflexion la plus aboutie était l'appellation d'origine contrôlée (AOC), inventée en 1935 à l'initiative de Joseph Capus, sénateur de la Gironde.
a ensuite souligné les originalités de la notion d'IG : non opéable, non délocalisable, elle relève d'une propriété collective de tous les acteurs d'un territoire et bénéficie au plan juridique de la protection de l'Etat. En cela, elle se distingue fortement de la notion de marque, généralement défendue par les pays les plus libéraux. L'outil que constituent les IG est prévu par la réforme de la PAC de 2003 qui, à ce titre, autorise la mobilisation de 10 % de subventions supplémentaires dans le cadre du volet « développement rural ».
Considérant que, vu sous l'angle des IG, la mondialisation, loin d'être une uniformisation ou une américanisation, était au contraire une organisation du commerce mondial de produits différents dont l'originalité devait être protégée au travers de l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle relatifs au commerce (ADPIC), voire par un registre de notification et d'enregistrement multilatéral, M. Jean Bizet est cependant convenu que cette conception française ne recueillait pas l'unanimité dans l'Union européenne, et encore moins au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il a en outre souligné que la filière viticole française, qui concerne 85 % des appellations et indications géographiques protégées (IGP), devait accepter de revoir un certain nombre de règles pour parvenir à répondre à la concurrence des vins du Nouveau-monde : l'attribution des AOC, les pratiques oenologiques, et le recours aux marques pour mieux répondre à l'évolution du goût des consommateurs et à une certaine lisibilité des produits.
a ensuite indiqué que, contrairement à ce qu'il supposait au moment de la rédaction de son rapport, la discussion sur les IG n'avait pas été abordée à Hong-Kong en décembre 2005 : en effet, alors que ce thème très complexe ne peut arriver qu'en fin de négociations, le débat sur le cycle de Doha s'est enlisé sur les dossiers agricoles. Il a regretté cette situation, qui pénalise particulièrement l'agriculture française, puisque 21 % des agriculteurs, soit 138.000 sur un total de 657.000, sont actifs dans les filières des IG. Celles-ci sont créatrices de valeur ajoutée, qui bénéficie aux producteurs bien plus que ne le fait une marque. Malheureusement, au sein de l'Union européenne, il existe une fracture entre les pays du Nord, moins sensibles à cette culture de l'origine, et ceux du Sud qui, tels que l'Italie, la Grèce, l'Autriche, voire la Suisse, soutiennent la France dans son souhait de protéger et de promouvoir les IG.
a ensuite exposé que si les quatre signes français de qualité sont globalement bien connus du grand public français (les AOC, l'agriculture biologique (AB), le Label Rouge et la Certification de Conformité), il existe également quatre sigles au niveau communautaire :
- l'appellation d'origine protégée (AOP), équivalent des AOC françaises : la qualité reconnue aux produits est exclusivement due à sa provenance ;
- l'indication géographique protégée (IGP) : la qualité reconnue aux produits peut être attribuée, en partie, à la provenance ;
- la spécialité traditionnelle garantie (STG) : cette attestation de spécificité ne garantit pas une origine, mais un savoir-faire ou un mode de production traditionnel ;
- l'agriculture biologique (AB).
Parallèlement à ces sigles, la proposition de la SOPEXA (spécialiste du marketing et de la communication alimentaire qui intervient en tant que conseil de l'Etat en matière de promotion des produits agricoles et alimentaires français) de créer une nouvelle marque : « La Belle France », qui ne devrait pas être traduite, n'a pas abouti pour le moment.
Puis M. Jean Bizet a relevé qu'au plan international, la protection des IG était encore imparfaite, sauf en ce qui concerne les vins et les spiritueux qui sont concernés par l'accord ADPIC de l'OMC, qui a constitué un réel progrès en intégrant dans le droit international la défense des IG. Malheureusement, le registre multilatéral de notification et d'enregistrement des IG pour les vins et spiritueux, qui aurait dû le compléter avant 2003, n'a pas été créé, ce qui pénalise l'Union européenne et, en particulier, la France. Aussi bien les demandes de l'Union européenne à l'OMC concernant les IG portaient-elles sur trois sujets :
- la mise en oeuvre du registre, avec des difficultés sur ses effets juridiques et sur son caractère obligatoire ;
- l'extension de la protection additionnelle aux produits autres que les vins et spiritueux (par exemple, les fromages) ;
- la remise en cause de la quarantaine d'usurpations « légalisées » par des clauses d'exception, dont quatorze sont françaises (telles que « bourgogne », « beaujolais », « champagne »...).
Toutefois, M. Jean Bizet a souligné que même si la négociation agricole avait pu avancer au rythme espéré, il aurait été malgré tout difficile de parvenir à un accord totalement favorable pour la France car, d'une part, celle-ci n'a pas beaucoup d'alliés au plan européen sur cette question et, d'autre part, la plupart des Etats membres de l'OMC sont au mieux indifférents, au pire opposés aux IG (même si les USA, par exemple, commencent à comprendre l'intérêt de la notion face à la concurrence des vins de pays du Nouveau-monde que subit leur production viticole de la NAPA Valley).
A l'issue de cette intervention, M. Gérard Bailly, faisant référence aux Olympiades des fromages de montagne récemment organisées en Italie, s'est demandé s'il existait un label reconnaissant la spécificité des produits de montagne.
Par ailleurs, M. Claude Saunier a souligné que les propos du rapporteur rejoignaient les conclusions de son propre rapport sur l'industrie agro-alimentaire : face au risque de l'uniformisation, la France devait promouvoir « la mondialisation de la différence ». Il a ajouté que cet objectif constituait également un soutien au commerce équitable, puisque la spécificité de la production justifiait l'acquittement d'un prix plus significatif que pour des produits non labellisés.
En réponse, M. Jean Bizet, après avoir indiqué que l'origine montagnarde ne figurait pas dans les thèmes de négociations à l'OMC, même s'il avait constitué un élément du débat lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, a ensuite estimé que la mondialisation devait plus être un enrichissement des différences qu'une standardisation des comportements. Face aux difficultés qu'ont les nouveaux pays à s'approprier la notion d'IG, qui ne fait pas partie de leurs traditions, il a recommandé la poursuite des négociations bilatérales, à l'instar de celles récemment menées avec le Vietnam, pour les aider à en reconnaître l'intérêt et à en faire des alliés de la France dans les négociations multilatérales.