Intervention de Frédéric Lefebvre

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 8 février 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Frédéric Lefebvre secrétaire d'état chargé du commerce de l'artisanat des pme du tourisme des services des professions libérales et de la consommation

Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat :

Vous avez bien voulu rappeler l'étendue de mon portefeuille, qui autorise les synergies et me force à trouver un équilibre entre les exigences des PME, du tourisme, des consommateurs, etc. Je défends avec force les droits des consommateurs, avec l'aide de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui exerce son pouvoir de contrôle. En cas de problème, je négocie avec les acteurs concernés, y compris au niveau européen, pour aboutir à une solution rapide : par exemple, à l'occasion de la hausse de la TVA dans la téléphonie, la discussion avec les opérateurs a été fructueuse, dans l'intérêt des consommateurs.

Les principes qui guident mon action sont au nombre de trois. Le premier est la qualité : nos normes sanitaires, sécuritaires, environnementales et sociales sont particulièrement exigeantes, mais ce peut être un atout, contribuant à la qualité de nos produits. Sur l'origine des produits, j'ai pris des initiatives : nous avons trop tendance à attendre des drames comme celui de la vache folle. Pour le porc, existe désormais l'appellation Viande de porc française (VPF). La législation communautaire interdit tout dispositif contraignant, mais si la volonté des acteurs est là, il est toujours possible d'aller de l'avant.

Mon deuxième principe est la transparence, qui est due aux consommateurs. Je salue la réactivité des la DGCCFR, dont j'ai présenté hier le bilan général, en compagnie de sa directrice générale Mme Nathalie Homobono. Dès le mois de décembre, j'ai fait savoir aux opérateurs téléphoniques que je n'admettrais aucune opacité sur le droit de résiliation, qui constitue le premier sujet de réclamation dans ce domaine. En déplacement à Rungis, j'ai présenté un plan pour une consommation alimentaire de qualité pour tous, et je compte lancer des négociations pour un meilleur étiquetage : il est inadmissible de vendre un poulet de batterie sous l'appellation « poulet fermier » ! M. Le Maire et moi animons les négociations commerciales entre distributeurs et producteurs. Certaines multinationales industrielles tirent prétexte des tensions sur le marché des matières premières pour remonter excessivement leurs prix, c'est pourquoi j'ai demandé à l'Observatoire des prix et des marges de mener désormais une analyse détaillée sur la part des matières premières dans le prix des produits, afin de pouvoir dénoncer publiquement les abus, et avertir ainsi les consommateurs.

Dernier principe : protéger - j'emploie le verbe plutôt que le substantif, car je préfère agir à la mise en place d'un filet de protection. Je suis évidemment attentif à la qualité et à la sécurité des aliments, mais j'ai aussi réagi promptement face au danger des tapis-puzzles ; l'Union européenne n'avait lancé aucune alerte, mais des études belges avaient montré que le formamide, l'un des composants, pouvait être toxique. J'ai donc décidé de suspendre la commercialisation des tapis-puzzle pendant trois mois ; près de 2000 contrôles ont été menés, qui ont confirmé la présence de formamide. Nous prendrons une décision définitive à la mi-mars, en fonction de ce que nous aurons appris sur les doses acceptables de cette substance : les instances européennes et l'Agence nationale de sécurité sanitaire y travaillent. Il est dans l'intérêt des consommateurs, comme des commerçants, d'entretenir la confiance. N'oublions pas que la consommation est le premier moteur de la croissance française !

J'en viens au projet de directive sur les droits des consommateurs. Au commencement, en octobre 2008, la Commission européenne voulait une harmonisation maximale des normes, qui devrait aboutir à un recul pour les consommateurs français, protégés par une réglementation bien plus stricte qu'ailleurs. La DGCCRF a négocié âprement, et elle est parvenue à rallier à la position de la France d'autres pays européens, dont l'Allemagne et le Royaume-Uni. Il était prévu de revoir quatre directives : celles sur les clauses abusives sur la garantie de conformité des biens, sur la vente à distance et sur la vente hors établissements commerciaux. Etaient remis en cause, dans le code de la consommation, l'interdiction de tout paiement pendant la période de rétractation pour les contrats hors établissement, la confirmation écrite de l'acceptation des offres faites par téléphone et leur signature par le consommateur, les arrêtés d'affichage des prix des services dans les lieux de vente, la possibilité pour les pouvoirs publics de réglementer la présentation des contrats, les dispositions relatives aux clauses abusives ou présumées telles, mais aussi, dans le code civil, la garantie légale pour vice caché et l'encadrement du consentement par voie électronique, qui résulte pourtant de dispositions législatives récentes. En outre, des incertitudes demeuraient sur le champ de l'application de la directive : vaudrait-elle pour la santé ? Les services sociaux ? L'immobilier ? Le droit général des contrats ?

Dès mon arrivée au ministère, j'ai réuni les associations de défense des consommateurs, et nous avons bataillé ensemble, avec M. Wauquiez : les associations, informées, ont pu alerter leurs homologues dans d'autres pays. Le Conseil des ministres a adopté fin janvier un texte conforme aux attentes de la France ; l'Allemagne a voté contre, car elle exigeait que le « double clic » fût rendu obligatoire, non seulement pour le paiement, mais aussi pour l'engagement contractuel. Nous partageons ce souci, mais n'avons pas voulu en faire un point de blocage. A présent, il faudra veiller à ce que le Parlement européen ne détricote pas notre travail ! Je comprends que certains souhaitent assouplir le marché intérieur, mais ce ne doit pas être au préjudice du consommateur.

S'agissant, plus largement, de la politique de la consommation, vous savez qu'en tant que député, j'ai été à l'origine du doublement de la « prime à la cuve », pour le fioul du tarif social du gaz, et, en 2008, du tarif social de la téléphonie mobile, qui devait être adopté par voie conventionnelle. L'un des chefs de file socialistes, M. le député François Brottes, avait voté mon amendement sans croire qu'il se concrétiserait ; mais voyez qu'en quelques semaines, le dossier a bien avancé ! Il est vrai que des dispositions législatives non contraignantes ne produisent pas d'effets sans volonté politique. M. Besson et moi-même avons réuni les opérateurs ; deux d'entre eux, Orange et SFR, n'avaient pas attendu ce jour pour mettre en place des forfaits peu coûteux. Une convention doit être signée début mars.

Je souhaite que nous parvenions aux mêmes résultats sur le tarif social de l'internet : le Premier ministre a fait une déclaration en ce sens en janvier 2010, et la France y travaille avec ses partenaires européens. Cela peut se faire soit dans le cadre européen du service universel, soit par convention ; les opérateurs sont divisés sur ce point. Je sais votre commission très attentive à cette question : la fracture numérique n'est pas seulement géographique, elle est aussi sociale. Ce sujet relève de la compétence du ministre de l'industrie, mais je me préoccupe de ce qui touche les consommateurs. Il faut agir sur les prix, mais aussi sur la qualité de l'offre, ce que les associations oublient parfois : contours de l'offre, réception... Ne soyons pas obnubilés par les prix : lors des négociations avec les restaurateurs, des engagements ont été obtenus non seulement sur les prix, mais aussi sur les investissements, l'emploi, etc. De même, les dispositifs fiscaux avantageux dans le domaine téléphonique doivent avoir pour contrepartie des efforts tarifaires, mais aussi le développement du réseau et l'amélioration de la qualité de l'offre. Les Français bénéficient, je le rappelle, de tarifs très avantageux dans ce domaine, grâce à une forte concurrence.

Le tarif social est pour moi une obsession. La loi de modernisation de l'économie, en avivant la concurrence, a fait baisser les prix de nombreux produits et services. Mais les opérateurs se font concurrence là où il y a de l'argent à gagner : c'est ainsi que les prix baissent pour les classes moyennes, moins pour les plus modestes.

Des négociations sur les prix sont en cours entre les distributeurs et les fournisseurs. Chacun est conscient de la nécessité de sauvegarder notre tissu de petites entreprises agricoles. L'action du Président de la République, dans le cadre du G8 et du G20, entravera la spéculation sur les matières premières. Le consommateur ne doit pas être seul à subir la hausse de leurs prix : les industriels et les distributeurs doivent aussi revoir leurs marges. Or les consommateurs sont les seuls à ne pas être assis à la table des négociations... La tonne de blé est passée de 120 à 260 euros entre mai 2010 et janvier 2011 ! Je suis en train de prendre des arrêtés pour permettre l'application de l'article L. 442-9 du code du commerce, qui autorise le ministre en charge de la consommation à saisir le juge civil, y compris en référé, pour faire condamner les acheteurs qui étranglent leurs fournisseurs en période de forte hausse du prix des matières premières. Il faut donc protéger à la fois les consommateurs et les petits producteurs, par le biais de négociations, mais aussi grâce au cadre fixé par l'Etat. Je souhaite également travailler avec les distributeurs à promouvoir un panier de produits essentiels, afin que tous aient accès à des produits frais, de saison et de qualité à des prix abordables.

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