La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Au nom de la commission, je souhaite la bienvenue à M. le secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Je souhaite qu'il nous éclaire sur le projet de directive relative aux droits des consommateurs, à propos duquel M. Cornu nous présentera son rapport sur une proposition de résolution européenne, sur les réformes envisagées du crédit à la consommation, sur l'application des lois dans le domaine de la réforme des réseaux consulaires de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée dans les services touristiques.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

Vous avez bien voulu rappeler l'étendue de mon portefeuille, qui autorise les synergies et me force à trouver un équilibre entre les exigences des PME, du tourisme, des consommateurs, etc. Je défends avec force les droits des consommateurs, avec l'aide de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui exerce son pouvoir de contrôle. En cas de problème, je négocie avec les acteurs concernés, y compris au niveau européen, pour aboutir à une solution rapide : par exemple, à l'occasion de la hausse de la TVA dans la téléphonie, la discussion avec les opérateurs a été fructueuse, dans l'intérêt des consommateurs.

Les principes qui guident mon action sont au nombre de trois. Le premier est la qualité : nos normes sanitaires, sécuritaires, environnementales et sociales sont particulièrement exigeantes, mais ce peut être un atout, contribuant à la qualité de nos produits. Sur l'origine des produits, j'ai pris des initiatives : nous avons trop tendance à attendre des drames comme celui de la vache folle. Pour le porc, existe désormais l'appellation Viande de porc française (VPF). La législation communautaire interdit tout dispositif contraignant, mais si la volonté des acteurs est là, il est toujours possible d'aller de l'avant.

Mon deuxième principe est la transparence, qui est due aux consommateurs. Je salue la réactivité des la DGCCFR, dont j'ai présenté hier le bilan général, en compagnie de sa directrice générale Mme Nathalie Homobono. Dès le mois de décembre, j'ai fait savoir aux opérateurs téléphoniques que je n'admettrais aucune opacité sur le droit de résiliation, qui constitue le premier sujet de réclamation dans ce domaine. En déplacement à Rungis, j'ai présenté un plan pour une consommation alimentaire de qualité pour tous, et je compte lancer des négociations pour un meilleur étiquetage : il est inadmissible de vendre un poulet de batterie sous l'appellation « poulet fermier » ! M. Le Maire et moi animons les négociations commerciales entre distributeurs et producteurs. Certaines multinationales industrielles tirent prétexte des tensions sur le marché des matières premières pour remonter excessivement leurs prix, c'est pourquoi j'ai demandé à l'Observatoire des prix et des marges de mener désormais une analyse détaillée sur la part des matières premières dans le prix des produits, afin de pouvoir dénoncer publiquement les abus, et avertir ainsi les consommateurs.

Dernier principe : protéger - j'emploie le verbe plutôt que le substantif, car je préfère agir à la mise en place d'un filet de protection. Je suis évidemment attentif à la qualité et à la sécurité des aliments, mais j'ai aussi réagi promptement face au danger des tapis-puzzles ; l'Union européenne n'avait lancé aucune alerte, mais des études belges avaient montré que le formamide, l'un des composants, pouvait être toxique. J'ai donc décidé de suspendre la commercialisation des tapis-puzzle pendant trois mois ; près de 2000 contrôles ont été menés, qui ont confirmé la présence de formamide. Nous prendrons une décision définitive à la mi-mars, en fonction de ce que nous aurons appris sur les doses acceptables de cette substance : les instances européennes et l'Agence nationale de sécurité sanitaire y travaillent. Il est dans l'intérêt des consommateurs, comme des commerçants, d'entretenir la confiance. N'oublions pas que la consommation est le premier moteur de la croissance française !

J'en viens au projet de directive sur les droits des consommateurs. Au commencement, en octobre 2008, la Commission européenne voulait une harmonisation maximale des normes, qui devrait aboutir à un recul pour les consommateurs français, protégés par une réglementation bien plus stricte qu'ailleurs. La DGCCRF a négocié âprement, et elle est parvenue à rallier à la position de la France d'autres pays européens, dont l'Allemagne et le Royaume-Uni. Il était prévu de revoir quatre directives : celles sur les clauses abusives sur la garantie de conformité des biens, sur la vente à distance et sur la vente hors établissements commerciaux. Etaient remis en cause, dans le code de la consommation, l'interdiction de tout paiement pendant la période de rétractation pour les contrats hors établissement, la confirmation écrite de l'acceptation des offres faites par téléphone et leur signature par le consommateur, les arrêtés d'affichage des prix des services dans les lieux de vente, la possibilité pour les pouvoirs publics de réglementer la présentation des contrats, les dispositions relatives aux clauses abusives ou présumées telles, mais aussi, dans le code civil, la garantie légale pour vice caché et l'encadrement du consentement par voie électronique, qui résulte pourtant de dispositions législatives récentes. En outre, des incertitudes demeuraient sur le champ de l'application de la directive : vaudrait-elle pour la santé ? Les services sociaux ? L'immobilier ? Le droit général des contrats ?

Dès mon arrivée au ministère, j'ai réuni les associations de défense des consommateurs, et nous avons bataillé ensemble, avec M. Wauquiez : les associations, informées, ont pu alerter leurs homologues dans d'autres pays. Le Conseil des ministres a adopté fin janvier un texte conforme aux attentes de la France ; l'Allemagne a voté contre, car elle exigeait que le « double clic » fût rendu obligatoire, non seulement pour le paiement, mais aussi pour l'engagement contractuel. Nous partageons ce souci, mais n'avons pas voulu en faire un point de blocage. A présent, il faudra veiller à ce que le Parlement européen ne détricote pas notre travail ! Je comprends que certains souhaitent assouplir le marché intérieur, mais ce ne doit pas être au préjudice du consommateur.

S'agissant, plus largement, de la politique de la consommation, vous savez qu'en tant que député, j'ai été à l'origine du doublement de la « prime à la cuve », pour le fioul du tarif social du gaz, et, en 2008, du tarif social de la téléphonie mobile, qui devait être adopté par voie conventionnelle. L'un des chefs de file socialistes, M. le député François Brottes, avait voté mon amendement sans croire qu'il se concrétiserait ; mais voyez qu'en quelques semaines, le dossier a bien avancé ! Il est vrai que des dispositions législatives non contraignantes ne produisent pas d'effets sans volonté politique. M. Besson et moi-même avons réuni les opérateurs ; deux d'entre eux, Orange et SFR, n'avaient pas attendu ce jour pour mettre en place des forfaits peu coûteux. Une convention doit être signée début mars.

Je souhaite que nous parvenions aux mêmes résultats sur le tarif social de l'internet : le Premier ministre a fait une déclaration en ce sens en janvier 2010, et la France y travaille avec ses partenaires européens. Cela peut se faire soit dans le cadre européen du service universel, soit par convention ; les opérateurs sont divisés sur ce point. Je sais votre commission très attentive à cette question : la fracture numérique n'est pas seulement géographique, elle est aussi sociale. Ce sujet relève de la compétence du ministre de l'industrie, mais je me préoccupe de ce qui touche les consommateurs. Il faut agir sur les prix, mais aussi sur la qualité de l'offre, ce que les associations oublient parfois : contours de l'offre, réception... Ne soyons pas obnubilés par les prix : lors des négociations avec les restaurateurs, des engagements ont été obtenus non seulement sur les prix, mais aussi sur les investissements, l'emploi, etc. De même, les dispositifs fiscaux avantageux dans le domaine téléphonique doivent avoir pour contrepartie des efforts tarifaires, mais aussi le développement du réseau et l'amélioration de la qualité de l'offre. Les Français bénéficient, je le rappelle, de tarifs très avantageux dans ce domaine, grâce à une forte concurrence.

Le tarif social est pour moi une obsession. La loi de modernisation de l'économie, en avivant la concurrence, a fait baisser les prix de nombreux produits et services. Mais les opérateurs se font concurrence là où il y a de l'argent à gagner : c'est ainsi que les prix baissent pour les classes moyennes, moins pour les plus modestes.

Des négociations sur les prix sont en cours entre les distributeurs et les fournisseurs. Chacun est conscient de la nécessité de sauvegarder notre tissu de petites entreprises agricoles. L'action du Président de la République, dans le cadre du G8 et du G20, entravera la spéculation sur les matières premières. Le consommateur ne doit pas être seul à subir la hausse de leurs prix : les industriels et les distributeurs doivent aussi revoir leurs marges. Or les consommateurs sont les seuls à ne pas être assis à la table des négociations... La tonne de blé est passée de 120 à 260 euros entre mai 2010 et janvier 2011 ! Je suis en train de prendre des arrêtés pour permettre l'application de l'article L. 442-9 du code du commerce, qui autorise le ministre en charge de la consommation à saisir le juge civil, y compris en référé, pour faire condamner les acheteurs qui étranglent leurs fournisseurs en période de forte hausse du prix des matières premières. Il faut donc protéger à la fois les consommateurs et les petits producteurs, par le biais de négociations, mais aussi grâce au cadre fixé par l'Etat. Je souhaite également travailler avec les distributeurs à promouvoir un panier de produits essentiels, afin que tous aient accès à des produits frais, de saison et de qualité à des prix abordables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Il est bon d'être attentif aux droits des consommateurs. Mais n'oublions pas, lorsque la PAC sera réformée, que le marché agricole doit aussi assurer aux producteurs un prix rémunérateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je reviens sur le projet de directive aux garanties de conformité relatifs aux clauses abusives des consommateurs. La France est parvenue à faire supprimer les chapitres 4 et 5, mais la commission compétence du Parlement européen souhaite les réintroduire. Quels scénarios envisagez-vous ?

La Commission européenne a publié un Livre vert sur le droit européen des contrats. Quels en sont, selon vous, les enjeux, et quelle sera la position de la France ?

La même Commission a lancé une consultation publique sur le recours collectif des consommateurs. Quel est votre avis ?

Enfin, quels sont vos projets de réforme du droit des consommateurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Contre la hausse du prix des matières premières, il faut protéger les consommateurs, mais aussi les industriels en contrat avec la grande distribution, et pas seulement dans le domaine agro-alimentaire. Je prendrai l'exemple du coton : la forte demande chinoise fait s'envoler les prix, et les industriels ne sont plus en mesure de tenir leurs engagements contractuels. N'est-ce pas le moment de faire jouer l'article L. 442-9 ? Est-il possible de revoir ces contrats ? Quelle incidence la LME a-t-elle eu sur les relations commerciales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

En tant que rapporteur pour avis des crédits du tourisme, j'ai déjà dénoncé leur baisse de 18 % au cours des trois prochaines années de la programmation triennale des finances publiques. Mme Lagarde m'a rétorqué que l'on pouvait faire plus avec moins...Mais il est vrai que les crédits du tourisme ne se résument pas seulement à ceux dépendant de votre département ministériel, et il ne faut pas oublier non plus que les collectivités contribuent grandement aux dépenses touristiques : dispose-t-on de chiffres récents et exhaustifs, retraçant les efforts de chacun ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Je voulais vous interroger sur les PME, mais à l'heure de la relance économique, je préfère me concentrer sur les rapports entre la grande distribution et l'industrie. A-t-on dressé un bilan précis de la réduction des délais de paiement imposée par la LME ? Plus généralement, dispose-t-on des moyens nécessaires pour appliquer cette loi ? De nouvelles assignations ont-elles été décidées suite aux contrôles effectués en 2010 ? Aucune PME ne peut prendre le risque d'attaquer en justice un distributeur qui lui vaut 10 à 15 % de son chiffre d'affaires. Ne faudrait-il pas compléter l'article premier de la loi ?

Les distributeurs ont pris des engagements en octobre 2010 auprès de votre prédécesseur, M. Novelli. Veille-t-on à ce qu'ils soient respectés ? Le prix des produits a baissé de 7 % alors que celui des matières premières, et notamment des céréales, a augmenté de 4 à 5 % ! Cela met gravement en péril l'autofinancement de nos entreprises, au moment où elles ont besoin de fonds propres pour innover.

La Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) a rendu un avis qui, pour l'heure, n'est pas suivi d'effets. Ne faudrait-il pas une circulaire ?

Les négociations entre industriels et distributeurs sont dures, car ces derniers refusent des conditions générales de vente, et demandent une baisse des tarifs sans tenir compte du coût des matières premières. Les relations commerciales ne sont-elles pas trop déséquilibrées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Vous avez dit, monsieur le ministre, que les consommateurs n'étaient pas à la table des négociations sur les prix. S'agissant de la TVA dans la restauration, ils sont pourtant les premiers concernés. Pourquoi ne pas réfléchir à un taux de TVA intermédiaire ? Le contrat de confiance passé avec les professionnels a échoué : de maigres résultats ont été obtenus sur les conditions de travail et les rémunérations, ainsi que sur les prix, mais aucun sur l'investissement, ni sur l'emploi. En ces temps d'orthodoxie budgétaire, ne faudrait-il pas revoir cette politique ?

Quelles consignes ont été données aux tour-opérateurs et au syndicat des agences de voyage au sujet de la Tunisie ? Si nous voulons rendre crédible la transition démocratique dans ce pays et réparer nos erreurs politiques, il faut y favoriser le redémarrage économique, donc le tourisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Vous avez inscrit votre action sous le signe de la transparence. Je vous ai interrogé la semaine dernière sur les jouets importés, j'aimerais à présent vous entendre sur le contrôle des marges. La grande distribution se livre à un chantage au déréférencement. Les transformateurs sont touchés, mais aussi les producteurs, par exemple les éleveurs, déjà confrontés à la forte hausse des prix des céréales et de l'énergie, alors que les prix de la boucherie restent stationnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Sur le bilan de la LME, je ne suis pas aussi optimiste que M. le ministre, et je salue la lucidité de nos collègues de la majorité : rien n'a changé dans les pratiques de la grande distribution, pas plus que dans celles des banques depuis la crise financière. Les fournisseurs sont pris en étau.

Vous avez évoqué le projet de directive sur les droits des consommateurs. La Commission de Bruxelles ne se soucie que du marché intérieur, sans considération pour les consommateurs, qui restent les grands absents. Afin de faire respecter leurs droits, je compte déposer un amendement à la proposition de résolution européenne que nous examinerons demain, afin de réaffirmer les principes du fameux article 153.

Il faut mettre fin aux taux d'usure pratiqués par les banques pour les prêts à la consommation, sans aucun effet sur la croissance, puisqu'ils ne font qu'entretenir la pauvreté et la précarité. Les Restos du coeur ont publié des chiffres éloquents sur la hausse de la fréquentation de leurs établissements depuis septembre !

Enfin, sur le service universel de l'internet, je laisserai à M. Teston le soin de vous interroger.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

Si je me suis limité dans mon intervention liminaire à la question de la consommation, c'est parce que M. le président m'y avait invité.

M. Cornu a justement souligné le risque que le Parlement européen ne réintroduise les chapitres 4 et 5 de la directive relative aux droits des consommateurs : il faudra être vigilant, et cibler le texte sur la formulation des contrats à distance.

Sur le Livre vert, la France est en désaccord avec la Commission, et nous nous apprêtons à négocier pied à pied : nous ne laisserons pas défaire le droit français des contrats. Plutôt qu'un règlement, nous souhaitons un guide législatif non contraignant pour l'élaboration de futures normes communautaires.

Député, j'étais favorable à l'action de groupe, mais l'expérience m'a fait partager les appréhensions de Mme Lagarde. L'exemple américain montre que cette procédure coûte très cher aux entreprises - de l'ordre de 1,5 % du PIB par an-, près de 6 000 entreprises cotées étant touchées, soit 40 % et ne rapporte pas nécessairement grand chose aux consommateurs. A titre d'exemple, à l'issue d'un procès intenté à un constructeur de casques Bluetooth, les avocats des plaignants ont touché 850 000 dollars, mais les plaignants eux-mêmes, rien. L'action de groupe serait une mine d'or pour les avocats, mais il n'est pas sûr qu'elle serve réellement les intérêts des consommateurs - c'est un avocat qui vous parle ! La médiation, engagée à l'initiative de Mme Lagarde et de mon prédécesseur, suffit à régler neuf différends sur dix ; en 2010, le nombre de réclamations a nettement baissé. Pour les autres cas, je n'exclus pas des dispositions spéciales.

Mme Lamure m'a interrogée sur le coton. Lorsque j'ai invité la DGCCRF et l'Observatoire des prix et des marges à étudier la construction des prix, ma demande ne portait pas seulement sur les produits alimentaires. Dans les secteurs où il existe une forte tension sur le marché des matières premières et où les acheteurs se livrent à des pratiques abusives, je n'hésiterai pas à appliquer l'article L. 442-9. Espérons qu'il ne faudra pas en arriver là, et que cet article jouera son rôle dissuasif.

Attardons-nous un instant sur l'incidence du renchérissement des matières premières, en prenant l'exemple du pain. La part du blé représente entre 7 et 18 % du prix total : la hausse récente du cours ne justifie donc pas un relèvement brutal du prix du pain !

Ce que je veux c'est que les répercussions soient justes et transparentes.

Mme Terrade l'a rappelé : sur le tourisme, la ministre de l'économie considère que l'on peut en faire autant avec moins de moyens, et elle a raison : les réformes et les regroupements administratifs font faire des économies appréciables. Voyez aujourd'hui l'efficacité d'Atout France ! Sur un total des dépenses liées à la politique du tourisme de près d'1,6 milliard d'euros, les collectivités territoriales ont dépensé 623 millions pour le tourisme en 2009, les ministères 431 millions, les dispositifs d'incitation fiscale ont représenté 304 millions - si l'on excepte la baisse de la TVA dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, pour un montant de 1,2 milliard - et les fonds structurels européens 198 millions. Les collectivités dépensent donc beaucoup, et il serait utile qu'elles se livrent au même travail d'analyse que l'Etat. J'invite quelques parlementaires à se rendre en Espagne, où l'Etat investit pour l'image du pays, alors que les régions se livrent à un marketing sur des objectifs plus précis. En France, l'Etat et les régions dépensent tous pour leur image, ce qui brouille l'ensemble ; les politiques sont insuffisamment articulées. Or, si la France est la première destination touristique en nombre de touristes, l'Espagne nous surpasse quant au chiffre d'affaires réalisé. Notre objectif est de passer en tête d'ici trois ans.

Monsieur Chatillon, j'aurais aimé vous parler de mon action en faveur des PME. Ma première décision au ministère fut de nommer dans chaque département un correspondant chargé de soutenir les PME et de lever tout blocage dans leurs rapports avec l'administration. Ce sont des fonctionnaires volontaires, lassés de l'image de l'Etat empêcheur... J'ai souhaité que tous effectuent un stage en entreprise pour mieux comprendre les préoccupations des professionnels, de même que les cadres des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

M. Raoul s'est montré critique sur le bilan de la LME...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

Cette loi avait pour triple ambition d'encourager la concurrence, de faire baisser les prix et de soutenir les PME. La réduction des délais de paiement a réinjecté 3 milliards d'euros dans les caisses des PME ; la suppression de la taxe professionnelle a allégé leur charge de 6 milliards ; nous les soutenons aussi par le biais du médiateur du crédit, d'Oséo et du crédit d'impôt recherche. Les marges arrière ont été divisées par trois depuis la LME.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

C'est faux : elles ont été remplacées par des avantages en nature. Je le sais d'autant mieux que je suis moi-même producteur et industriel.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

L'Etat n'hésite pas à assigner les distributeurs en justice en cas d'abus et par exemple de déréférencement brutal, et nous nous sommes battus pour que le Conseil constitutionnel, le 13 janvier dernier, ne censure pas ce droit. Chaque fois que la DGCCRF me demandera d'assigner un distributeur en justice, je le ferai. Je n'ai pas à me mêler des négociations entre les professionnels, mais je veillerai à ce que nul n'ait de prétentions exagérées. Certains gros industriels, arguant de la hausse du cours des matières premières, voulaient obtenir une revalorisation de 17 % de leurs produits, alors même que ces matières premières n'y entrent que pour une part infime... Je ne laisserai pas les gros s'abriter derrière les petits, qui rencontrent de réelles difficultés.

L'effet-prix de la LME est indéniable : les prix des produits de grande consommation ont reculé en moyenne de 0,2 % en 2009, de 0,1 % au premier semestre 2010, alors qu'ils flambaient de 2, voire de 4 % les années précédentes. Chez nos voisins, les prix continuent d'augmenter. Peut-être est-il possible d'aller plus loin.

La CEPC a rendu 52 avis depuis sa création, dont 25 ont été rendus publics ; elle a formulé des recommandations, notamment sur les délais de paiement, et sera écoutée. Faut-il en passer par une circulaire ? Je suis réticent à l'idée que des autorités indépendantes légifèrent à la place du Parlement. Mais ces avis inspireront l'administration.

Au sujet de la baisse de la TVA dans la restauration, Mme Khiari a parlé d'échec. Cela me semble pour le moins exagéré, comme le montre un excellent rapport de votre Haute assemblée.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

M. le rapporteur général ne conteste pas les mérites de cette mesure, mais s'interroge sur son coût, à l'heure où la dépense publique diminue. Voyez vous-même : la profession s'était engagée à créer 22 000 emplois, elle en a créé 30 000, au plus fort de la crise ! Sur les prix, l'objectif n'a pas été atteint, je le reconnais : ils ont baissé de 2,5 % au lieu de 3 %. Mais la baisse de la TVA a amorti la crise dans nos campagnes, en évitant que certains établissements ne ferment leurs portes : le nombre de faillites dans l'hôtellerie et la restauration a baissé de 27 %. S'agissant des investissements, je souhaite qu'un avenant à la convention soit signé ; mais qui pourrait faire grief aux entrepreneurs d'avoir préféré sauver des emplois plutôt que d'investir, alors que la crise battait son plein ? Enfin, le groupe socialiste saluera sans doute ce notable progrès social : une mutuelle a été créée pour les salariés du secteur.

Pour la Tunisie, les voyagistes ont fait leur métier de conseil, efficacement, sans affoler personne, à notre grand soulagement : les rapatriements n'ont concerné que les volontaires, malgré des tensions parfois extrêmes, et certains touristes sont restés sur place même au plus vif de la crise. Les voyagistes vont rencontrer mon homologue tunisien, issu du mouvement démocratique. Rester absents de ce pays le moins longtemps possible, c'est l'intérêt des touristes, c'est l'intérêt de la Tunisie, où le tourisme est une ressource essentielle. Là-dessus, nous sommes d'accord.

Je rejoins totalement M. Bailly sur l'origine des jouets, j'entends pousser à une démarche volontaire, toute contrainte heurtant le droit communautaire ; je reviendrai devant vous avec un projet précis. Notre atout dans la globalisation, c'est la qualité, qui doit déterminer la préférence ; ce n'est pas là protectionnisme mais transparence.

L'Observatoire des prix et des marges met en balance factures d'achat et factures de vente ; le problème ne tient pas au pouvoir d'agir - la DGCCRF en dispose - mais à la difficulté d'analyse pour séparer le bon grain de l'ivraie.

Sur le crédit à la consommation, M. Raoul me donne le sentiment d'avoir accordé un satisfecit au gouvernement et à la majorité ! Député, j'avais proposé de rendre les organismes prêteurs responsables quand ils n'avaient pas vérifié la situation de l'emprunteur ; il y avait des dérapages - j'avais alors parlé d'arnaques. Mme Lagarde a présenté un texte qui a été salué unanimement par les associations, ce qui n'est pas fréquent. Résultat, les crédits renouvelables sont en forte diminution et on ne profite plus des gens fragiles en les poussant au surendettement. Gouvernement et Parlement ont fait du bon travail à la satisfaction générale, je suis prêt à revenir devant vous pour envisager des progrès et le Gouvernement compte sur votre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous attendons le vôtre sur le dossier de l'usure.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Entendez-vous développer la politique touristique ? Peut-on compter sur vous pour faire avancer le travail interministériel d'ici le 15 février, date de l'examen à l'Assemblée nationale d'un texte réformant la loi de 2005 sur le handicap, qui doit comporter des dispositions favorisant l'accès aux loisirs des personnes handicapées qui doit comporter des dispositions favorisant l'accès aux loisirs des personnes handicapées ? Toutes les associations de tourisme associatif espèrent voir les préfets accorder des dérogations pour les structures d'accueil familiales. On a accordé beaucoup d'avantages fiscaux à l'équipement touristique, à grands frais, avec des effets pervers, pour se retrouver, selon le rapport de l'Inspection générale, avec des lits froids et des volets clos. Que faites vous pour y remédier ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je sais l'étendue de vos attributions, mais aussi les limites de vos moyens - j'en ai eu l'expérience -, vous ne serez donc pas vraiment dans l'action, plutôt dans la médiation. Vous parlez qualité, transparence, sécurité, autant de missions assignées au bras séculier de la DGCCRF mais comment pourra-t-elle faire face, quand on sait les difficultés que lui vaut la RGPP ?

J'étais jeudi dernier à Autun au congrès de la Fédération nationale bovine avec le ministre de l'agriculture : quelle a été ma surprise de l'entendre dire que, d'après le rapport Chalmin, il n'y avait de marges à trouver ni sur les intermédiaires, ni sur les opérateurs ni sur les distributeurs ! Merci d'avoir manifesté votre volonté de voir répartir la hausse sur tous les acteurs de la filière, mais se pose-t-on la même question quand le prix du carburant monte ? On ne fait pas de réunion pour avertir les consommateurs, il y a deux poids et deux mesures : dans l'agriculture, on répercute les prix, ailleurs jamais ! Je maintiens que sur la distribution, compte tenu des marges et des prix rémunérateurs, on peut agir.

Le recours collectif est une arme de défense essentielle des consommateurs et, là, vous pouvez agir. Il faut que l'Europe l'admette. Enfin, dans le e-commerce, le droit applicable est-il bien celui du pays du consommateur, et non pas celui du pays émetteur d'une assurance ? Le consommateur est-il bien garanti par la directive « Services » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Les organisations professionnelles d'artisans sont très critiques à l'égard du statut d'auto-entrepreneur, responsable de concurrence déloyale, de disparité de traitement et d'opacité. En avez-vous évalué les retombées ? Que répondez-vous aux artisans ? Quant aux moyens de la DGCCRF, je les juge moi aussi très insuffisants par rapport aux enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Vous allez créer un groupe de travail sur les résidences de tourisme ; quels en seront la composition et le calendrier ? Les résidences ont vieilli, leur rénovation exige une politique volontariste.

Le plan « Qualité tourisme » avait pour objectif d'améliorer l'offre nationale par le biais de classements, de réglementation. Désormais, on est également attentif à l'accueil. S'est-il amélioré dans les transports, qu'il s'agisse des aéroports ou du métro ? Il faut une véritable formation dans l'hôtellerie, la restauration, y compris l'hôtellerie de plein air, sans oublier la police dans les aéroports.

Le budget du tourisme se répartit entre l'Etat et les collectivités territoriales : celles-ci sont de véritables relais qui ont besoin d'une meilleure coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

La présentation synthétique de votre volonté de rupture passerait presque pour un bilan critique de vos prédécesseurs...

A mes yeux aussi, la réduction de TVA dans la restauration est un échec. Son coût budgétaire est cinq fois plus élevé que le « rapport » attendu de la RGPP : d'un côté, vous supprimez des postes utiles, de l'autre, il faut de 150 000 à 170 000 euros pour créer un emploi ! Les critiques sur le « coût » des emplois jeunes portaient sur des dépenses bien moindres !

Comment envisagez-vous un partenariat ou une contractualisation entre l'Etat et les régions dans vos différents domaines de compétence ?

Le déficit est tel, partout, qu'on ne peut exclure une reprise de l'inflation. En avez-vous envisagé les conséquences sur les crédits à la consommation ? Je me satisferais de réponses écrites.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

Sur le handicap, il existe des projets pour exiger des normes encore plus strictes, comme la proposition de loi Paul Blanc, qui fixerait des quotas de chambres accessibles. Mais la petite hôtellerie rurale pourrait-elle le supporter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Je visais les résidences associatives et le tourisme social, le texte vient la semaine prochaine à l'Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

Une réflexion interministérielle est en cours, je ne peux répondre aujourd'hui ; les enjeux sont très lourds et les positions parfois contradictoires. Je crois au pragmatisme pour parvenir à un équilibre, améliorer l'accessibilité des petits établissements sans les mettre en péril.

Pour les « lits froids » : on a beaucoup construit dans les années 70 et oublié de rénover, mais je viens d'inaugurer à La Plagne, avec les élus régionaux et départementaux, une opération exemplaire de rénovation d'un établissement social transformé en établissement mixte pour 6 millions d'euros, quand un bâtiment neuf aurait coûté le double. Il faut engager la rénovation, j'y insiste, ça vaut le coup ; elle coûterait 500 millions pour le parc social - et bien davantage si on voulait tout faire sur le littoral et en montagne. J'ai accéléré le processus avec la création du fonds Tourisme social investissement, qui sera opérationnel fin mars. Plus largement, pour le tourisme social, je vais mettre en place un groupe de travail qui mobilisera tout le monde en vue d'une décision très rapide, qu'on attend depuis 20 ans. On ne peut pas accepter de friches touristiques.

Nous avons trop l'habitude, en France, d'invoquer le droit puis d'attendre que les tribunaux tranchent, et qui trinque ? Le consommateur. Je préfère agir, je l'ai fait pour la TVA sur les mobiles. En même temps, l'UFC publiait un guide de la résiliation des contrats. J'ai rappelé l'interprétation du droit que faisait l'administration, j'ai obtenu l'accord de tous et, au bout du compte, les opérateurs ont décidé de ne pas répercuter l'augmentation de la taxe. Ça n'a pas coûté cher, juste un peu d'énergie ! Il n'est pas interdit à un ministre d'avoir de l'imagination. M. Patriat l'avait montré. Pour l'e-commerce, on doit remercier Mme Lebranchu d'avoir créé un centre dédié.

Vous me dites que je manque de moyens, mais il n'est pas interdit de synthétiser, d'améliorer les processus, d'éviter les doublons, par exemple, le regroupement des services de la consommation et des services vétérinaires dans les directions départementales de la population évite aux établissements deux contrôles parfois contradictoires.

Je ne peux pas laisser dire que la RGPP exige des efforts considérables de la fonction publique : il y a moins de fonctionnaires, ce qui entraîne un moindre coût mais aussi une meilleure efficacité, ce sont les acteurs qui le disent.

Il n'y a pas deux poids deux mesures pour les prix de l'énergie. Mme Lagarde va réunir une conférence sur l'énergie, pilotée par le ministre de l'industrie et, pour le volet consommation, par moi-même. Ce sera, puisqu'on est dans l'énergie, fusionnel.

M. Botrel se fait une idée caricaturale de l'auto-entrepreneur ; une de mes premières décisions, en accord avec M. Vasselle, a été de renforcer l'obligation de déclaration, puis de fixer diverses obligations, dont celle de formation professionnelle, et les associations ont salué l'écoute du nouveau ministre. En revanche, je ne laisserai pas mettre à mal une initiative qui a relancé l'emploi, avec la création en trois ans de 1,5 million d'entreprises - en pleine crise, c'est un record. Beaucoup de nos compatriotes ont choisi l'initiative plutôt que l'assistanat ; et qu'on n'aille pas comparer avec le travail au noir, qui existait bien avant. Au contraire, c'est un travail transparent et qui ne bénéficie pas d'avantages exorbitants : dans le bâtiment, je me bats pour imposer la garantie décennale sur les factures. Et ce travail a le mérite de la simplicité : s'il n'y a pas de chiffre d'affaires réalisé, il n'y a pas de charges dues, mais c'est ainsi qu'une épouse d'artisan va trouver un complément de retraite ou un étudiant sortir de la précarité, en donnant des cours de maths. Je vous invite à une réflexion équilibrée : luttons contre les abus, soutenons ce qui marche.

Monsieur Bécot, l'accueil est une de mes préoccupations. Avant l'épisode neigeux, j'avais réuni tous les acteurs, ceux des aéroports, des foires et congrès, des entrées de ville. Je veux bouger vite et sortir du bricolage. Non que personne ne fasse rien, mais chacun agit de son côté : il faut une organisation forte et un engagement signé par tous. Je ne méconnais pas la loi Toubon, mais il faut savoir accueillir en anglais les visiteurs étrangers, ne serait-ce qu'avec des indications aux guichets du métro : un touriste mal accueilli ne revient pas, et je ne veux pas que les dix tour-opérateurs chinois qui viennent de voir Annecy envoient leurs clients ailleurs.

Mon prédécesseur, M. Daunis, avait pris nombre de mesures règlementaires, notamment de classement hôtelier ; j'entends, pour ma part, être un ministre d'action et j'espère que je répondrai aux attentes. Je suis pour la contractualisation et le partenariat ; ma méthode, c'est le dialogue, avec les fonctionnaires, avec les associations, avec les acteurs, pour obtenir des résultats rapides, alors que la logique de l'affrontement, du contentieux, fait perdre beaucoup de temps.

Pour le reste, je répondrai par écrit. Je m'intéresse depuis longtemps au crédit à la consommation, j'avais même signé un rapport avec M. Migaud qui avait fait l'unanimité de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Vu l'importance du déficit et du différentiel entre la France et l'Allemagne, avez-vous une vision prospective, une simulation, de ce que deviendrait le crédit en cas d'inflation ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat

Je n'interviens dans ce dossier qu'au titre d'un domaine, celui des consommateurs, qui n'est pas le principal. Je transmettrai votre question à Mme Lagarde. Il faut anticiper, prévoir du crédit pour les petits acteurs, les TPE. La Banque de France suit les lignes de crédit à partir d'un certain niveau de prêts, on y constate que 51 % des PME veulent investir, preuve que la confiance revient ; en revanche, pour les très petites entreprises, on ne dispose pas d'instrument et je cherche à convaincre la Banque de France de créer un indicateur pour voir si, oui ou non, les banques font leur métier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Merci, monsieur le ministre, d'avoir pris le temps de nous répondre précisément. Vous avez parlé de pragmatisme : la France en a bien besoin, et nous vous faisons pour cela une entière confiance.