a rappelé que la troisième directive anti-blanchiment succédait à deux autres textes intervenus en 1991 et 2001, dont les dispositions ont été introduites progressivement en droit français entre 1990 et 2004, la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, complétée par le décret du 26 juin 2006, ayant en particulier étendu le champ des obligations anti-blanchiment aux professions juridiques et judiciaires.
Il a souligné que le périmètre des infractions susceptibles de donner lieu aux obligations anti-blanchiment n'avait cessé de s'étendre : initialement limité au trafic de stupéfiants, il recouvrait désormais la corruption, les activités criminelles organisées, la fraude aux intérêts financiers de l'Union européenne et le financement du terrorisme.
a exposé que deux séries d'obligations pesaient sur les professions du droit :
- d'une part, une obligation de déclaration auprès de TRACFIN des sommes ou des activités susceptibles de provenir des produits du crime, qui s'impose lorsque les professionnels réalisent des transactions financières, immobilières ou fiduciaires, sauf si l'activité se rattache à une procédure juridictionnelle ou à une consultation juridique, sous réserve, dans ce dernier cas, que l'objet de la consultation ne soit pas le blanchiment de capitaux.
Il a indiqué que, s'agissant des avocats, avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'Etat et avoués près les cours d'appel, cette obligation s'exerçait suivant un schéma particulier, puisque ces professionnels adressent leur déclaration au président ou au bâtonnier de leur ordre, ce dernier étant chargé d'apprécier s'il convient ou non de transmettre cette déclaration à TRACFIN. Il a précisé que les professionnels soumis aux obligations anti-blanchiment ne peuvent porter à la connaissance de leurs clients le fait qu'ils adressent une déclaration de soupçon les concernant, seuls les avocats, avoués, et avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation s'étant vu reconnaître cette possibilité, dénommée « tipping off ».
- d'autre part, une obligation de vigilance, consistant à imposer aux professionnels, avant de nouer une relation contractuelle ou d'assister un client dans la préparation ou la réalisation d'une transaction, de s'assurer de son identité, et à les obliger, en présence d'opérations d'un certain montant et sans justification économique, à se renseigner auprès de leur client sur l'origine et la destination des fonds, sur l'objet de la transaction et l'identité de la personne qui en bénéficie.
Il a souligné que le champ d'application de cette obligation de vigilance, fixé par le décret du 26 juin 2006, était plus large que celui défini pour la déclaration de soupçon puisque seules les activités juridictionnelles en étaient écartées, ce qui conduisait à assujettir la consultation juridique à ce dispositif.
a fait observer que ces règles issues de la deuxième directive avaient été contestées par les barreaux de plusieurs Etats membres de l'Union européenne et par les barreaux français.
Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie à titre préjudiciel par la Cour constitutionnelle belge à l'initiative des barreaux belges avait distingué, en juin 2007, les activités liées à certaines transactions financières, immobilières ou commerciales -pour lesquelles les exigences définies dans le cadre communautaire ne violent pas le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme - des activités liées à une procédure judiciaire -défense ou représentation en justice- qui bénéficient a contrario de la protection de la CEDH. La Cour constitutionnelle belge avait, sur cette base, validé en janvier 2008 le principe selon lequel les informations obtenues par l'avocat à l'occasion des activités essentielles de sa profession, à savoir l'assistance et la défense en justice du client, ne pouvaient être divulguées à une cellule de renseignement financier et avait en outre considéré que le conseil juridique devait également être exempté des obligations d'information et de coopération.
La contestation des barreaux français s'était concrétisée par des recours en annulation du décret du 26 juin 2006 devant le Conseil d'Etat, lequel s'était prononcé sur cette affaire le 10 avril 2008 en annulant deux dispositions importantes de ce texte :
- d'une part, la disposition obligeant les avocats à répondre directement aux demandes d'information de la cellule TRACFIN, sans prévoir, comme dans le cas de la déclaration de soupçons, le filtre de l'autorité ordinale ;
- d'autre part, la disposition n'excluant pas des obligations de vigilance les informations détenues ou reçues dans le cadre d'une consultation juridique.
Abordant les innovations prévues par la troisième directive anti-blanchiment adoptée en 2005, M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur, a tout d'abord souligné que la liste des personnes assujetties au dispositif anti-blanchiment avait été élargie à de nouvelles catégories professionnelles.
Il a mis en exergue le fait que le champ des infractions entrant dans le dispositif anti-blanchiment était considérablement accru, à savoir à toutes les infractions punies d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale ou supérieure à un an, voire six mois si l'Etat membre le prévoit.