Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 avril 2008 : 1ère réunion
Union européenne — Suivi des dossiers - communication

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, co-rapporteur :

Evoquant les principales observations tirées des auditions, M. Jean-René Lecerf, co-rapporteur, a tout d'abord souligné que, d'un point de vue quantitatif, la mise en oeuvre des règles anti-blanchiment à l'égard des professionnels du droit était assez timide, le secteur non financier ne représentant que 3 % des déclarations de soupçon transmises à TRACFIN, et les notaires étant, parmi ces professions, à l'origine de près de 60 % de ces déclarations, tandis que celles des avocats sont de l'ordre de quelques unités. Il a indiqué que TRACFIN avait par ailleurs fait un usage très prudent du droit de communication envers les documents détenus par les professions juridiques.

Au plan qualitatif, il a regretté l'impossibilité de dresser un bilan précis de l'efficacité de la législation, cette lacune pesant sur la légitimité d'un dispositif dont les vertus ne sont pas évidentes, alors même que les contraintes imposées aux professionnels assujettis leur semblent très lourdes.

Il a mis en exergue le fait que, pour la grande majorité des professions juridiques, la troisième directive ne soulevait pas de problème de principe, mais qu'en revanche telle n'est pas la position des avocats, des avoués, et des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui ont exprimé une hostilité de principe quant à l'application du dispositif à leurs professions. Il a relevé que ces professionnels estimaient que leur mode d'organisation -en particulier l'existence des Caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA)- ainsi que leur déontologie apportaient des garanties de nature à répondre aux objectifs de la directive.

a ensuite exposé les principales critiques émises à l'encontre de la directive lors des auditions.

Il a indiqué que les avocats s'étaient inquiétés des effets négatifs d'une transposition trop stricte du texte communautaire qui pourrait créer une distorsion de concurrence préjudiciable à l'attractivité du système juridique français, jugeant que les acteurs économiques pourraient être incités à se placer sous l'empire de législations moins contraignantes.

Il a souligné que les notaires, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et le syndicat national des maisons de ventes volontaires craignaient que la loi de transposition consacre une obligation de résultat en matière d'identification du client.

Il a relevé que le Conseil supérieur du notariat était très attaché à la confidentialité de la déclaration de soupçon, tandis qu'à l'inverse, les représentants des avocats contestaient la suppression du « tipping off » imposée par la directive qui remet en cause le lien de confiance entre l'avocat et son client, jugé fondamental par la profession.

Il a souligné que l'ensemble des professions entendues avait souligné les dérives susceptibles de résulter de l'extension des obligations anti-blanchiment à l'ensemble des infractions punies d'une peine privative de liberté supérieure à un an, puisqu'elle imposerait aux professionnels de faire des déclarations de soupçon pour des fraudes qui peuvent concerner un nombre considérable d'opérations portant notamment sur des petites sommes.

Il a exposé que, selon le directeur de TRACFIN, un afflux massif de déclarations de soupçon, comme au Royaume-Uni, serait préjudiciable à l'efficacité de la lutte anti-blanchiment.

Il a indiqué que, pour les avocats, les avoués près les cours d'appel et les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la transposition de la troisième directive devrait être l'occasion d'exclure le conseil juridique du champ d'application des obligations de vigilance, contrairement à la position retenue par le législateur en 2004.

Il a ajouté que les fortes difficultés pour apprécier le contenu de la notion d'« évaluation de la situation juridique du client » transcrite en droit français par le concept de « conseil juridique » avaient été soulignées par plusieurs professionnels ainsi que par les ministères entendus.

Il a enfin exposé que deux points concernant le rôle des autorités ordinales défini par la troisième directive heurtaient particulièrement les avocats :

- d'une part, la suppression du filtre du bâtonnier s'agissant de la transmission de la déclaration de soupçon à TRACFIN, le Conseil national des Barreaux faisant valoir l'importance de l'intervention du bâtonnier, gardien du secret professionnel, dans les procédures anti-blanchiment ;

- d'autre part, l'obligation faite aux ordres professionnels qui découvrent des faits de blanchiment d'en informer la cellule de renseignement financier, les avocats considérant que les ordres ne doivent pas être érigés en dénonciateurs de leurs confrères.

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