Intervention de Roger Beauvois

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 avril 2008 : 1ère réunion
Sécurité — Audition de M. Roger Beauvois président et de Mme Nathalie duHamel secrétaire générale de la commission nationale de déontologie de la sécurité cnds

Roger Beauvois, président :

a indiqué que la CNDS, créée par la loi du 6 juin 2000, avait, depuis son installation le 1er janvier 2001, reçu 618 dossiers et en avait traité 418, soulignant la forte croissance de son activité au fil des ans. En 2007, la CNDS a examiné 117 dossiers qui ont donné lieu à 86 avis, constatant 44 manquements à la déontologie, et prononçant 31 décisions d'irrecevabilité (classement sans suite, saisine hors-délai ou hors-compétence). Sur les 117 dossiers, 5 ont fait l'objet d'une transmission au ministère public et 11 d'une demande de poursuites disciplinaires auprès des ministères concernés.

Après avoir déclaré que les dossiers concernaient essentiellement la police (62 % d'entre eux), la gendarmerie (18 %) et les établissements pénitentiaires (12 %), M. Roger Beauvois a relevé les principaux manquements constatés par la CNDS, tant en ce qui concerne la police et la gendarmerie que l'administration pénitentiaire :

- usage abusif de la garde à vue : il a rappelé que l'opportunité et la durée de cette mesure ne se justifiaient que par « les nécessités de l'enquête » et que l'absence d'acte d'investigation (notamment d'audition sur les faits reprochés) pendant une durée excessive au cours de la garde à vue pouvait s'analyser comme une « garde à vue-sanction » illégale. Il a, en outre, déploré les conditions matérielles de garde à vue, compte tenu de la vétusté des locaux ;

- fouilles à corps injustifiées : il a indiqué que certains dossiers attestaient le non-respect de la circulaire du 11 mars 2003 du ministre de l'intérieur relative à la dignité des personnes placées en garde à vue, qui dispose que la fouille à corps « ne peut être appliquée que si la personne est suspectée de dissimuler des objets dangereux pour elle-même ou pour autrui », citant des cas où, compte tenu des circonstances (faits de faible importance, personne inconnue des services de police, absence de heurts au moment de l'interpellation...), la CNDS avait jugé une fouille à corps disproportionnée au regard du danger présumé ;

- banalisation du menottage : il a regretté, au nom de l'exigence de sécurité, le recours systématique au menottage, notamment dans les transports de personnes, même quand ces dernières sont physiquement incapables de prendre la fuite ou d'agresser les agents de sécurité, telles les femmes enceintes ou les personnes handicapées. Il a ajouté que le menottage abusif contrevenait aux dispositions de l'article 803 du code de procédure pénale ;

- violences illégitimes : il a souligné que certaines violences policières pouvaient être évitées par le dialogue et une meilleure maîtrise des gestes d'intervention ;

- usages des armes de service : il a invité les forces de police et de gendarmerie à faire preuve de discernement avant de sortir une arme pour procéder à une interpellation ;

- traitement des personnes en état d'ivresse : après avoir regretté le faible encadrement juridique du recours au placement en cellule de dégrisement et des conditions de son déroulement, il a recommandé qu'une réflexion d'ensemble soit menée afin de permettre une surveillance effective des personnes concernées, souvent psychologiquement très fragiles, et de garantir ainsi la protection de leur intégrité physique.

a ensuite signalé la publication, en même temps que le rapport annuel d'activité, d'une étude relative aux conditions d'accès aux soins des personnes privées de liberté, soulignant que, saisie depuis sa création de 127 dossiers sur ce thème, la CNDS avait pu constater parfois de graves négligences des forces de sécurité en la matière. Il a ajouté que la privation de liberté ne devait pas entraîner la suppression des droits fondamentaux de la personne malade.

Il s'est par ailleurs inquiété de ce que certaines réclamations ayant entraîné la saisine de la Commission fassent l'objet d'une procédure pour « dénonciation calomnieuse » engagée par les agents mis en cause, citant un exemple récent où ces derniers ont obtenu de la justice la condamnation du plaignant à des dommages et intérêts, avant même que la CNDS n'ait rendu son avis sur le dossier. Il a redouté que ce type d'action contentieuse ne dissuade les témoins et victimes de saisir la Commission. Il a également regretté que certains agents de sécurité considèrent une convocation pour audition à la CNDS comme constitutive en soi d'un préjudice moral.

Il a déclaré avoir demandé à la garde des Sceaux, en octobre 2007, d'adresser aux parquets des directives de politique pénale afin, d'une part, de retenir la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris en tant que lieu de commission des faits, et ce afin de faciliter les échanges entre la CNDS et le parquet, d'autre part, d'inviter le ministère public à prendre l'attache de la Commission pour connaître le sens de l'avis rendu sur le fait dénoncé et disposer ainsi d'éléments d'information complémentaires avant d'exercer, le cas échéant, l'action publique. Il a indiqué avoir reçu une réponse négative de la chancellerie sur ces deux points.

Il a enfin mis en avant la faiblesse des moyens humains et matériels alloués à la Commission, eu égard à l'importance de ses missions.

Faisant part de son expérience de membre de la CNDS désigné par le Sénat, M. Jean-Claude Peyronnet a souligné le rôle très positif joué, au sein de la Commission, par le commissaire du gouvernement, créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Rappelant qu'il avait également été désigné par le président du Sénat pour siéger à la CNDS, M. Jean-Patrick Courtois a regretté que cette dernière, et d'une manière générale de nombreux organismes extra-parlementaires, tiennent leur réunion le lundi, jour peu propice à la présence des parlementaires, généralement mobilisés ce jour là dans leur circonscription.

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