La société des gens de lettres et la communauté des auteurs se montrent extrêmement favorables à la loi sur le prix unique du livre numérique et à l'initiative consistant à confier la maîtrise des prix à l'amont de la chaîne du livre. Deux raisons principales président à cela. Il s'agit en premier lieu de la seule possibilité, à nos yeux, de préserver la diffusion du livre, à l'instar de la loi de 1981 sur le livre imprimé. En protégeant la diffusion du livre, l'on préserve la diversité de l'édition et donc des auteurs. Il s'agit également de la seule manière de garantir une assiette stable pour les droits des auteurs. Pour ces deux raisons, les auteurs souhaitent vivement que cette loi soit le plus rapidement adoptée.
Pour autant, cette loi, telle qu'elle est aujourd'hui rédigée, donne presque les pleins pouvoirs aux éditeurs : fixation du prix de vente, fixation de la remise du libraire et fixation du montant des droits d'auteur voire fixation de la rémunération des diffuseurs et distributeurs. C'est la raison pour laquelle nous avions accueilli de manière extrêmement favorable l'initiative des sénateurs d'introduire dans le texte de loi initial un article 5 bis qui permettait de garantir aux auteurs « une rémunération juste et équitable pour l'exploitation numérique de leurs oeuvres ». La demande des auteurs reste la même aujourd'hui. Elle tend à obtenir un montant de rémunération pour le numérique au moins identique à celui obtenu pour le livre imprimé. Les avenants et contrats aujourd'hui proposés aux auteurs reprennent, dans leur grande majorité, les pourcentages des livres imprimés. Or, le prix de vente fixé par l'éditeur pour le livre numérique devant probablement être très largement inférieur à celui du livre imprimé, les auteurs subiront à l'avenir une perte de revenus importante. Nous avons calculé cette perte. Dans l'hypothèse d'une diminution de 30 % du prix de vente TTC entre la version imprimée et la version numérique et d'un taux de droits d'auteur maintenu à 10 % du prix de vente hors taxe, cette perte atteindrait le taux significatif de 38 %. Pour maintenir un montant de rémunération identique, il conviendrait que le droit d'auteur s'élève à environ 16 %. Par ailleurs, les autres modes de rémunération - offres groupées, abonnements, recettes publicitaires - ne sont quasiment jamais envisagés dans les contrats actuels pour le numérique. La crainte majeure des auteurs est de n'obtenir aucune garantie tant sur le mode de calcul que sur le montant de la rémunération pour la commercialisation de leurs ouvrages sur support numérique. L'article 5 bis permettait justement d'offrir aux auteurs cette garantie.
Des discussions interprofessionnelles sont certes menées entre auteurs et éditeurs depuis près de six mois sur la question des droits numériques mais elles n'ont pas encore abouti à une conclusion favorable. Les éditeurs proposent au mieux de garantir un pourcentage pour le numérique identique à celui de l'imprimé. D'autres questions n'ont pas non plus été réglées, au premier rang desquelles le principe d'une durée de cession limitée pour le contrat d'édition numérique. Il s'avère en effet difficile de demander aux auteurs à la fois de percevoir moins sur leurs oeuvres et de confier leurs droits aux éditeurs pour l'éternité ou presque, d'autant que le principe d'une exploitation permanente et suivie, contrepartie de la cession de très longue durée des droits d'auteur, n'est pas encore pleinement définie dans l'univers numérique.
Certes, l'article 7 relatif au rapport annuel d'application de la loi a été renforcé et l'amendement adopté à l'Assemblée nationale évoque désormais une rémunération juste et équitable des auteurs, un terme qu'il importe de préciser. Il n'explicite pas néanmoins les suites à donner à un rapport qui se révélerait négatif. La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et le rapporteur ont estimé que le tir pourrait être rectifié lors de la remise de ces rapports annuels. Il nous semble que la correction pourrait être apportée dès la rédaction. Pour toutes ces raisons, la SGDL, le SNAC et une large partie des auteurs représentés au sein du conseil permanent des écrivains sont favorables à la réintroduction de l'article 5 bis dans le projet de loi.