Je vous remercie pour votre invitation à venir vous présenter les avancées de la recherche dans les domaines du Grenelle de l'environnement et de les illustrer par des exemples de retombées concrètes. Je voudrais ainsi axer ma présentation sur deux facettes : tout d'abord la réalité du CEMAGREF et de l'ANRE, puis, au travers de quelques exemples, la façon dont on s'inscrit dans le Grenelle de l'environnement afin de contribuer par ce biais au développement économique de notre pays.
Je suis également président du laboratoire AQUAREF qui fédère plusieurs organismes de recherche et qui est un laboratoire national de référence sur la protection des milieux aquatiques, très impliqué sur la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau.
Le CEMAGREF est un organisme de recherche créé il y a trente ans : nous organisons bientôt pour cet anniversaire un grand Forum Sciences et société sur la place des sciences environnementales dans le débat public.
Le CEMAGREF, c'est neuf centres de recherche répartis sur le territoire, deux équipes situées l'une à la Martinique et l'autre à Strasbourg, 25 unités de recherche, 1 600 collaborateurs dont 900 titulaires, 200 thésards, 300 contractuels et un budget de 115 millions d'euros, dont plus de 30 % est aujourd'hui consacré aux ressources externes, ce qui constitue le taux le plus élevé pour les ressources externes de tous les établissements publics à caractère scientifique et technique avec l'INRIA.
Nous sommes constitués de trois départements de recherche : eau, écotechnologies et territoires. L'eau recouvre la moitié de nos recherches ; l'aménagement territorial représente environ un quart de notre activité de même que les écotechnologies.
Le CEMAGREF est un organisme de recherche qui a la particularité de faire 70 % de recherche et 30 % d'expertise et d'appui aux politiques publiques. C'est le seul organisme qui fonctionne sur cet équilibre, qui je crois, est lié à nos 200 ingénieurs de l'État « eaux et forêts » présents au sein de notre établissement. Cette mixité entre ingénieurs et chercheurs nous donne la possibilité, à partir des projets de recherche, de les décliner avec des solutions et de contribuer, en tant qu'appui, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques.
Le CEMAGREF est également un organisme caractérisé par sa pluridisciplinarité : hydrologie, biologie, mais nous avons également une trentaine de chercheurs en sciences économiques, une quinzaine de sociologues, deux chercheurs en sciences politiques. Le croisement de ces sciences humaines et sociales et des sciences expérimentales nous permettent de donner un avis et un appui aux politiques publiques.
Ayant obtenu le label Carnot en 2006 puis en 2011, le CEMAGREF a été reconnu pour sa recherche partenariale avec le monde économique. Nos principaux partenaires sont d'abord des partenaires économiques au premier rang desquels les entreprises de l'eau (Veolia et Suez), les agro-équipementiers dans le domaine agricole mais aussi les collectivités territoriales.
Nous avons également vocation à faire de l'innovation dans deux domaines : celui que l'on conçoit classiquement par la création d'emplois, de start-ups, d'entreprises, mais aussi celui, que je défends, de la contribution de la recherche à la mise en place de politiques publiques innovantes.
Notre établissement a aussi une vraie dimension européenne et internationale : nous avons été fondateurs, il y a dix ans, du premier réseau « Partenariat pour la recherche environnementale européen » qui réunit 7 pays européens (France, Hollande, Allemagne, Angleterre, Finlande, Danemark et l'Italie). Nous sommes également présents dans le monde, par le biais notamment de co-publications avec des organismes de recherche d'autres pays, notamment au Québec, en Amérique du Nord, en Australie et Nouvelle-Zélande ou encore au Brésil.
Trois enjeux concourent au plan stratégique du CEMAGREF adopté en 2009 qui donne une orientation à quinze ans :
- la gestion de l'eau et des territoires, la modélisation de l'eau au niveau du bassin versant ;
- la gestion des risques environnementaux, principalement les risques liés à l'eau comme les inondations ou les crues ;
- la qualité environnementale : on voit de plus en plus de textes réglementaires qui s'appuient sur cette notion, mal définie sur le plan scientifique.
Je vais vous présenter maintenant quelques exemples concrets illustrant la contribution de la recherche dans le cadre des grands objectifs du Grenelle de l'environnement.
Un premier objectif est une vision de la gestion du cycle de l'eau totalement intégrée c'est-à-dire avec des outils de recherche qui vont de la modélisation, de la prévision des crues aux problématiques des digues, de retenue, de modification de la biodiversité, de mesure de l'impact environnemental en matière économique et sociale.
Les résultats dans ce secteur sont directement transférés aux utilisateurs et en l'occurrence aux services opérationnels de l'État. Le CEMAGREF a développé des modèles de prévision directement transférés aux gestionnaires de territoires et alimentent aujourd'hui les cartes de vigilance de Météo France. Un nouveau radar est aujourd'hui opérationnel : il a été créé dans une collaboration Météo France et CEMAGREF et son objectif est de couvrir des zones montagneuses qui jusqu'à présent n'étaient pas couvertes de façon à prévoir ces risques hydrométéorologiques majeurs et de déclencher des alertes. Météo France va développer quatre réseaux de ce type dans le Sud Est.
Autre exemple, le CEMAGREF élabore aussi des indicateurs dans le cadre de la directive sur l'eau qui permettent de mesurer la qualité des eaux pour la mise en oeuvre des règlements européens REACH, de détecter les substances interdites mais aussi des indicateurs d'état écologique des masses d'eau puisque la France s'est engagée sur un objectif de 80 % de bon état écologique de ses masses d'eau à l'horizon 2015.
Le CEMAGREF demeure tout de même très impliqué sur les technologies agricoles dans l'esprit de réduire l'impact environnemental négatif des pratiques agricoles. Nous avons par exemple mené un projet européen qui vise à développer un système de capteurs pour instrumenter les matériels d'épandage sur des vignes et de pouvoir cartographier avec des matériels de modélisation la parcelle traitée de façon à maximiser l'effet de la pulvérisation, à diminuer les zones de recouvrement et à utiliser le moins possible de produits phytosanitaires sur les parcelles. Un dispositif expérimental a également été mis en place : il s'agit d'un appareil offrant une alternative à l'épandage aérien. Aux Antilles en effet, les bananeraies nécessitent un traitement obligatoire face aux moisissures : c'est important dans la mesure où la banane représente environ 50 % de l'économie de la Martinique par exemple. Il faut donc trouver des méthodes alternatives à l'épandage aérien, aujourd'hui interdit par la réglementation européenne à moins de cinquante mètres.
Tout dernier exemple, le CEMAGREF est un promoteur de l'information satellitaire et de la télédétection au service du développement durable et de l'aménagement du territoire. La France a massivement investi dans les techniques satellitaires avec le CNES comme maître d'oeuvre, ce qui a permis de développer l'océanographie, les applications militaires ou encore climatologiques.
L'utilisation de ces techniques satellitaires sur les surfaces et interfaces continentales pour l'aménagement du territoire reste néanmoins peu développée. Or les enjeux sont majeurs, non seulement au regard de la directive cadre sur l'eau, mais également au regard de la trame bleue et de la trame verte portées par le Grenelle II et pour lesquelles on a besoin d'avoir des informations spatialisées extrêmement précises. La France est également engagée dans le protocole de Kyoto, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre.
Une attention toute particulière est apportée à l'utilisation des terrains agricoles sur le territoire métropolitain.
Nous avons obtenu dans le cadre des investissements d'avenir un grand projet d'équipements d'excellence qui a été doté de 12 millions d'euros : il s'agit du projet « GEOSUD » qui fédère à la fois les acteurs de la recherche et tout un ensemble d'établissements dont un certain nombre d'entreprises du secteur économique pour développer l'information satellitaires dans tous les secteurs économiques.
Je voudrais pour finir insister sur le fait qu'aucun de ces projets que je viens de vous présenter n'aurait pu être porté par un organisme de recherche seul en France, en Europe ou dans le monde : à chaque fois, ces projets nécessitent l'implication très forte de plusieurs organismes.
C'était précisément d'ailleurs l'objet de la création l'année dernière de la création de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement sur quatre domaines principaux : l'alimentation, l'eau, le climat et les territoires.
L'objectif était de fédérer l'ensemble des organismes de recherche et d'enseignement supérieur afin que la recherche puisse apporter des solutions concrètes.
L'enjeu de l'alimentation, c'est de nourrir la planète, avec neuf milliards d'individus à l'horizon 2050.
L'enjeu de l'eau, c'est celui d'un droit universel d'accès à l'eau défendu par l'ONU en qualité et en quantité.
L'enjeu du climat, c'est celui de l'évolution de notre planète en matière de perte de biodiversité.
L'enjeu de l'aménagement territorial, c'est celui des rapports Nord-Sud notamment.
La recherche environnementale que nous essayons de construire veut avoir la force de ce qu'est aujourd'hui la recherche médicale en France. Elle répond à des enjeux tout aussi fondamentaux. Lorsqu'ils ont été créés après la Seconde Guerre mondiale, tous les organismes de recherche répondaient à des enjeux sociétaux majeurs : l'INRA, pour nourrir le pays et asseoir notre indépendance alimentaire, l'INSERM, pour des raisons de santé publique, ou encore le CEA, pour asseoir l'indépendance énergétique de la France.
Les problématiques environnementales sont plus récentes et les organismes de recherche nombreux avec chacun sa spécificité : l'objectif de l'Alliance c'est une coordination renforcée entre ces différents organismes, notamment vis-à-vis des ministères.
Les enjeux sont à la fois :
- écologiques avec la garantie d'une sécurité alimentaire, et agro-écologiques avec la gestion des ressources en eau et la gestion des risques,
- économiques pour que l'agriculture demeure compétitive, pour avoir un développement rural responsable, pour une exploitation raisonnée des milieux marins et des ressources naturelles,
- sociétaux avec notamment la prise en compte de l'acceptabilité de certaines politiques en matière énergétique, alimentaire ou agricole ;
- mais aussi politiques.
L'Alliance regroupe ainsi 12 organismes de recherche fondateurs avec une organisation très souple. Nous mobilisons 250 experts de haut niveau au sein de 14 groupes thématiques.