Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 28 juin 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • CEMAGREF
  • alliance
  • sciences

La réunion

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La commission procède à l'audition de M. Roger Genet, directeur général du CEMAGREF et président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous souhaite tout d'abord la bienvenue devant notre commission. Vous êtes le directeur général du CEMAGREF mais aussi le président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (ANRE). Le CEMAGREF est un établissement public à caractère scientifique et technologique qui a pour mission principale de mener la recherche publique en sciences et technologies de l'environnement en particulier en matière de qualité des eaux, de biodiversité, de technologies vertes et de développement territorial. Les sénateurs de notre commission portent une attention particulière à ces questions car la croissance verte est un axe majeur pas seulement en France mais aussi en Europe et suppose un effort important de recherche. Vous nous parlerez ainsi de la stratégie de recherche que vous menez dans ce domaine et des secteurs dans lesquels vous espérez que la recherche pourra déboucher sur des avancées économiques concrètes. Mise en place en 2010, l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement que vous présidez rassemble le CEMAFREF, l'INRA, l'IFREMER et le CNRS ainsi que d'autres organismes associés pour définir ensemble les priorités de la recherche environnementale.

Il est vrai que dans l'esprit de beaucoup d'entre nous, le CEMAGREF était resté spécialisé dans le domaine du machinisme agricole. Aujourd'hui, votre mission semble bien élargie.

Debut de section - Permalien
Roger Genet, directeur général du CEMAGREF et président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement

Je vous remercie pour votre invitation à venir vous présenter les avancées de la recherche dans les domaines du Grenelle de l'environnement et de les illustrer par des exemples de retombées concrètes. Je voudrais ainsi axer ma présentation sur deux facettes : tout d'abord la réalité du CEMAGREF et de l'ANRE, puis, au travers de quelques exemples, la façon dont on s'inscrit dans le Grenelle de l'environnement afin de contribuer par ce biais au développement économique de notre pays.

Je suis également président du laboratoire AQUAREF qui fédère plusieurs organismes de recherche et qui est un laboratoire national de référence sur la protection des milieux aquatiques, très impliqué sur la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau.

Le CEMAGREF est un organisme de recherche créé il y a trente ans : nous organisons bientôt pour cet anniversaire un grand Forum Sciences et société sur la place des sciences environnementales dans le débat public.

Le CEMAGREF, c'est neuf centres de recherche répartis sur le territoire, deux équipes situées l'une à la Martinique et l'autre à Strasbourg, 25 unités de recherche, 1 600 collaborateurs dont 900 titulaires, 200 thésards, 300 contractuels et un budget de 115 millions d'euros, dont plus de 30 % est aujourd'hui consacré aux ressources externes, ce qui constitue le taux le plus élevé pour les ressources externes de tous les établissements publics à caractère scientifique et technique avec l'INRIA.

Nous sommes constitués de trois départements de recherche : eau, écotechnologies et territoires. L'eau recouvre la moitié de nos recherches ; l'aménagement territorial représente environ un quart de notre activité de même que les écotechnologies.

Le CEMAGREF est un organisme de recherche qui a la particularité de faire 70 % de recherche et 30 % d'expertise et d'appui aux politiques publiques. C'est le seul organisme qui fonctionne sur cet équilibre, qui je crois, est lié à nos 200 ingénieurs de l'État « eaux et forêts » présents au sein de notre établissement. Cette mixité entre ingénieurs et chercheurs nous donne la possibilité, à partir des projets de recherche, de les décliner avec des solutions et de contribuer, en tant qu'appui, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques.

Le CEMAGREF est également un organisme caractérisé par sa pluridisciplinarité : hydrologie, biologie, mais nous avons également une trentaine de chercheurs en sciences économiques, une quinzaine de sociologues, deux chercheurs en sciences politiques. Le croisement de ces sciences humaines et sociales et des sciences expérimentales nous permettent de donner un avis et un appui aux politiques publiques.

Ayant obtenu le label Carnot en 2006 puis en 2011, le CEMAGREF a été reconnu pour sa recherche partenariale avec le monde économique. Nos principaux partenaires sont d'abord des partenaires économiques au premier rang desquels les entreprises de l'eau (Veolia et Suez), les agro-équipementiers dans le domaine agricole mais aussi les collectivités territoriales.

Nous avons également vocation à faire de l'innovation dans deux domaines : celui que l'on conçoit classiquement par la création d'emplois, de start-ups, d'entreprises, mais aussi celui, que je défends, de la contribution de la recherche à la mise en place de politiques publiques innovantes.

Notre établissement a aussi une vraie dimension européenne et internationale : nous avons été fondateurs, il y a dix ans, du premier réseau « Partenariat pour la recherche environnementale européen » qui réunit 7 pays européens (France, Hollande, Allemagne, Angleterre, Finlande, Danemark et l'Italie). Nous sommes également présents dans le monde, par le biais notamment de co-publications avec des organismes de recherche d'autres pays, notamment au Québec, en Amérique du Nord, en Australie et Nouvelle-Zélande ou encore au Brésil.

Trois enjeux concourent au plan stratégique du CEMAGREF adopté en 2009 qui donne une orientation à quinze ans :

- la gestion de l'eau et des territoires, la modélisation de l'eau au niveau du bassin versant ;

- la gestion des risques environnementaux, principalement les risques liés à l'eau comme les inondations ou les crues ;

- la qualité environnementale : on voit de plus en plus de textes réglementaires qui s'appuient sur cette notion, mal définie sur le plan scientifique.

Je vais vous présenter maintenant quelques exemples concrets illustrant la contribution de la recherche dans le cadre des grands objectifs du Grenelle de l'environnement.

Un premier objectif est une vision de la gestion du cycle de l'eau totalement intégrée c'est-à-dire avec des outils de recherche qui vont de la modélisation, de la prévision des crues aux problématiques des digues, de retenue, de modification de la biodiversité, de mesure de l'impact environnemental en matière économique et sociale.

Les résultats dans ce secteur sont directement transférés aux utilisateurs et en l'occurrence aux services opérationnels de l'État. Le CEMAGREF a développé des modèles de prévision directement transférés aux gestionnaires de territoires et alimentent aujourd'hui les cartes de vigilance de Météo France. Un nouveau radar est aujourd'hui opérationnel : il a été créé dans une collaboration Météo France et CEMAGREF et son objectif est de couvrir des zones montagneuses qui jusqu'à présent n'étaient pas couvertes de façon à prévoir ces risques hydrométéorologiques majeurs et de déclencher des alertes. Météo France va développer quatre réseaux de ce type dans le Sud Est.

Autre exemple, le CEMAGREF élabore aussi des indicateurs dans le cadre de la directive sur l'eau qui permettent de mesurer la qualité des eaux pour la mise en oeuvre des règlements européens REACH, de détecter les substances interdites mais aussi des indicateurs d'état écologique des masses d'eau puisque la France s'est engagée sur un objectif de 80 % de bon état écologique de ses masses d'eau à l'horizon 2015.

Le CEMAGREF demeure tout de même très impliqué sur les technologies agricoles dans l'esprit de réduire l'impact environnemental négatif des pratiques agricoles. Nous avons par exemple mené un projet européen qui vise à développer un système de capteurs pour instrumenter les matériels d'épandage sur des vignes et de pouvoir cartographier avec des matériels de modélisation la parcelle traitée de façon à maximiser l'effet de la pulvérisation, à diminuer les zones de recouvrement et à utiliser le moins possible de produits phytosanitaires sur les parcelles. Un dispositif expérimental a également été mis en place : il s'agit d'un appareil offrant une alternative à l'épandage aérien. Aux Antilles en effet, les bananeraies nécessitent un traitement obligatoire face aux moisissures : c'est important dans la mesure où la banane représente environ 50 % de l'économie de la Martinique par exemple. Il faut donc trouver des méthodes alternatives à l'épandage aérien, aujourd'hui interdit par la réglementation européenne à moins de cinquante mètres.

Tout dernier exemple, le CEMAGREF est un promoteur de l'information satellitaire et de la télédétection au service du développement durable et de l'aménagement du territoire. La France a massivement investi dans les techniques satellitaires avec le CNES comme maître d'oeuvre, ce qui a permis de développer l'océanographie, les applications militaires ou encore climatologiques.

L'utilisation de ces techniques satellitaires sur les surfaces et interfaces continentales pour l'aménagement du territoire reste néanmoins peu développée. Or les enjeux sont majeurs, non seulement au regard de la directive cadre sur l'eau, mais également au regard de la trame bleue et de la trame verte portées par le Grenelle II et pour lesquelles on a besoin d'avoir des informations spatialisées extrêmement précises. La France est également engagée dans le protocole de Kyoto, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre.

Une attention toute particulière est apportée à l'utilisation des terrains agricoles sur le territoire métropolitain.

Nous avons obtenu dans le cadre des investissements d'avenir un grand projet d'équipements d'excellence qui a été doté de 12 millions d'euros : il s'agit du projet « GEOSUD » qui fédère à la fois les acteurs de la recherche et tout un ensemble d'établissements dont un certain nombre d'entreprises du secteur économique pour développer l'information satellitaires dans tous les secteurs économiques.

Je voudrais pour finir insister sur le fait qu'aucun de ces projets que je viens de vous présenter n'aurait pu être porté par un organisme de recherche seul en France, en Europe ou dans le monde : à chaque fois, ces projets nécessitent l'implication très forte de plusieurs organismes.

C'était précisément d'ailleurs l'objet de la création l'année dernière de la création de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement sur quatre domaines principaux : l'alimentation, l'eau, le climat et les territoires.

L'objectif était de fédérer l'ensemble des organismes de recherche et d'enseignement supérieur afin que la recherche puisse apporter des solutions concrètes.

L'enjeu de l'alimentation, c'est de nourrir la planète, avec neuf milliards d'individus à l'horizon 2050.

L'enjeu de l'eau, c'est celui d'un droit universel d'accès à l'eau défendu par l'ONU en qualité et en quantité.

L'enjeu du climat, c'est celui de l'évolution de notre planète en matière de perte de biodiversité.

L'enjeu de l'aménagement territorial, c'est celui des rapports Nord-Sud notamment.

La recherche environnementale que nous essayons de construire veut avoir la force de ce qu'est aujourd'hui la recherche médicale en France. Elle répond à des enjeux tout aussi fondamentaux. Lorsqu'ils ont été créés après la Seconde Guerre mondiale, tous les organismes de recherche répondaient à des enjeux sociétaux majeurs : l'INRA, pour nourrir le pays et asseoir notre indépendance alimentaire, l'INSERM, pour des raisons de santé publique, ou encore le CEA, pour asseoir l'indépendance énergétique de la France.

Les problématiques environnementales sont plus récentes et les organismes de recherche nombreux avec chacun sa spécificité : l'objectif de l'Alliance c'est une coordination renforcée entre ces différents organismes, notamment vis-à-vis des ministères.

Les enjeux sont à la fois :

- écologiques avec la garantie d'une sécurité alimentaire, et agro-écologiques avec la gestion des ressources en eau et la gestion des risques,

- économiques pour que l'agriculture demeure compétitive, pour avoir un développement rural responsable, pour une exploitation raisonnée des milieux marins et des ressources naturelles,

- sociétaux avec notamment la prise en compte de l'acceptabilité de certaines politiques en matière énergétique, alimentaire ou agricole ;

- mais aussi politiques.

L'Alliance regroupe ainsi 12 organismes de recherche fondateurs avec une organisation très souple. Nous mobilisons 250 experts de haut niveau au sein de 14 groupes thématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Merci de nous avoir présenté non seulement le CEMAGREF mais aussi cette nouvelle Alliance nationale de recherche pour l'environnement qui fait tomber les barrières entre les organismes de recherche.

Notre commission a eu à examiner le Grenelle de l'environnement. Concernant la trame verte et la trame bleue, les régions doivent mettre en place avec l'État des schémas régionaux : pouvez-vous nous présenter le guide méthodologique auquel vous avez participé pour l'élaboration de ces schémas régionaux ? Pouvez-vous nous dire aussi comment les schémas de cohérence territoriale prennent en compte les objectifs de la trame verte et de la trame bleue ? Pouvez-vous enfin nous donner quelques indications sur les surfaces boisées dans le monde, dans la mesure où 2011 est l'année internationale de la forêt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Avec le réchauffement climatique, la sécheresse qui sévit actuellement en France, comment voyez-vous la gestion de la ressource en eau pour améliorer l'irrigation des cultures ? Par ailleurs, notre pays peut-il s'orienter vers le goutte-à-goutte, par rapport à l'arrosage indifférencié ? Avez-vous envisagé de développer les retenues collinaires ?

Deuxième point, vous avez parlé de vos ressources externes, pourrait-on savoir quels sont vos partenaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

On assiste à une multiplication et une superposition des organismes et des alliances dans le domaine de la recherche. Ne serait-il pas préférable qu'un seul établissement traite des sciences de la vie ? J'ai constaté avec étonnement que le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables disposait de compétences étendues dans les sciences de la vie...

S'agissant de la sécurité alimentaire, quelles solutions, selon vous, permettront de nourrir demain neuf milliards d'habitants ? Enfin, quelle est votre position concernant les plantes génétiquement modifiées, dont certaines méritent d'être étudiées afin de mieux résister au stress hydrique ; je fais la différence avec les organismes génétiquement modifiés, les problèmes posés par certaines variétés ne devant pas justifier un rejet total de l'ensemble des plantes génétiquement modifiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Quel est l'état écologique des fleuves qui se jettent dans la mer Méditerranée ? La pollution dans cette mer y atteint un niveau inquiétant : ainsi les eaux du Rhône charrient-elles des métaux lourds et des polluants organiques persistants, qui sont stockés dans des sites industriels ou dans les sédiments. Ne faudrait-il pas mettre en place un vaste plan de nettoyage ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je voudrais savoir qui vous adresse des demandes de recherche. De quelle manière pouvez-vous aider les services de l'État et des collectivités territoriales à comprendre l'état des ressources naturelles et à prendre des décisions ? Par ailleurs, comment le CEMAGREF s'inscrit-il dans les projets de recherche pluridisciplinaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Le potentiel d'expertise dont vous disposez est-il suffisamment utilisé par les pouvoirs publics et notamment par les collectivités territoriales ? J'ai constaté que la mobilisation des centres de recherches pouvait être très fructueuse pour les acteurs locaux compte tenu du désengagement des services de l'État, d'autant qu'elle permet de rapprocher les projets de recherche des besoins de terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Panis

Dans le cas des travaux réalisés sur l'espace foncier dans l'Hérault, quelles ont été vos relations avec la chambre d'agriculture ?

Debut de section - Permalien
Roger Genet, directeur général du CEMAGREF et président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement

Je ne suis pas un expert sur tous les sujets abordés et devrai donc différer ma réponse sur certaines questions spécifiques.

S'agissant des schémas de cohérence territoriale, nous y avons contribué, comme d'autres laboratoires de recherche, afin de répondre aux besoins des collectivités. À ce propos, nos experts sont conduits à se mobiliser à la fois pour développer l'étendue des connaissances et pour répondre sur des sujets concrets : notre modèle économique atteint là ses limites.

Par exemple, nous avons réalisé pour la Datar des études sur la fragmentation du territoire, qui ont montré que les infrastructures de transport divisent l'ouest de la France en tout petits territoires naturels : ces résultats nourrissent les travaux d'élaboration des trames vertes et bleues, qui visent à reconstruire les continuités écologiques. Nos chercheurs ont également mené des travaux de fond sur l'esturgeon en Gironde ou sur le rôle joué par le bois mort pour la préservation de la biodiversité.

Il faut toutefois conjuguer l'étude des milieux écologiques avec celle des conséquences économiques et sociales : c'est pour cela que les équipes réunissent des chercheurs relevant de disciplines variées. Cela complique malheureusement les processus d'évaluation, les comités qui réalisent celle-ci étant souvent spécialisés dans un seul domaine de recherche.

Nous avons rédigé un livre, que nous tenons à votre disposition, sur les enjeux de la forêt, qu'il s'agisse de son évolution, des émissions de gaz à effet de serre ou de l'impact de la déforestation en Amazonie. La recherche a son mot à dire : Nous instrumentons des satellites du CNES et l'imagerie satellitaire a permis de mieux mesurer la déforestation comme la concentration de carbone en Guyane. Cet effort de cartographie a permis à la France de respecter ses engagements pris au titre du protocole de Kyoto.

Comment nourrir neuf milliards d'êtres humains ? La recherche repose forcément sur une coopération internationale, mais les solutions ne peuvent être uniques. La difficulté provient non du nombre total d'habitants, mais de la densité exagérée observée dans certaines régions.

Le Président de la République nous a demandé quel pouvait être l'apport de la recherche concernant des priorités de la présidence française du G20 telles que la volatilité et la transparence des prix des matières premières. J'ai proposé de créer une coordination mondiale des centres de référence basés sur l'information satellitaire afin d'améliorer la prévision des récoltes et de répondre aux événements hydrologiques. Cette proposition a été reprise à l'annexe 3 de la déclaration commune des ministres de l'agriculture du G20.

La notion de bon état écologique des rivières a été inscrite dans la loi avant d'avoir été définie sur le plan scientifique. Pour l'évaluer, il faut disposer de l'état initial, ce qui exige de choisir une date de référence et de disposer des outils et des mesures adéquates. Il est également indispensable d'adopter des mesures de protection adaptées en prévoyant leur impact et leur coût économique. Ainsi, l'éco-toxicologie étudie l'écosystème dans sa globalité tandis que les toxicologues mesurent l'impact des produits sur la santé, mais le lien entre ces deux disciplines est difficile à mettre en place, lien qui est pourtant nécessaire pour établir l'impact sur la santé de la diffusion d'un produit dans la nature : c'est ce qui justifie la mise en place de coopérations interdisciplinaires.

La France dispose d'une quantité globale d'eau satisfaisante, mais très variable dans sa répartition. De nombreux travaux de recherche sont entrepris dans notre pays sur la gestion de l'eau en quantité comme en qualité, s'agissant notamment de la résistance des plantes au stress hydrique : je signale à cet égard que la forêt méditerranéenne est en danger de disparition au cours des décennies à venir. Plusieurs pistes, hybridation ou manipulations génétiques, se présentent aux chercheurs qui doivent pouvoir les explorer : le principe de précaution doit être un principe d'action, tout en contrôlant la sécurité d'utilisation. Nous effectuons des recherches sur le goutte-à-goutte, mais il n'y a pas de technique révolutionnaire : un système de goutte-à-goutte enterré apporte un gain de 20 % seulement.

Aucune solution n'est dépourvue d'inconvénients. Ainsi, la construction de retenues hydroélectriques, présentées comme une énergie propre, a pour effet une production de méthane comparable, en termes de gaz à effet de serre, aux émissions d'une centrale au charbon.

Il faut, dans tous les cas, diminuer l'impact environnemental des techniques employées. Nous travaillons ainsi avec le CEA sur l'utilisation du bois-énergie : mais cette ressource est difficile à mobiliser, aussi bien en raison du désintérêt ou des réticences des propriétaires qu'à cause de la difficulté à évacuer le bois. La réglementation doit être plus favorable à l'exploitation du bois. Les coupes opérées par l'Office national des forêts déclenchent des réactions diverses et parfois opposées : certains citoyens regrettent que des bois couchés demeurent sur la parcelle, tandis que d'autres s'opposent, au nom de la biodiversité, à l'extraction de la totalité du bois mort.

Il est donc nécessaire d'associer des chercheurs en sciences humaines et sociales dès le début des opérations afin de mieux formuler les questions et d'expliquer les enjeux dans toute leur complexité aux populations. La médaille d'innovation du CNRS a ainsi été attribuée à trois chercheurs, dont deux technologues mais aussi une économiste spécialisée dans l'aide au développement.

En matière d'organisation de la recherche, beaucoup de changements ont eu lieu depuis 2003, avec la création, par exemple, des réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA), des pôles de compétitivité ou encore des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Il existe donc aujourd'hui une grande cohérence, même s'il demeure nécessaire de renforcer l'axe recherche-enseignement supérieur.

Chaque organisme de recherche a sa raison d'être, avec ses spécificités. Ainsi, trois organismes sont actifs dans le domaine de l'eau, mais avec des compétences et des missions différentes. Le CEMAGREF dispose par exemple d'hydrologues mais pas de géologues. Il n'est donc pas souhaitable de fusionner l'ensemble des organismes.

Je pense cependant que, s'agissant des grands enjeux environnementaux, il est indispensable de regrouper les forces et d'assurer une forte visibilité : c'est bien l'objectif des Alliances. Le Gouvernement a proposé une stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI). Pour chacun des enjeux figurant dans cette stratégie (santé, énergie, technologies de l'information et de la communication, environnement), une alliance regroupant l'ensemble des acteurs du monde de la recherche a été mise en place. L'Alliance nationale de recherche pour l'environnement est ainsi pilotée par le CEMAGREF qui joue un rôle pivot car il est impliqué dans l'ensemble des domaines.

L'ambition de l'Alliance est de coordonner et de permettre un dialogue entre les organismes. Toutes les décisions ne sont pas pour autant faciles à prendre. Je me réjouis cependant que, pour la première fois, l'Alliance ait transmis une lettre commune à l'ensemble de ses membres à l'Agence nationale de la recherche (ANR) définissant trois priorités de recherche. L'Alliance, qui s'est substituée à trois structures de coordination, dispose en tout cas d'une vraie visibilité, ce qui lui permet de jouer le rôle d'interface avec les ministères, les instances européennes ou la représentation nationale.

En conclusion, je souhaite rappeler que si certains chercheurs ont participé aux groupes mis en place lors du « Grenelle de l'environnement », la recherche en tant que telle en a été complètement absente. Elle aurait pourtant pu contribuer aux débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre discours. Je regrette de ne pas entendre des propos de ce type sur le terrain, où on ne peut constater un manque de lisibilité et de cohérence.

Un exemple : en tant que président du conseil général de mon département, je gère les routes départementales. Les associations de protection de l'environnement se sont mobilisées contre le fauchage des accotements. Les agents du conseil général se sont plaints de la réduction de l'activité qui en a résulté. Les représentants de la sécurité routière s'en sont également ému, des accidents ayant eu lieu en raison du manque de visibilité. Cet exemple montre qu'il est indispensable d'avoir un discours clair et pédagogiques permettant d'être lisible sur le terrain.

Je pourrais citer d'autres exemples du manque de cohérence des décisions de l'administration : on a ainsi aujourd'hui une confusion et des différences d'interprétation sur le terrain quant à la différence entre zones humides et zones hydromorphes. De même, une directive européenne relative aux cours d'eau est interprétée de façon variable.

Je partage donc votre opinion : il est urgent de faire côtoyer les spécialistes des sciences dures et ceux des sciences humaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

J'ai été conquis par l'enthousiasme se dégageant de votre exposé. Je suis très intéressé par la question de la dialectique entre le volet scientifique et philosophique : comment lier les sciences dures et les sciences humaines ? C'est une question politique : l'intérêt général est en jeu. Sans un volet pédagogique, il y a en effet suspicion de la part de nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Roger Genet, directeur général du CEMAGREF et président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement

La recherche ne peut pas régler l'ensemble des problèmes de concertation locale : en matière environnementale, la société a en effet tendance à réagir de façon émotionnelle. Il ne me paraît par ailleurs pas possible de faire intervenir les scientifiques sur l'ensemble de ces questions : quand un scientifique bascule dans la certitude, il devient militant. Or la recherche environnementale n'est ni l'écologie militante ni le faux nez d'une agriculture productiviste.

Pour autant, il faut travailler en tant que scientifique sur la concertation : la recherche a en effet des choses à apporter en la matière. Elle peut augmenter le corpus de connaissances afin de rationaliser le débat.

Enfin, je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre à la question de Mme Jacqueline Panis. Je peux cependant lui indiquer qu'en Languedoc Roussillon, il apparaît que les terres agricoles les plus riches sont soumises à un risque d'artificialisation.