Intervention de François Carayon

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 14 juin 2006 : 1ère réunion
Audition de Mm. François Carayon sous-directeur et thierry pellé chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux de la 6e sous-direction de la direction du budget au ministère de l'économie des finances et de l'industrie

François Carayon :

a indiqué, à titre liminaire, que ses services se tiennent à l'entière disposition des parlementaires, puis il a exposé successivement l'origine, les grandes lignes et les principales données chiffrées sur les mécanismes de compensation.

Malgré l'esprit de l'ordonnance du 19 octobre 1945, qui reposait sur le principe d'unité de l'assurance vieillesse dans le cadre d'un système de retraite par répartition, le maintien de régimes distincts a finalement été admis dès les premières années d'après-guerre, avec la reconnaissance de la spécificité des régimes spéciaux puis des indépendants.

Le système français d'assurance vieillesse s'est construit progressivement sur une logique de solidarité, dans ses deux dimensions : solidarité entre générations et au sein des régimes, d'une part, solidarité à l'intérieur des régimes eux-mêmes, d'autre part.

Deux systèmes distincts de compensation se superposent aujourd'hui : la compensation généralisée, créée par la loi du 24 décembre 1974, puis la compensation spécifique, appelée généralement « surcompensation », qui a été instituée par la loi de finances pour 1986. Dans les deux cas, il s'agit de mécanismes de rééquilibrage financier entre régimes obligatoires visant à remédier aux inégalités démographiques et aux disparités de capacités contributives.

Ces dispositions trouvent leur origine commune à la fois dans la grande diversité des régimes existants et dans un choix de principe, effectué en 1945, en faveur d'un système de retraite par répartition, qui suppose un minimum de solidarité pour fonctionner. A titre d'illustration, les régimes des exploitants agricoles (606.000 cotisants pour 1,7 million de retraites de droits directs) et des mines (17.000 cotisants pour 217.000 retraites de droits directs, auxquels s'ajoutent 158.000 retraites de droits directs) ne pourraient exister sans bénéficier d'importants transferts financiers, en provenance des autres assurés sociaux.

La solidarité inter-régimes et interprofessionnelle repose sur des critères objectifs. On raisonne en effet sur la base d'un régime fictif unique couvrant l'ensemble de la population. Tous les bénéficiaires sont censés percevoir la même prestation, qualifiée de « prestation de référence ». Les contributions des cotisants sont appréciées par le biais d'un taux de cotisation déterminé de façon à équilibrer le régime. Dans ce cadre fictif, chacun des régimes prélève les cotisations du régime fictif et verse à ses bénéficiaires la prestation de référence. On dégage ainsi un solde de transfert de compensation qui permet d'identifier les différences de situation démographique et d'aboutir à une base de répartition équitable.

a rappelé que la compensation démographique repose sur un système à plusieurs étages entre groupes de régimes de plus en plus homogènes.

La compensation généralisée rassemble les régimes de base comptant un effectif d'actifs cotisants et de retraités de droits directs de soixante-cinq ans et plus, au moins égal à 20.000 personnes. Il est procédé à un calcul en deux temps, d'abord entre les régimes de salariés pour un montant estimé à 2,896 milliards d'euros en 2006, ensuite entre les régimes de salariés et les régimes de non-salariés, pour un montant qui devrait atteindre 5,524 milliards d'euros en 2006. Il a observé, s'agissant de la première étape de calcul, que trois régimes (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales [CNRACL], régime des fonctionnaires de l'Etat et régime général) assurent à eux seuls l'essentiel des flux au profit du régime des salariés agricoles (81 %) et du régime des mines (11 %). Il en va de même pour les transferts entre les salariés et les non-salariés qui sont financés par le régime général, le régime des fonctionnaires civils de l'Etat, la CNRACL et la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).

La compensation spécifique est calculée sur la base d'un périmètre sensiblement différent, dans la mesure où il ne concerne que les régimes spéciaux ayant un effectif supérieur à 5.000 retraités de droits directs, âgés de soixante ans et plus. Ce mécanisme de solidarité, nettement plus accentué que le précédent, est justifié par la plus grande homogénéité des régimes concernés. En 2006, la surcompensation devrait porter au total sur des flux financiers d'un montant de 2,065 milliards d'euros, assurés pour l'essentiel par deux régimes (CNRACL et régime des fonctionnaires de l'Etat) au profit notamment, et là encore, du régime des mines (42 %), de la SNCF et des marins.

a observé toutefois que ce mécanisme a été placé en extinction progressive, sur une période de huit ans, entre 2004 et 2012, conformément à la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Sur la réforme des critères de compensation intervenue à l'automne 2002, il a estimé que la prise en compte des prestations du fonds de solidarité vieillesse (FSV) a permis de s'approcher davantage de la réalité des charges et des ressources effectives des régimes. Il s'agissait d'actualiser le mécanisme conçu en 1974, en tirant les conséquences de la création du FSV, intervenue en 1993. Il a souligné que cette modification technique avait été proposée par le rapport de MM. Yves Ullmo et Louis-Paul Pelé de 2001 et évoquée dans le rapport du Conseil d'orientation des retraites (Cor) de décembre 2001.

Après avoir rappelé qu'il s'exprime devant les parlementaires en sa qualité de fonctionnaire de l'Etat et qu'il n'est évidemment pas en mesure de porter une quelconque appréciation ayant une portée politique, M. François Carayon a estimé, d'un point de vue technique, qu'il convient de tirer des enseignements du rapport Pelé - Normand de 2004, en examinant trois pistes de réflexions mises en avant par ce document :

- en premier lieu, la prise en compte des durées moyennes de cotisation pour le décompte des effectifs de retraités de chaque régime afin d'éviter, comme aujourd'hui, tout à la fois la prise en compte des doubles comptes et l'absence de proportionnalité avec la durée réelle de cotisation ;

- en second lieu, l'intégration dans l'effectif des cotisants des bénéficiaires de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), dont les cotisations sont prises en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), pour se rapprocher des capacités contributives effectives des régimes ;

- enfin, la consolidation du régime des salariés agricoles avec le régime général pour le calcul des transferts de compensation.

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