Intervention de Bruno Gilles

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 octobre 2007 : 1ère réunion
Orientation et insertion professionnelles — Audition de Mme Christel Gilles chargée de mission au département travail emploi formation du centre d'analyse stratégique

Photo de Bruno GillesBruno Gilles :

a alors présenté les principales conclusions d'une étude du Centre d'analyse stratégique, intitulée « Réduire la segmentation professionnelle selon le genre et accroître les taux d'emploi féminin : à court terme, est-ce compatible ? », qui s'intègre dans les travaux du Centre d'analyse stratégique de comparaisons européennes, de prospective des métiers et des qualifications et enfin de réflexions menées en amont de la conférence du 26 novembre 2007 sur l'égalité professionnelle. A cet égard, elle a souligné l'importance croissante de la question de la mixité en prenant l'exemple des secteurs créateurs d'emplois qui sont excessivement féminisés, comme les services à la personne.

Elle a introduit son exposé par un quadruple constat : tout d'abord, la stabilité des écarts salariaux entre femmes et hommes dans les pays de l'Union européenne depuis 2000, ensuite, une certaine inertie dans le temps de la segmentation professionnelle selon le genre, puis la hausse des taux d'emploi féminin et la réduction des écarts entre femmes et hommes des taux d'emploi et enfin le lien positif entre le taux d'emploi féminin et la segmentation du marché du travail en Europe.

s'est demandé dans quelle mesure ces évolutions traduisaient un conflit d'objectifs entre augmentation des taux d'emploi féminins et progrès dans l'égalité professionnelle à travers la réduction de la segmentation des emplois.

Puis elle a dressé, sur la base de tableaux statistiques, un bilan de la segmentation des emplois selon le genre en Europe. A ce titre, elle a souligné la très forte concentration de l'emploi féminin dans le secteur des services, qui représente 84 % de l'emploi des femmes, contre 58 % pour celui des hommes, précisant que le secteur public était, par ailleurs, le premier employeur des femmes et regroupait 46 % d'entre elles, contre 20 % de l'emploi masculin. A l'opposé, les activités industrielles sont globalement masculines, 37 % des hommes y étant employés, contre seulement 13 % des femmes.

Elle a ensuite démontré que les femmes sont, plus que les hommes, concentrées dans quelques secteurs d'activité. Ainsi, sur 62 secteurs, les six premiers concentrent 60 % de l'emploi féminin dans l'Union européenne, contre 42 % de l'emploi masculin. Les femmes sont surreprésentées dans certains domaines, comme la santé et l'action sociale (80 %) ou l'éducation et les services à la personne (70 %), tandis qu'elles sont sous-représentées dans la construction (10 %) ou la métallurgie (10 %).

Occupées dans un nombre restreint de secteurs d'activité, les femmes, a précisé Mme Christel Gilles, ont par ailleurs des professions moins diverses que les hommes. Sur les 130 catégories professionnelles recensées dans la nomenclature internationale du Bureau international du travail (BIT), les trois premières professions regroupaient en 2005 près du quart des femmes : il s'agit des métiers de vendeuses (8 % d'entre elles), d'aides de ménages (7,6 %) et des membres du personnel soignant (6,6 %). Elle a observé que chez les hommes, cette proportion n'est que d'un peu plus de 15 % en citant les conducteurs de véhicules (5,2 % d'entre eux), les ouvriers du bâtiment (4,7 %) et, enfin, les dirigeants et les gérants de petites entreprises (4,4 %).

Elle a noté, en outre, que ces femmes occupaient des professions moins qualifiées que les hommes : 50 % de l'emploi féminin se rattachait à un travail « hautement qualifié ou qualifié », contre 77 % des métiers des hommes et, en outre, les femmes ne représentaient que 32 % des cadres.

Puis, afin de nuancer ces proportions moyennes, Mme Christel Gilles a décrit, en matière de segmentation du marché du travail selon le genre, la grande variété de situations qui se manifeste dans quinze pays de l'Union européenne, en faisant ressortir que, selon les statistiques, il faudrait réallouer un quart de l'emploi en France pour opérer un rééquilibrage satisfaisant entre femmes et hommes. Elle a également observé que les pays nordiques sont les plus « ségrégués » alors qu'ils affichent les taux d'emploi féminin les plus élevés, à l'inverse des pays méditerranéens. Puis elle a constaté que la segmentation professionnelle selon le genre avait peu évolué entre 2000 et 2005, malgré l'augmentation concomitante des taux d'emploi féminin dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Puis, constatant que la segmentation professionnelle et sectorielle selon le genre et l'emploi des femmes allaient de pair, elle a évoqué les deux raisons généralement avancées pour expliquer ce phénomène : en premier lieu, le développement des activités et métiers de services - non-marchands, en particulier dans les pays nordiques - favorisait l'emploi des femmes ; en outre, l'augmentation de l'emploi à temps partiel des femmes serait, dans certaines conditions, un facteur discriminant des professions et des secteurs occupés par les femmes. A cet égard, elle a souligné que l'augmentation de l'emploi à temps partiel avait contribué de manière importante à celle de l'emploi total des femmes, notamment en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Elle a noté que, dans l'ensemble de l'Union européenne à Quinze, une femme sur trois travaillait à temps partiel contre un homme sur dix, avec de fortes disparités selon les pays. Elle a d'ailleurs relevé que l'emploi à temps partiel était plus polarisé dans certains secteurs d'activité que celui à temps plein : ainsi, en France 71,5 % de l'emploi à temps partiel se concentrait, en 2005, dans six secteurs d'activité, contre 61,7 % de l'emploi total.

a précisé que l'emploi à temps partiel, lorsqu'il était possible et « choisi », apparaissait comme un élément clé de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, reposant principalement sur les femmes, et a désigné les congés familiaux, les modes de garde et la fiscalité comme les principaux facteurs sur lesquels se fondait l'arbitrage des familles entre l'emploi à temps plein, à temps partiel ou l'inactivité professionnelle ainsi que le choix des secteurs d'activité ou des métiers.

Puis elle a montré que l'organisation de l'emploi au sein des couples variait selon les pays : le modèle conjuguant deux emplois à temps plein (qui représente 45 % des cas, en moyenne européenne) est prépondérant au Portugal (67 %), en Finlande (63 %) et en France (52 %) ; le schéma où l'homme est seul à occuper un emploi prédomine en Italie (45 %), en Grèce (44 %) et en Espagne (43 %), où l'emploi des femmes et les taux de fécondité sont faibles ; enfin le modèle de travail à temps plein pour l'homme et partiel pour la femme (19 % en moyenne) est le plus répandu aux Pays-Bas (44 %), au Royaume-Uni (30 %), en Allemagne (28 %) et en Belgique (24 %) et témoigne notamment de l'insuffisance des dispositifs de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, comme les modes de garde des enfants.

En conclusion, Mme Christel Gilles a estimé que la segmentation professionnelle résultait en partie « d'arbitrages » en matière d'emploi effectués au sein du ménage et des « choix » opérés par les femmes en faveur d'emplois dans des secteurs et métiers compatibles avec leurs responsabilités familiales ; elle a ensuite jugé qu'une réduction de la segmentation professionnelle contribuerait, en théorie, à diminuer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et à améliorer l'efficacité du marché du travail, tout en reconnaissant que le premier facteur d'inégalité entre les hommes et les femmes demeurait l'accès à l'emploi.

Elle a considéré que, pour résoudre le conflit d'objectifs précédemment évoqué, il fallait donc développer les instruments de conciliation (modes de garde, congés familiaux, fiscalité) et les politiques éducatives visant à élargir le choix des filières, rendre beaucoup plus neutre l'emploi à temps partiel par rapport à l'emploi à temps plein en matière de professions occupées, de salaires, de perspectives de carrière et d'accès à la formation, et, enfin, accroître la mixité dans les métiers peu qualifiés, où elle est la plus forte, notamment dans les métiers des services à la personne où les besoins de main-d'oeuvre sont importants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion