Intervention de Dominique Leclerc

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 octobre 2009 : 1ère réunion
Financement des régimes d'assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale — Examen des amendements - adoption du texte de la commission

Photo de Dominique LeclercDominique Leclerc, rapporteur :

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé, sur le rapport de M. Dominique Leclerc, à l'examen des amendements et à l'élaboration du texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 598 rectifié bis (2008-2009), présentée par M. Claude Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, portant diverses dispositions relatives au financement des régimes d'assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale.

a rappelé que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) est l'un des principaux régimes spéciaux de la sécurité sociale. En 2008, elle assurait, grâce aux cotisations versées par un peu plus de deux millions d'actifs cotisants, le paiement des retraites de 900 000 pensionnés, soit 480 000 relevant de la fonction publique territoriale et 420 000 de la fonction publique hospitalière. La proposition de loi vise à préserver l'équilibre financier de la CNRACL, à l'heure où celle-ci est confrontée à deux évolutions qui affectent sensiblement et durablement ses comptes :

- d'une part, les mutations démographiques qui affectent, comme l'ensemble des régimes de retraite, le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Le vieillissement de la population provoque une dégradation continue de son ratio cotisants/pensionnés, ce qui entraîne une progression plus rapide des charges de prestations (8 % en 2008) que des produits de cotisations (5 % en 2008) ;

- d'autre part, les transferts de personnels consécutifs à la décentralisation qui se sont traduits par une intégration massive d'agents de l'Etat dans la fonction publique territoriale. Il en résulte un afflux de nouveaux affiliés à la CNRACL qui sont les cotisants d'aujourd'hui, mais aussi les pensionnés de demain.

Les projections financières sont donc particulièrement inquiétantes : le solde de la caisse resterait positif jusque vers 2018-2019, mais ne cesserait de se dégrader sur la période 2020-2050. Le déficit atteindrait ainsi 1,1 milliard d'euros en 2020 et 11,3 milliards d'euros en 2050. Encore s'agit-il d'un minimum car ces prévisions, élaborées par le conseil d'orientation des retraites (Cor) en 2007, reposent sur des hypothèses de taux de chômage (4,5 %) et de progression de la productivité du travail (1,8 % par an) démenties par la crise économique et qu'il faut réévaluer.

Fortement menacé à moyen et long terme, l'équilibre des comptes de la CNRACL l'est aussi à brève échéance par l'incidence financière de certains dispositifs : la surcompensation entre régimes spéciaux et les exonérations de cotisations patronales pour les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS). Dans ce contexte, cette proposition de loi poursuit deux objectifs : neutraliser les effets financiers de ces mesures et régler la question de la compensation financière des transferts de personnels.

a ensuite présenté les mesures proposées par le texte. L'article 1er précise le calendrier de la baisse progressive du taux de recouvrement de la surcompensation jusqu'à sa disparition prévue en 2012. Instaurée en 1985, la compensation spécifique (ou surcompensation) organise des transferts financiers entre régimes spéciaux afin de réduire les conséquences des déséquilibres démographiques qui leur sont propres. L'intention était louable mais le mécanisme a engendré des effets pervers, en particulier pour la CNRACL qui est le régime de salariés qui contribue le plus à la surcompensation en raison de son ratio démographique favorable. Les transferts au titre de la surcompensation devenant trop importants, le législateur a décidé, lors de la réforme des retraites de 2003, d'abaisser chaque année son taux pour y mettre définitivement fin en 2012. Or, après avoir été ramené progressivement de 27 % en 2003 à 12 % en 2008, ce taux n'a plus varié depuis lors. Pour relancer le mouvement à la baisse, il est ici proposé, pour 2010 et 2011, de le réduire d'au moins cinq points.

L'article 2 concerne les agents de l'Etat détachés auprès des collectivités territoriales, dans le cadre des transferts de compétences prévus par la deuxième vague de décentralisation. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a en effet prévu que les fonctionnaires de l'Etat concernés par ces transferts peuvent :

- soit intégrer la fonction publique territoriale. Dans ce cas, la collectivité accueillante verse une contribution employeur pour la constitution des droits à pension de l'intéressé, dont le taux est actuellement de 27,30 % ;

- soit rester dans la fonction publique d'Etat et être placés en position de détachement. Dans ce cas, la collectivité d'accueil est tenue de verser une contribution à l'Etat au titre des droits à pension de l'agent, dont le taux est de 60,14 % en 2009.

Partant du principe que les collectivités n'ont pas choisi d'accueillir les agents détachés, l'article entend aligner la contribution employeur sur celle versée pour les agents intégrant la fonction publique territoriale.

L'article 3 porte sur le dispositif, créé en 1999, d'exonération des cotisations patronales d'assurance vieillesse sur les rémunérations des aidants à domicile, agents titulaires du cadre d'emplois des agents sociaux, employés par les CCAS et CIAS. Une décision de la Cour de cassation de 2007 a étendu le bénéfice de cette exonération à tous les agents titulaires des CCAS et des CIAS qui, quel que soit leur cadre d'emplois, ont pour activité principale l'aide à domicile. Face à ce manque à gagner croissant pour la CNRACL, cet article propose de rétablir le champ d'application initial de l'exonération. Le souci est d'ailleurs partagé par le Gouvernement, puisque la même mesure figure à l'article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. L'article 3 propose, en outre, de créer une compensation intégrale de cette exonération versée directement par l'Etat à la CNRACL, au motif que toute exonération doit être compensée.

L'article 4 a pour objet de neutraliser l'impact financier, tant pour la CNRACL que pour l'Etat, des transferts de personnels opérés dans le cadre de la décentralisation. Véritable point d'achoppement entre l'Etat et les collectivités territoriales, la question de la compensation financière des transferts est l'objet d'analyses divergentes :

- d'un côté, la CNRACL considère que ces transferts représentent un coût supplémentaire pour le régime ; la caisse va, en effet, devoir verser des pensions pour lesquelles elle n'a pas reçu les cotisations correspondant à l'ensemble des années prises en compte dans le calcul ;

- de l'autre, l'Etat estime que la CNRACL est gagnante dans cette opération, puisque les deux tiers des agents transférés choisissent d'intégrer la fonction publique territoriale et donc de s'affilier à la caisse.

Compte tenu de la difficulté à rapprocher ces deux positions, un modus vivendi a été trouvé. Il n'est désormais plus question de compenser les effets financiers des transferts, mais de les neutraliser :

- la CNRACL reversera chaque année au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » les cotisations perçues pour les fonctionnaires ayant intégré la fonction publique territoriale ;

- le CAS « Pensions » remboursera à la CNRACL les pensions versées par celle-ci aux nouveaux fonctionnaires territoriaux.

Autrement dit, les personnels transférés resteront à la charge de l'Etat, la CNRACL ayant un simple rôle de gestionnaire (encaissement des cotisations, versement des prestations). Cette solution de compromis est d'ores et déjà inscrite dans l'article 27 du projet de loi de finances pour 2010.

Enfin, l'article 5 prévoit de gager, de façon assez traditionnelle, les pertes de recettes éventuelles résultant des dispositions de la proposition de loi par la création de taxes additionnelles aux droits sur les tabacs.

Afin de prendre la mesure de l'économie générale de la proposition de loi, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a indiqué avoir procédé à l'audition du directeur général et du président de la CNRACL, ainsi qu'à celle de la direction du budget. Ces auditions lui ont permis de se faire une idée plus précise de la situation financière actuelle de la CNRACL et de ses perspectives d'évolution, et d'en retenir, pour l'essentiel, quatre conclusions :

- l'équilibre financier actuel de la caisse est effectivement très précaire. L'effet d'aubaine que constitue, pour la CNRACL, l'arrivée de nouveaux cotisants venant de la fonction publique d'Etat ne doit pas faire oublier que ceux-ci sont ses futurs pensionnés ;

- il est indispensable de poursuivre la diminution du taux de recouvrement de la surcompensation, afin que le dispositif puisse prendre fin en 2012, conformément à ce que prévoit la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

- il y a urgence à rétablir le champ d'application initial de l'exonération de la cotisation patronale d'assurance vieillesse dont bénéficient les CCAS et les CIAS pour éviter qu'elle ne pèse trop sur les comptes de la caisse ;

- il est nécessaire de mettre fin aux incessantes querelles de chiffres sur le montant de la compensation des transferts de personnels entre l'Etat et les collectivités, en instaurant un dispositif de neutralisation de leurs effets financiers.

La présente proposition de loi répond donc à un certain nombre de préoccupations justifiées et qu'il partage. Cependant, elle n'a pas reçu son assentiment sur trois points :

- tout d'abord, l'article 1er, relatif à la diminution du taux de recouvrement de la surcompensation, relève plus du domaine réglementaire que du domaine législatif ;

- ensuite, les collectivités territoriales n'ont pas intérêt à revenir sur les modalités de compensation des agents détachés comme le prévoit l'article 2, au risque de réactiver la polémique sur la question de la compensation des transferts à laquelle l'article 4 tente justement de mettre fin ;

- enfin, à l'article 3, l'instauration d'une compensation intégrale de l'exonération de cotisation patronale au bénéfice des CCAS et des CIAS lui a paru peu opportune dans le contexte actuel des finances publiques. Elle représenterait, en effet, une charge supplémentaire pour l'Etat, déjà sous forte contrainte financière.

Ceci étant, selon un accord conclu entre les présidents de groupe et de commission du Sénat, il est désormais prévu que le texte débattu en séance publique soit celui de la proposition de loi initiale, si tel est le souhait de son auteur. C'est pourquoi, conformément aux engagements pris vis-à-vis de Claude Domeizel, premier signataire de la proposition de loi et président de la CNRACL, M. Dominique Leclerc, rapporteur, n'a pas présenté d'amendements et a proposé, au stade de la commission, d'adopter la proposition de loi en l'état afin de laisser le débat s'instaurer en séance publique sur le texte dans sa version initiale.

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