Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 octobre 2009 : 1ère réunion
Recherches sur la personne — Examen des amendements - adoption du texte de la commission

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange, rapporteur :

a rappelé que cette proposition de loi, déposée le 6 janvier 2009, a été adoptée par l'Assemblée nationale le 22 janvier suivant. Le retard pris pour son examen par le Sénat résulte de l'adoption du texte portant réforme de l'hôpital au cours du deuxième trimestre mais ce délai lui a permis de procéder à une quinzaine d'auditions et d'effectuer une visite de terrain à Marseille.

La proposition de loi tend à faire évoluer le cadre légal des recherches médicales appliquées sur l'homme. La recherche appliquée peut être menée selon deux modalités distinctes : la recherche clinique, qui permet d'expérimenter de nouveaux traitements, et la recherche dite observationnelle ou non interventionnelle, c'est-à-dire notamment l'épidémiologie. Dans les deux cas, c'est l'homme qui est utilisé pour vérifier les hypothèses et pour faire progresser les connaissances, ce qui impose de contrôler ces recherches d'un point de vue éthique afin de protéger la dignité de la personne.

Actuellement, deux textes régissent les recherches sur la personne : la loi « informatique et liberté » de 1978 et, pour les recherches biomédicales sur l'être humain, la loi du 20 décembre 1988, dite « Huriet-Sérusclat ». Ils ont institué un régime de contrôle et d'autorisation dont la mise en oeuvre est confiée à différentes institutions :

- d'une part, pour le traitement des données, la commission nationale informatique et libertés (Cnil) et son comité préparatoire, le comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS) ;

- d'autre part, pour ce qui concerne la protection de l'intégrité physique des personnes et la garantie de l'éthique de la recherche, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et les comités de protection des personnes (CPP).

Composés de sept représentants de la société civile et de sept scientifiques, ces comités sont obligatoirement consultés avant qu'un projet de recherche clinique soit autorisé ; leur avis peut également être sollicité sur un projet de recherche non interventionnelle. Outre la protection de l'intégrité physique des personnes, ils veillent à s'assurer du consentement des individus qui participent à ces recherches. L'intervention de ces comités est indispensable au regard du droit communautaire mais aussi pour favoriser la publication des travaux des chercheurs dans les revues médicales de renommée internationale, qui n'acceptent que des articles validés par un comité d'éthique.

La proposition de loi renforce encore la place dévolue à ces comités en unifiant, sous leur égide, le contrôle de l'éthique des protocoles de recherche sur la personne, ce qui présente un triple avantage :

- d'abord, les comités seraient désormais obligatoirement saisis de tous les projets de recherche sur les personnes, qu'ils aient un caractère clinique ou non interventionnel ;

- ensuite, cette unification devrait favoriser une homogénéisation des appréciations portées en matière d'éthique de la recherche ;

- enfin, les CPP auraient le pouvoir de requalifier les projets de recherche qui leur sont soumis afin de leur appliquer le régime juridique adéquat.

Ce dernier point est important car il permettra d'éviter que des chercheurs qualifient d'observationnelle une recherche qui présente en réalité un caractère clinique, dans le seul but d'appliquer des règles juridiquement moins contraignantes en matière de consentement des personnes.

La réforme du contrôle des recherches sur la personne figure dans l'article premier de la proposition de loi. Son article 4 dote les CPP de la personnalité morale de droit public et prévoit la possibilité de mettre fin à l'existence de ceux dont l'activité est insuffisante. Les articles 2 et 3 définissent le régime des recherches à finalité non commerciale, nouvelle notion issue du droit communautaire, et simplifient la procédure de déclaration de collections biologiques. Enfin, l'article 5 subordonne l'entrée en vigueur du texte à celle de ses décrets d'application.

a estimé que plusieurs problèmes demeurent néanmoins. En premier lieu, la proposition de loi remplace la notion de « recherches visant à évaluer les soins courants » par celle de « recherches interventionnelles ne comportant que des risques et des contraintes négligeables », qui seraient soumises à des règles de consentement simplifiées. Cependant, cette nouvelle catégorie ne s'appliquerait pas aux recherches sur le médicament, qui sont régies par des règles de droit communautaire plus rigoureuses. Cette exclusion met en évidence le caractère arbitraire de cette notion de « risque négligeable », qui n'est définie dans aucun texte. De plus, les personnes participant à des « recherches à risques et contraintes négligeables » devraient désormais fournir un consentement libre et éclairé, sans autre précision, alors que les CPP exigent actuellement un consentement écrit pour la quasi-totalité des recherches interventionnelles. Il ne paraît pas opportun de revenir sur cet état de fait.

En second lieu, les CPP sont confrontés à deux difficultés essentielles : l'écart important entre le nombre de dossiers traités par les différents comités et l'absence d'harmonisation de leurs décisions.

Enfin, le contrôle de l'utilisation des données personnelles constitue un problème délicat. Or, la proposition de loi néglige la réforme de la procédure devant le CCTIRS, pourtant souhaitée par tous les acteurs de la recherche, voire alourdit la procédure en vigueur en obligeant les chercheurs à passer obligatoirement devant un CPP avant de soumettre leur protocole de recherche au CCTIRS.

En conclusion, elle a indiqué qu'elle proposera à la commission onze amendements, visant notamment à clarifier la notion de recherche interventionnelle présentant des risques et des contraintes négligeables, à exiger un consentement écrit pour la participation à toute recherche interventionnelle et à prévoir la création d'une instance indépendante chargée de coordonner l'action des CPP.

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