Intervention de Patrick Sayer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 février 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Patrick Sayer président de l'association française des investisseurs en capital afic

Patrick Sayer, président de l'Association française des investisseurs en capital :

a remercié la commission de lui donner ainsi l'occasion d'ouvrir le débat et de faire oeuvre de pédagogie sur une profession et un métier souvent décriés du fait, a-t-il estimé, d'une certaine incompréhension.

Il a rappelé que l'AFIC était une structure indépendante créée en 1984, regroupant l'ensemble des structures de « capital-investissement » installées en France. Il a noté qu'elle avait vocation à promouvoir le capital-investissement auprès des investisseurs institutionnels, des entrepreneurs et des pouvoirs publics. Il a souligné qu'elle se devait d'accompagner les entreprises depuis leur création jusqu'à leur transmission, par le travail de ses membres, qu'ils soient actifs ou associés, parmi lesquels des avocats, experts comptables, auditeurs, etc. Il a également indiqué qu'aux trois segments de métier exposés par M. Jean Arthuis, président, on pouvait ajouter les spécialistes du « capital-retournement », professionnels peu nombreux, mais dont l'écho médiatique était fort.

Il a précisé que le capital-investissement devait être clairement distingué des fonds de pension, dont le rôle était le financement des retraites, et incidemment le maintien d'un niveau de capitalisation important dans un pays. Il a noté que les fonds de pension n'existaient pas réellement en France, l'assurance-vie étant « leur parent le plus proche ».

Il a observé que les fonds de gestion alternative, appelés « hedge funds » (soit littéralement des « fonds de couverture »), généralement anglo-saxons, répondaient à des logiques différentes de celles du capital-investissement. En effet, leurs prises de participation dans des entreprises cotées ou leurs opérations sur des marchés de matières premières ou d'énergie obéissaient à un objectif de maximisation du profit à très court terme, les rémunérations de la performance étant fréquemment versées au mois le mois ou sur trois mois. Il a rappelé qu'à l'inverse, les adhérents de l'AFIC n'attendaient de retour sur investissement qu'à moyen terme, soit sur trois à sept ans.

a ajouté que les principales banques d'affaires françaises et internationales, récemment interrogées, estimaient que l'intervention des fonds d'investissement dans les opérations de fusion et d'acquisition de sociétés représenterait 40 % des sommes engagées d'ici à cinq ans, contre moins de 20 % actuellement.

Il a indiqué que 4.852 entreprises, dont 75 % comptaient moins de 250 collaborateurs, étaient soutenues par le capital-investissement en France en 2005. Il a souligné le rôle essentiel du capital-investissement auprès des petites et moyennes entreprises (PME), rappelant que, seules, 60 entreprises bénéficiant de financements dans le cadre du capital-investissement employaient plus de 5.000 personnes.

Il a précisé que le poids économique du capital-investissement représentait, d'une part, 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France en 2005, soit une croissance de 7 à 8 % entre 2004 et 2005 à périmètre constant et, d'autre part, 327 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisé dans le monde, soit une progression de 8 % sur la même période.

Il a noté que le capital-investissement représentait 1,5 million d'emplois de collaborateurs en France, soit l'équivalent des effectifs français des sociétés du CAC 40 et environ 10 % des effectifs du secteur privé. Il a constaté que ces effectifs avaient crû de 4 % entre 2004 et 2005, ce qui correspondait à une augmentation de 60.000 emplois. Il a reconnu qu'il ne s'agissait pas de créations nettes du fait des mouvements de cession et d'acquisition de filiales notamment, et qu'une étude plus fine de l'impact social du capital-investissement était en cours.

a annoncé que 1.250 nouvelles entreprises avaient bénéficié du financement de fonds d'investissement entre 2004 et 2005. Il a remarqué que le capital-investissement avait levé 12 milliards d'euros en 2005 en France, dont 8,1 milliards d'euros avaient permis de financer ces entreprises, en création, développement et transmission. Il a précisé la décomposition de l'activité du capital-investissement en 2005 : 78 % des montants investis, soit 6,3 milliards d'euros, avaient été attribués au capital-transmission, 12 % des montants investis, soit 954 millions d'euros, avaient concerné le capital-développement et 6 % des montants investis, soit 481 millions d'euros, avaient bénéficié au capital-risque. Le solde relevait d'activités plus marginales.

Il a observé que les 6,3 milliards d'euros investis dans le capital-transmission s'étaient répartis ainsi : 3 milliards d'euros en faveur de quatre grandes entreprises et 3,3 milliards d'euros au profit de 315 PME, soit un « ticket d'entrée » d'environ 10 millions d'euros par société. Il a constaté que, dans tous les cas de financement par LBO, les dirigeants avaient été associés au montage pour devenir actionnaires, dans 61 % des cas pour les cadres, et dans 20 % des cas pour les salariés. Il a estimé que ce phénomène prenait de l'ampleur, dans la mesure où les deux formes de capitalisme traditionnel, à savoir le capitalisme familial et celui des grands groupes industriels, à savoir le capitalisme d'Etat, trouvaient désormais leurs limites.

a ainsi relevé que le capitalisme familial, qui apportait certes des garanties de pérennité et de stabilité du capital des entreprises concernées, ne permettait pas de faire face à l'internationalisation des marchés et à l'européanisation des entreprises, et donc de leur faire franchir les paliers de croissance correspondants. S'agissant du capitalisme des grands groupes cotés, il a noté qu'il subissait une pression de court terme, liée à l'exigence de publication des comptes trimestriels, ainsi que le poids des agences de notation, ce qui conduisait fréquemment ces sociétés à se recentrer sur quelques métiers en fonction de leur compétitivité internationale. Il a constaté que, dans cette perspective, les grands groupes revendaient des pans entiers de leur activité qui pouvaient être, soit facilement rachetés et consolidés par des sociétés étrangères, soit soutenus par un apport en capital des fonds d'investissement.

Il a affirmé que le capital-investissement, et plus particulièrement les montages LBO, ne visaient pas à la restructuration systématique ni au démantèlement progressif des entreprises qu'ils finançaient, mais à la planification des investissements utiles à leur développement et à la création de valeur grâce à la mise en place de plans de croissance des ventes sur un horizon de trois à cinq ans. Il a rappelé que les fonds d'investissement soutenaient les entreprises en injectant les fonds nécessaires à leur développement en sus des sommes correspondant à l'acquisition des titres de capital.

Il a reconnu que les dirigeants de ces entreprises, trop souvent enclins, selon lui, à penser que les financements étaient abondants, étaient toutefois mis sous contrainte financière afin d'accroître leur vigilance sur le paiement des créances des clients, la gestion des stocks et la suppression des investissements non productifs. Il a ajouté que cela leur permettait de mieux apprécier le rendement individuel de chaque nouvel investissement, conformément aux intérêts propres des fonds de LBO. Il a remarqué que l'essentiel des opérations de capital-transmission s'accompagnait d'une augmentation des effectifs des entreprises rachetées, contrairement aux idées reçues.

a considéré que le risque de voir les fonds d'investissement déclencher des OPA sur de grandes sociétés cotées était en réalité moins important que celui du rachat de leaders français par de grands groupes étrangers, ainsi que l'illustraient certains exemples récents. Il a estimé que, dans de nombreux cas dans l'actualité récente, la mise en place d'une opération de LBO aurait permis de maintenir ces entreprises sous capitaux français, tout en augmentant le niveau d'investissement.

Evoquant le système des « noyaux durs » mis en place durant les privatisations des deux précédentes décennies, il a rappelé que, s'il était sain pour les grandes entreprises d'être sous la pression de leurs actionnaires, il était sans doute bénéfique qu'elles puissent disposer du soutien d'un actionnaire professionnel, tel qu'un fonds d'investissement, détenant une fraction, même minoritaire du capital, mais susceptible d'apporter une forme d' « insolence » et de s'engager dans une stratégie de moyen ou de long terme. La présence d'un tel actionnaire professionnel était, selon lui, préférable à un retour au principe des « noyaux durs ».

Cet exposé a été suivi d'un large débat.

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