Intervention de Jean-Louis Falconi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 juin 2010 : 2ème réunion
Politique de sécurité et de défense commune — Audition de M. Jean-Louis Falconi représentant de la france auprès du comité politique et de sécurité de l'union européenne

Jean-Louis Falconi, Ambassadeur, représentant permanent de la France au Comité politique et de sécurité de l'Union européenne :

Tout en voulant porter un regard objectif et lucide sur le contexte général actuel de transition qui n'est guère propice à des avancées conceptuelles immédiates sur la PSDC, je me suis néanmoins efforcé de souligner dans mon intervention les signaux positifs que constituent à mes yeux des éléments tels que le récent déplacement en Afrique de la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ses propositions concernant le rôle de l'Union européenne au Proche Orient ou encore le prolongement de deux ans de l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie maritime. Je ne voudrais donc pas vous laisser le sentiment que la PSDC n'avance pas. Surtout, je peux vous assurer que la France est toujours animée de la même ambition de progresser en matière d'Europe de la défense. Et qu'elle est appuyée par d'autres Etats membres, y compris parmi les nouveaux pays membres, qui se montrent aujourd'hui désireux d'avancer sur ces questions et de contribuer à des opérations.

J'en viens maintenant à vos trois questions.

La création d'un Conseil des ministres de la défense, qui est soutenue par la France, est en bonne voie. Il faut rappeler que, jusqu'à présent, il n'existait pas de formation du Conseil des ministres spécifiquement consacrée aux questions de défense et que les ministres de la défense des Etats membres ne pouvaient se réunir qu'en présence des ministres des affaires étrangères dans le contexte du conseil «relations extérieures». Cette solution n'est à l'évidence pas satisfaisante et ne traduit pas le degré de maturité atteint par la PSDC depuis 10 ans. Même si le traité de Lisbonne ne prévoit pas la création de ce Conseil, il a donc été proposé de créer une formation particulière du Conseil des affaires étrangères consacrée à la Défense, qui serait présidée par le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au sein de laquelle siègeraient les ministres de la défense des vingt-sept Etats membres et qui traiterait des questions relevant de leurs attributions.

Deux questions ont alors été soulevées :

- Les ministres de la défense auront-ils la capacité de prendre seuls des décisions ?

- Le Conseil « Défense » pourra-t-il se réunir un autre jour que le Conseil «Affaires étrangères» ?

Pour la France, la réponse est clairement positive sur ces deux points. Compte tenu du nombre de sujets que les ministres des affaires étrangères ont déjà à traiter, les ministres de la défense doivent pouvoir se réunir séparément des ministres des Affaires étrangères et ils doivent avoir un pouvoir de décision propre sur les questions qui relèvent de leurs attributions. Je crois que la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité partage cette idée.

Il reste toutefois deux difficultés. D'une part, plusieurs Etats membres craignent un risque de divergence entre les décisions du Conseil «Affaires étrangères» et celles du Conseil «Défense».

Sur ce point, la présidence unique de la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité devrait permettre d'assurer une cohérence entre les deux formations.

D'autre part, il faut tenir compte de la position particulière de certains pays au regard de la défense. Je pense notamment à l'Irlande, dont la neutralité avait été au centre de la campagne lors de la ratification du traité de Lisbonne et qui a obtenu de fortes garanties sur ce point.

Pour autant, je suis assez optimiste sur la création d'un Conseil «Défense», qui sera le signe d'une certaine maturité de la PSDC.

Concernant la mise en place d'un centre permanent de planification et de conduite des opérations, ce sujet fait toujours l'objet d'un blocage de la part du Royaume-Uni, qui ne devrait pas être levé avec le nouveau gouvernement britannique. Mme Catherine Ashton a tenu à cet égard des propos assez malheureux dans sa première intervention devant le Parlement européen, qu'elle a ensuite corrigés.

Pour autant, les choses évoluent. Ainsi, à l'occasion des «retours d'expérience» des différentes opérations menées par l'Union européenne, que la France s'efforce d'ailleurs d'encourager, de plus en plus de responsables militaires de tous Etats membres reconnaissent les avantages que représenterait un quartier général d'opérations unique à Bruxelles, qui éviterait d'avoir à recréer une structure pour chaque opération.

Par ailleurs, on constate une certaine convergence sur cette idée au sein du triangle de Weimar, entre les ministres de la défense français, allemand et polonais. La création d'un quartier général figure d'ailleurs dans l'accord de coalition du gouvernement allemand.

Enfin, en ce qui concerne les rapports entre l'OTAN et l'Union européenne, les différentes déclarations auxquelles vous avez fait allusion relèvent davantage, à mon sens, de postures politiques, afin de donner des assurances à tel ou tel, que d'une réelle démarche de propositions.

Plus fondamentalement, je crois qu'il serait illusoire d'espérer un accord cadre de principe sur les relations entre l'Union européenne et l'OTAN tant que la question chypriote n'aura pas été réglée.

On peut certes noter des progrès, comme les travaux menés conjointement par l'Agence européenne de défense et le commandement de l'OTAN sur la transformation, en matière de lutte contre les engins explosifs improvisés, notamment au regard de l'expérience en Afghanistan, ou de soutien médical. Les contacts « staff to staff » se développent, c'est-à-dire la possibilité pour les officiers ou les responsables, à l'image du Secrétaire général de l'OTAN et de la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, de nouer des rapports directs entre eux, sans passer par les représentants des Etats membres, afin de ne pas risquer de «politiser» ces relations. C'est une proposition de la présidence française de l'Union européenne qui est ainsi mise en oeuvre.

Toutefois, il faut bien reconnaître que sans un accord cadre, les relations entre l'Union européenne et l'OTAN ne peuvent être que limitées.

Or, sur les théâtres d'opérations sur lesquels les deux organisations sont engagées, que ce soit en Afghanistan ou au Kosovo, l'absence d'accord-cadre entre les deux organisations nuit à l'efficacité de l'action de nos soldats.

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