Intervention de Laurent Collet-Billon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 novembre 2008 : 1ère réunion
Pjlf pour 2009 — Mission défense - programme equipement des forces - Audition de M. Laurent Collet-billon délégué général pour l'armement

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

En introduction, M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, a indiqué que l'année 2008 marquait de nombreux changements pour la défense avec la publication du Livre blanc, le lancement d'une importante phase de réforme des politiques publiques et l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire (LPM). L'impact de ces travaux pour l'équipement des forces et pour la délégation générale pour l'armement (DGA) est déterminant en matière de gouvernance des programmes, d'orientation de la recherche, des programmes et de la politique industrielle et de coopération.

a tout d'abord dressé le bilan de l'année 2008, qui marque la transition entre la Loi de programmation militaire 2003-2008 et le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Les orientations du Livre blanc ont un impact sur les cibles et les cadences de livraison de la plupart des grands programmes. La DGA a ouvert depuis le printemps 2008 des discussions avec l'industrie afin de renégocier les contrats. La plupart de ces négociations se concrétiseront en 2009.

S'agissant de 2008, le report à 2011 de la décision sur le deuxième porte-avions est la plus importante des conclusions des travaux du Livre blanc.

a indiqué que la priorité donnée dans le Livre blanc à l'équipement s'observerait dès 2009 avec une progression des crédits de paiement affectés au programme 146 « Equipement des forces » de la mission « Défense »de plus d'un milliard et demi d'euros.

Afin de tenir compte de la maîtrise des finances publiques, une certaine modération des engagements a été nécessaire. Ceux-ci ont été ramenés de 11,6 milliards d'euros à 7,3 milliards d'euros en 2008. Les paiements futurs devront être en phase avec les ressources allouées, maintenant déterminées pour 2009 et esquissées pour les deux années suivantes. Les principaux faits marquants pour 2008 concernent les commandes de 8 avions Rafale, de 116 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), les 5 045 équipements Felin pour les fantassins et les 36 stations Syracuse III. Ont été livrés 14 avions Rafale (sept Air et sept Marine), 6 hélicoptères TIGRE, la première frégate HORIZON (Forbin), 75 torpilles MU 90, 1 550 postes radio PR4G VS4I-IP, 148 armements air-sol modulaires (AASM) en version décamétrique, 41 VBCI et 358 équipements FELIN. Dans le domaine de la dissuasion, il a relevé, pour 2008, s'agissant de la composante aérienne, la convergence des actions permettant de commencer, en 2009, la transition de l'ASMP vers l'ASMPA, et, s'agissant de la composante sous-marine, l'achèvement de la construction du Terrible et son transfert sur le dispositif de mise à l'eau en mars dernier, en présence du Président de la République. Le délégué général a conclu cette partie de son exposé en déclarant que ces programmes complexes se poursuivaient de manière satisfaisante.

a ensuite souligné l'effort important effectué en faveur des programmes en urgence opérationnelle. Le contexte actuel conduit en effet à recourir de plus en plus à des commandes urgentes pour satisfaire le besoin des forces déployées en opération. Ces commandes, résultant du retour d'expérience sur les théâtres d'opérations, peuvent répondre à une évolution du contexte d'emploi des forces mais constituent souvent une accélération du tempo de programmes en cours. Cela concerne aussi bien des petits équipements que des équipements plus lourds. Ces commandes ont représenté en 2008 une centaine de millions d'euros, à comparer aux 700 millions de livres dépensées par les forces britanniques, avec l'effet d'éviction que l'on devine sur les programmes. Il faut toutefois souligner que les Britanniques disposent d'un cadre réglementaire adapté pour ce type d'acquisition en ayant une ligne de financement disponible en dehors de leur budget. En 2008, ont ainsi été commandés soixante tourelleaux téléopérés intégrés aux véhicules de l'avant blindé (VAB), des postes radio interopérables, des véhicules Buffalo. D'autres demandes concernant le déploiement de drones MALE (moyenne altitude longue endurance) de type SIDM (système intérimaire de drone MALE) sont en cours. La réduction des délais de mise à disposition des équipements passe par une accélération de la commande (avec les outils tels la lettre de commande ou le dispositif FMS - Foreign Military Sales avec les Etats-Unis) et une réduction des délais de livraison.

a ensuite tracé les perspectives pour 2009, première année d'application de la LPM 2009-2014. Le projet de loi de finances pour 2009 a été construit en prenant en compte les orientations issues du Livre blanc.

Les commandes et livraisons, les engagements et paiements, prévus au titre de l'exercice 2009, prennent en compte l'adaptation des rythmes de réalisation et de fabrication d'un certain nombre d'équipements, à la fois pour tenir compte des nouvelles cibles retenues dans le Livre blanc et des perspectives d'export. L'effort en faveur de l'équipement se traduit à la fois dans le fort accroissement des ouvertures d'autorisations d'engagement, dans celui des engagements et dans la hausse des crédits de paiement. Dans le PLF 2009, 19,3 milliards d'euros sont ouverts au titre des autorisations d'engagements, 20,3 milliards au titre des engagements, et 10 milliards au titre des paiements (dont environ 600 millions d'euros de recettes extra-budgétaires). Cette hausse des engagements correspond, d'une part, à un petit nombre de commandes globales en cohérence avec les cibles du Livre blanc et, d'autre part, aux crédits nécessaires pour accompagner les renégociations de cadences et de livraisons.

a indiqué que la DGA poursuivait actuellement ces négociations avec les industriels concernés, dans l'objectif de maintenir des conditions de réalisation industriellement et économiquement satisfaisantes. Au total, les ressources prévues en autorisations d'engagement (hors titre 2 mais avec le CEA) s'élèvent, dans le projet de loi de finances, à 19,1 milliards d'euros, plus un report escompté d'un milliard, soit 20,1 milliards auxquels il convient encore d'ajouter 400 millions de ressources extrabudgétaires. Les crédits de paiement s'élèvent à 10,3 milliards d'euros auxquels s'ajoutent 600 millions de ressources extrabudgétaires.

S'agissant des principales commandes prévues pour 2009, M. Laurent Collet-Billon a déclaré que, au-delà des commandes globales de 60 avions Rafale, 3 FREMM, 332 VBCI, 16 454 FELIN et 150 MdCN, les principales commandes pour 2009 concernaient : 22 hélicoptères NH90 TTH version terrestre (report de 2008) ; le deuxième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda ; le premier système de détection d'agents biologiques pour les troupes déployées ; 53 véhicules à haute mobilité (VHM) ; 1 000 AASM et le premier système de détection d'agents biologiques pour les troupes déployées. Les principales livraisons concernent 8 hélicoptères TIGRE, 14 avions Rafale, 75 torpilles MU 90, 96 VBCI, 34 canons d'artillerie de 155 mm (CAESAR), la 2ème frégate HORIZON (Chevalier Paul), et enfin 128 missiles anti-aériens ASTER 15.

a indiqué que les performances de gestion étaient satisfaisantes et que le bilan des indicateurs de performances du programme 146 « Equipement des Forces » de la mission Défense était globalement positif. Comme en 2007, l'objectif de maîtrise des coûts sera tenu. Le niveau de maîtrise des devis des programmes, au stade de réalisation, est très satisfaisant. Ces bons résultats s'expliquent par la généralisation des contrats globaux incluant le maintien en condition opérationnelle initiale des programmes qui augmentent la visibilité offerte à l'industrie et contribuent à la maîtrise des coûts. La maîtrise des délais des programmes est en amélioration régulière. L'objectif de tenue des délais devrait être globalement respecté, étant entendu qu'il n'intègre pas encore les difficultés persistantes et inquiétantes de certaines opérations importantes telles que celle de l'avion de transport A 400 M. Pour tenir cet objectif ambitieux, la DGA met l'accent, d'une part, sur la sensibilisation et l'incitation de l'industrie à mieux garantir ses délais et, d'autre part, sur l'application stricte de pénalités.

La norme de dépense, qui reste à fixer, déterminera cette année encore les conditions de fin de gestion et en particulier le niveau exact de reports arrêté en toute fin d'année. Comme en 2007, les factures des PME-PMI seront privilégiées. Des intérêts moratoires seront forcément générés. Ils devraient être limités, dans la mesure où les reports de crédits ouverts en loi de finances rectificative (restrictions des crédits pour les opérations extérieures et de ceux prévus pour le financement des FREMM) sont disponibles dès le début d'année suivante.

S'agissant de la maîtrise du niveau des intérêts moratoires, des actions pour la réduction sensible du délai global de paiement ont été poursuivies. Un service de la DGA a été créé à cet effet et le bénéfice s'en est fait sentir dès cette année. Toutefois, une augmentation du montant des intérêts moratoires est à prévoir en 2009 en raison, d'une part, des nouvelles dispositions en matière de délai global de paiement réduit de 45 jours à 30 jours et, d'autre part, du taux associé qui est fondé sur le taux de refinancement de la Banque centrale européenne.

a indiqué que la DGA poursuivait ses efforts afin de maîtriser son coût d'intervention, qui inclut les rémunérations et charges sociales, les pensions ainsi que les frais de fonctionnement et les investissements. Ce coût d'intervention devrait rester inférieur à 1,1 milliard d'euros.

Le délégué général pour l'armement a ensuite évoqué le programme 144 « Environnement et prospective ». La DGA est impliquée dans trois des cinq actions de ce programme, représentant 80 % des crédits (hors Titre 2) et constitué à plus de 95 % de crédits destinés aux études amont et aux subventions vers les industriels et les opérateurs de l'Etat (ONERA, ISL, Ecoles DGA). Il s'agit d'un enjeu majeur pour le tissu industriel, en particulier pour les PME et les laboratoires de recherche.

S'agissant des études amont, les crédits de paiements s'établissaient à 443 millions d'euros en 2004, à 645 millions d'euros en 2008 et devraient être de 661 millions d'euros en 2009, dont 13 millions pour les pôles de compétitivité. Les commandes à l'industrie sont de l'ordre de 700 millions d'euros depuis 2006. Cela répond aux ambitions affichées par la précédente LPM et permet un soutien accru à l'innovation ainsi que le renforcement de la recherche militaire et duale.

Les axes d'effort pour les études amont prennent en compte les priorités du Livre blanc, notamment la dissuasion (études pour le futur moyen océanique de dissuasion...) et la fonction connaissance et anticipation (exploitation du renseignement, surveillance du champ de bataille, technologies de radio logicielle...), mais aussi la protection (études sur l'alerte avancée, technologies de surveillance des espaces nationaux, protection des systèmes informatiques, défense NRBC,...), l'intervention (protection des forces et adaptation des équipements aux menaces asymétriques, technologie des missiles complexes et des munitions de précision, ... ) et la prévention.

a également évoqué la recherche duale à travers le programme 191 piloté par la DGA pour la Mission Interministérielle pour la Recherche et l'Enseignement Supérieur (MIRES). Ce programme bénéficie de 200 millions d'euros en 2009, soit le même montant que pour 2008. Ces crédits sont répartis de la même façon que l'année dernière entre le CNES (165 millions d'euros) et le CEA (35 millions d'euros).

Les principaux domaines couverts par la recherche duale sont les sciences du vivant, les technologies de l'information et de la communication, les technologies spatiales, les matériaux, les micro- et nanotechnologies, l'énergie, l'environnement et le développement durable.

a ensuite évoqué la politique industrielle et l'action en faveur des PME. Selon lui, les capacités industrielles et technologiques de défense dépendent pour une large part des PME-PMI, qui ont la capacité de développer des innovations de rupture et de productivité. Aussi la DGA s'efforce-t-elle d'identifier les PME stratégiques et les « fournisseurs critiques » qui participent à notre autonomie stratégique. Elle s'assure de la pérennité de leurs savoir-faire et de leurs capacités industrielles.

La DGA soutient la capacité d'innovation des PME au travers des contrats « Recherche Exploratoire et Innovation » (210 projets acceptés depuis septembre 2004, dont 43 en 2008 - partenariat DGA-OSEO). Elle encourage les PME-PMI à être plus présentes sur les marchés européens.

La DGA s'est notamment investie dans la mise en oeuvre du plan d'actions PME approuvé par le ministre de la défense fin 2008 et visant à améliorer l'information, à réduire la complexité, et à faciliter l'accès direct ou indirect des PME à la commande publique, ainsi qu'aux marchés export. La DGA a mis en place les indicateurs permettant de suivre ces actions avec objectivité et précision.

a évoqué le soutien aux pôles de compétitivité qui sont des lieux privilégiés pour les programmes de recherche duale et facilitent la coopération autour de projets innovants. En 2008, cinquante-cinq projets intéressant la défense ont été sélectionnés et financés.

Il a ensuite tenu à souligner, en cette année 2008 qui est celle de la Présidence française de l'Union européenne, les actions en faveur de la construction de la base industrielle et technologique (BITD) européenne. A cet égard, il a évoqué la conférence des directeurs nationaux d'armement du 14 octobre dernier qui a dégagé des propositions consensuelles sur les actions en faveur des PME, la mise en oeuvre de la stratégie pour la BITD approuvée l'an dernier par l'Agence européenne de défense (AED), l'effort accru en matière de Recherche et Technologie et, enfin, les suites à donner aux propositions de la Commission européenne décrites dans le « paquet défense » pour aller au-delà des deux directives en cours d'examen. Toutes ces propositions seront discutées avec l'AED, la Commission et les partenaires européens de la France.

Concernant les exportations, les perspectives de commandes pour 2008 sont de 6 milliards d'euros, ce qui semble tout à fait atteignable au vu des résultats connus (3,4 milliards) et amènerait nos exportations à des niveaux supérieurs à la meilleure année récente, 2006 (5,74 milliards). Cette reprise confirme la dynamique actuelle de la politique de soutien à l'exportation voulue par le ministre de la défense. Les mauvais résultats de l'année 2004 (3,4 milliards) semblent derrière nous. Les principales commandes, en 2008, concernent les avions ravitailleurs par le Royaume-Uni, le système Aster pour Singapour et la frégate FREMM pour le Maroc.

L'année 2008 a vu la mise en oeuvre des recommandations du rapport du député Yves Fromion concernant l'amélioration du dispositif de soutien aux exportations. En particulier, pour coordonner l'action de tous les ministères de manière simultanée autour des grands enjeux nationaux, a été mise en place la commission interministérielle pour les exportations de défense et de sécurité (CIEDES), devenue depuis la commission interministérielle d'appui aux contrats internationaux (CIACI), annoncée en août 2007 par le Premier Ministre.

Par ailleurs, il a été décidé de regrouper le contrôle et le soutien aux exportations à la direction du développement international (DDI), afin d'apporter des réponses plus rapides aux entreprises. Parallèlement, la simplification du dispositif de contrôle des exportations se poursuit.

En conclusion, M. Laurent Collet-Billon a déclaré qu'il aurait à coeur de mener à bien sa part d'exécution de la LPM, avec notamment, dans les tout prochains mois, la renégociation de beaucoup de contrats de grands programmes, et de poursuivre ses efforts afin d'assurer les acquisitions urgentes sans altérer la cohérence d'ensemble des acquisitions. Les prochains mois verront également la concrétisation de nombreuses actions en faveur de la construction d'une Europe de l'armement réaliste où l'Agence européenne de défense jouera le rôle de pépinière des futurs programmes en coopération européenne. Enfin, l'action du délégué général pour l'armement s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion