Intervention de Yves Détraigne

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « justice » - crédits de la justice et de l'accès au droit - examen du rapport pour avis

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur pour avis :

Il a regretté que, contrairement au souhait de la commission, le conseil supérieur de la magistrature (CSM) demeure une simple action du programme « Justice judiciaire ». Il a fait valoir que la place conférée à cet organe dans la nomenclature budgétaire n'était pas conforme à son statut constitutionnel, prônant un rattachement de ses crédits à un programme autonome rattaché à la mission « Pouvoirs publics ». M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a estimé qu'une éventuelle réforme du CSM visant à accroître son indépendance à l'égard des magistrats judiciaires ne pourra intervenir sans que le gouvernement prévoie un rattachement budgétaire plus respectueux de son autonomie. Enfin, il a constaté que la création d'un poste de secrétaire général au ministère de la justice, intercalé entre le ministre et les responsables de programme, avait facilité la coordination entre ces derniers.

Abordant les conditions de mise en oeuvre de la LOLF, il s'est félicité de l'appropriation par les chefs de cour d'appel de leurs nouvelles responsabilités (ordonnancement secondaire et responsabilité des marchés publics), lesquels avaient bénéficié du concours précieux des services administratifs régionaux (SAR). Il a signalé d'importants retards dans la délégation des crédits de paiement en début d'année, imputables à une excessive prudence de l'administration centrale qui n'avait pas laissé une grande latitude aux cours d'appel en matière de gestion des crédits, ces difficultés étant résolues depuis mai. M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a constaté que la fongibilité asymétrique n'avait pas été utilisée, la destination des crédits ayant été le plus souvent préalablement fléchée par l'administration centrale, ce qui avait été interprété par les personnels des juridictions comme une excessive bureaucratie. Il a jugé fondamental de respecter la philosophie initiale de la LOLF en donnant une autonomie plus grande aux chefs de cour d'appel afin que les personnels des juridictions puissent voir leurs efforts en matière de gestion budgétaire récompensés.

Le rapporteur pour avis a signalé que le nouveau mode de comptabilisation des effectifs en emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) -et non plus en effectifs budgétaires- avait compliqué la gestion des ressources humaines. Il a expliqué que le calcul de la masse salariale correspondant au plafond d'emplois constituait une opération technique très complexe et souvent incertaine compte tenu des mouvements à venir et des différents changements de position administrative.

a évoqué la situation très tendue des SAR en 2006, lesquels avaient assumé des charges croissantes liées à l'ordonnancement secondaire sans renforcement des effectifs.

Il s'est réjoui de la maîtrise réelle des frais de justice, une baisse de la dépense (-13 %) étant attendue pour 2006 contrastant avec les hausses observées les années précédentes (+ 16 % en 2005, + 23 % en 2004 et + 18 % en 2003). Il a imputé cette évolution favorable à la très forte mobilisation de tous les acteurs de l'institution judiciaire, le ministère de la justice ayant négocié une politique tarifaire efficace avec les principaux prestataires de service rémunérés sur les frais de justice (téléphonie mobile, empreintes génétiques), les juridictions ayant nommé des magistrats référents pour assurer un suivi précis de la dépense et ayant accru le contrôle du parquet sur les officiers de police judiciaire prescripteurs de frais de justice.

a également souligné l'adhésion des juridictions judiciaires à la démarche de performance, notant qu'au sein du programme justice judiciaire, 18 indicateurs de performance sur 22 étaient opérationnels. Il s'est félicité de la prise en compte des remarques formulées par le Parlement dans le programme « Accès au droit », dont les indicateurs avaient été recentrés sur 4 objectifs et 4 indicateurs de performance. Il a salué la démarche novatrice du SAR de Paris tendant à construire un indicateur pour mesurer la qualité des décisions rendues en matière civile.

Le rapporteur pour avis a résumé la situation budgétaire de l'institution judicaire en 2007 en quelques chiffres : 6,27 milliards d'euros sont consacrés à la mission « Justice » en progression de 5 % contre 4,6 % l'année dernière ; le programme « Justice judiciaire » qui représente 41,5 % des crédits bénéficie de 2.605 millions d'euros (+ 4 %) et de 42 % des ETPT ; les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » augmentent de 7 %, pour atteindre 338 millions d'euros ; le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice », doté d'une enveloppe de 281 millions, croît de 7 %. Le rapporteur pour avis a noté qu'une partie de cette hausse bénéficiera à la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), dont la dotation progresse de 9 %, relevant toutefois que cette autorité administrative indépendante semblait avoir des difficultés à financer la fin d'exécution de son budget. Il s'est à cet égard interrogé sur la pertinence du rattachement -de pure forme- de la CNIL à la mission « Justice », estimant que cet organe aurait davantage sa place dans un programme dédié aux autorités administratives indépendantes.

a dressé le bilan de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, dont le projet de budget pour 2007 finance la dernière tranche.

Il a jugé satisfaisant le taux de réalisation prévisionnel des créations d'emplois pour l'ensemble du ministère (82 %, soit 7.728 ETPT), relevant que pour le programme « Justice judiciaire », ce taux (64 %) était moindre. Il a constaté que si les postes supplémentaires de magistrats obtenus depuis 2002 respectaient les engagements inscrits dans le programme quinquennal (81%), les personnels des greffes dont la charge de travail s'était pourtant alourdie n'avaient pas bénéficié d'un effort équivalent. Il a indiqué que ce décalage dans les créations d'emplois n'avait pas permis d'améliorer le ratio fonctionnaires des greffes -magistrats toujours inférieur au niveau observé durant les années 90. Il a souhaité que l'achèvement du programme quinquennal ne marque pas la fin d'un renforcement des effectifs dans les greffes. Il a invité le ministère de la justice à définir une programmation pluriannuelle des créations d'emplois et des recrutements dans le souci d'anticiper les nombreux départs à la retraite à venir.

Le rapporteur pour avis s'est félicité de la mise en oeuvre du programme d'investissement prévu par la programmation quinquennale, le taux de réalisation atteignant 97 %. Il a précisé que les réalisations immobilières intervenues depuis 2002 avaient permis de moderniser les juridictions judiciaires et d'améliorer l'accueil des justiciables. Il s'est réjoui des avancées accomplies en faveur de la sécurisation des juridictions judiciaires. S'agissant de la justice de proximité, il a signalé la révision à la baisse de l'objectif des recrutements (de 3.300 à 1.000) annoncé par le gouvernement. Il a dénombré 585 juges de proximité en fonctions au 15 octobre 2006, ajoutant que deux réformes réglementaires étaient actuellement envisagées, l'une pour renforcer leur formation, l'autre pour rembourser les frais de déplacement des juges entre leur juridiction d'affectation et leur domicile professionnel.

A l'exception des tribunaux d'instance qui, avec un délai de jugement stable (4,5 mois), ne connaissent pas de progrès significatifs, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, s'est félicité de l'amélioration des délais de jugement en matière civile en 2005 (6,7 mois pour les tribunaux de grande instance et 14,2 mois pour les cours d'appel), malgré le nombre croissant des affaires. Il a expliqué cette évolution encourageante par la systématisation des contrats d'objectifs de résorption des stocks conclus entre les cours d'appel et le ministère de la justice, ajoutant que quelques tribunaux de grande instance s'étaient également engagés dans cette voie. Il a indiqué que depuis 2002, 69 créations d'emplois de greffiers et 78 créations d'emplois de magistrats avaient été localisées pour la mise en oeuvre de ces contrats.

En revanche, il a souligné qu'en matière pénale, les avancées étaient moins évidentes, les délais de jugement en matière délictuelle (11,4 mois) affichant une grande stabilité depuis dix ans, tandis que les délais en matière criminelle se dégradent (36,4 mois).

Le rapporteur pour avis a rappelé la forte augmentation des dépenses d'aide juridictionnelle constatée ces dernières années, imputable principalement à l'élargissement de la liste des bénéficiaires. Il a précisé le montant de la dotation allouée à ce poste de dépenses pour 2007 (323 millions d'euros), en hausse de 7 %. Il a relevé qu'un abondement de 16,3 millions d'euros était prévu pour financer une revalorisation de 6 % du montant de l'unité de valeur, précisant que la dernière revalorisation datait de 2004 et qu'une refonte du barème de quelques procédures était intervenue en 2003. Il a ajouté que le projet de budget prévoyait également le financement de l'extension de ce dispositif à de nouveaux bénéficiaires (réforme de l'aide juridictionnelle en Polynésie, extension du dispositif à l'assistance des mineurs devant le tribunal correctionnel) et de la généralisation des protocoles d'amélioration de la défense des justiciables, qui permettent une majoration de la dotation versée aux barreaux qui se sont engagés auprès des juridictions à remplir des objectifs assortis de procédures d'évaluation visant à assurer une meilleure organisation de la défense.

a indiqué que compte tenu du niveau actuel des plafonds de ressources d'éligibilité à l'aide juridictionnelle (859 euros pour l'aide totale et 1.288 euros pour l'aide partielle), la moitié de la population française était en droit d'accéder à ce dispositif, au moins au titre de l'aide partielle, une étude récente de l'INSEE ayant constaté que la moitié de la population vivait en dessous du revenu médian fixé à 1.314 euros.

Il a par ailleurs mis en avant que certaines missions d'aide juridictionnelle n'étaient pas rémunérées (débat sur la prolongation de la détention, assistance d'un mineur devant le délégué du procureur). Il a souligné le caractère souvent complexe des dossiers d'aide juridictionnelle, expliquant que les avocats y consacraient beaucoup de temps. Il a souhaité la mise en oeuvre rapide de l'assurance de protection juridique, présentée comme un nécessaire relais au dispositif d'aide juridictionnelle.

S'agissant de la rétribution des avocats, il a noté le décalage entre les engagements du Gouvernement et la revalorisation intervenue depuis 2002.

En conséquence, la commission des lois a adopté deux amendements présentés par le rapporteur pour avis pour accentuer l'effort de l'Etat en faveur d'une plus juste rémunération des avocats :

- le premier, à l'article 34 - état B, pour affecter 5,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement au programme « Accès au droit » sur l'action 1 (aide juridictionnelle) et supprimer en conséquence 2 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement affectés à l'action 4 (gestion administrative commune) du programme « Conduite et pilotage de la justice et organismes rattachés » destinés à financer des dépenses informatiques hors grands projets et 3,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement inscrits à l'action 6 (soutien) du programme « Justice judiciaire » destinés à financer des dépenses immobilières ;

- le second, à l'article 49 rattaché à la mission « Justice », pour porter le montant de l'unité de valeur de référence de 22,09 aux termes du projet de budget pour 2007 à 22,50 euros.

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