Un des enjeux majeurs est de savoir sur quel modèle de développement les pays émergents vont rattraper notre niveau de vie. Car la question de savoir s'ils vont rattraper notre niveau de vie ne se pose plus. Aujourd'hui, un Chinois sur 100 a une voiture, la consommation d'électricité par habitant est 5 fois moins élevée qu'en Europe, la consommation de pétrole 12 fois moins élevée. Toute la question est de savoir comment ce rattrapage va s'effectuer ? On voudrait les faire rentrer dans des disciplines contraignantes, dans des codes de conduites et des normes juridiques à respecter. Ils voient cela comme une façon de vouloir réduire leurs avantages comparatifs, de limiter leur potentiel de croissance. Ils ont beau jeu de rappeler que jusqu'à présent, depuis le début de l'industrialisation, ce sont les pays industriels qui ont été responsables de l'essentiel des émissions de gaz à effet de serre. Cela n'est pas faux. Nous sommes responsables du passé, ils ont entre leurs mains une bonne partie de l'avenir. Ils sont en train de tirer des millions de personnes de la pauvreté par un processus sans équivalent de création de richesses. Je conçois qu'ils ne souhaitent pas brider cette croissance par des engagements qui seraient par trop contraignants. On peut les comprendre. Là où nous avons peut-être une carte à jouer, c'est dans la volonté des pays émergents de vouloir participer, par ailleurs, à la gestion des affaires du monde. On ne peut pas à la fois réclamer de nouvelles responsabilités dans les affaires du monde et laisser aux pays du G7 la charge des ajustements climatiques. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a matière à faire valoir un corpus des droits et des devoirs communs dans la mondialisation ? En gros, plus de place au Fonds monétaire international (FMI), à la Banque mondiale, voire au conseil de sécurité, mais en contrepartie, plus d'engagement dans des solutions collectives.
Comment va fonctionner le « fonds vert pour le climat » ? Il faudra veiller à ne pas commettre les mêmes erreurs que celles commises en matière d'aide au développement. En matière de coopération, on peut constater tous les jours, sur le terrain, les effets pervers de la multiplication des intervenants. On a voulu construire des institutions multilatérales pour dépasser la dispersion des acteurs nationaux et on a reproduit, au niveau international, dispersion et complexité. Quand on voit des institutions comme le Programme des Nations pour le développement (PNUD) se positionner sur le climat, on se dit qu'on va reproduire la même jungle institutionnelle ?
L'extension des activités de l'AFD aux pays émergents a été justifiée par le financement de projets pilotes en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ces financements, nous dit-on, ont vocation à participer à une politique d'influence des pays émergents. Quand on voit les montants en jeu, ils sont à la fois importants par rapport aux crédits de la coopération et dérisoires par rapport aux dépenses d'infrastructure de ces pays. Prenons l'exemple de l'Inde, pays dans lequel nous nous rendons prochainement, les financements de l'Aide publique au développement (APD) représentent 1/1000 des dépenses d'infrastructure. On a du mal à concevoir qu'on exerce ainsi une influence sur la trajectoire de croissance de ce pays. Est-ce que ce type de financement a une influence sur notre relation avec ces pays lors des négociations ?
On cite régulièrement le chiffre de 100 milliards de dollars pour lutter contre le réchauffement climatique. Sur quoi est fondé ce type d'évaluation ? Est-ce un chiffre réaliste ?
Les crédits du budget de l'aide au développement qui sont destinés à la protection des forêts sont gagés sur la vente de crédits carbone. Pouvez-vous nous expliquer ce mécanisme et nous dire si on peut fonder une estimation stable et réaliste à partir de ce mécanisme ?