Intervention de Augustine Mahiga

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 février 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Augustine P. mahiga représentant spécial du secrétaire général des nations unies pour la somalie

Augustine Mahiga, représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la Somalie :

C'est un très grand honneur pour moi d'être reçu devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat de la République française.

Comme vous le savez, le conflit en Somalie est l'un des plus anciens et des plus longs conflits en Afrique et aucune solution n'a été trouvée ces vingt dernières années pour y mettre un terme. La crise qui sévit actuellement en Somalie est presque aussi grave que celle qui s'est déroulée au Sud du Soudan pendant ces vingt dernières années. Cette dernière a trouvé une issue avec l'indépendance du Sud du Soudan, ce qui laisse un espoir pour trouver une solution à la crise somalienne, qui semble à première vue inextricable.

Contrairement à la plupart des conflits qui sévissent en Afrique, qui sont pour la plupart des conflits internes, le conflit en Somalie est protéiforme. Au départ, on a assisté à une guerre civile, entre différents clans et seigneurs de guerre, mais celle-ci s'est progressivement transformée.

Cette guerre civile est d'abord devenue un prolongement du djihad international avec des groupes rebelles islamistes affiliés à Al Quaida qui luttent contre le gouvernement fédéral de transition, seule autorité reconnue par la communauté internationale. Ces groupes cherchent, en effet, à s'implanter en Afrique, à l'image des groupes islamistes actifs au Sahel, en Mauritanie, au Niger et au Mali, et la Somalie présente de ce point de vue un intérêt stratégique, puisqu'elle est située entre l'Afrique et le Moyen Orient.

Mais le conflit en Somalie a également pris une nouvelle dimension avec la résurgence de la piraterie au large des côtes somaliennes. Ce fléau, qui semblait avoir disparu depuis plusieurs siècles, a connu une forte recrudescence ces dernières années et constitue désormais une menace pour la paix et la sécurité internationales. Or, nous n'avons pas aujourd'hui les armes pour lutter contre ce fléau. Je voudrais, à cet égard, rendre hommage au travail effectué par M. Jack Lang et à la qualité de son rapport sur les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, remis au Secrétaire général des Nations Unies le 25 janvier dernier. Ce rapport témoigne d'une approche globale de ce phénomène et contient des propositions concrètes pour renforcer la lutte contre ce fléau.

Enfin, le conflit en Somalie est également la source d'une multiplication des trafics, comme le trafic des armes, la traite des êtres humains ou encore le trafic de drogue.

Face à cette situation, il est donc indispensable d'apporter une réponse au niveau international.

Quels ont été les progrès accomplis ces dernières années par la communauté internationale ?

Nous avons mis en oeuvre une approche fondée sur trois piliers.

Tout d'abord, sur le plan politique, nous avons apporté notre soutien au Gouvernement fédéral de transition (GFT), seule autorité internationalement reconnue, mais qui ne contrôle que la moitié de la capitale Mogadiscio.

En effet, une grande partie du Sud du pays est contrôlée par la milice extrémiste Shabab, qui se revendique d'Al Quaida. Au centre la milice Ahlu Sunna Wal Jamaa, officiellement alliée au GFT, contrôle quelques villes et combat la milice Shabab. Au Nord-Est, la région du Puntland bénéficie d'une large autonomie, tandis qu'au Nord-Ouest, la région du Somaliland a autoproclamé son indépendance en 1991. Ces deux dernières régions constituent des poches de stabilité relatives, ce qui donne des marges au GFT pour établir son autorité et négocier avec elles pour les inclure.

Le deuxième volet a consisté en une pression militaire, puisque si nous savons qu'il n'existe pas de solution purement militaire, nous savons aussi qu'il ne peut y avoir de solution politique sans appui militaire. La mission de l'Union africaine AMISOM devrait voir ses effectifs renforcés, passant de 8 000 à 12 000 hommes, d'ici l'été 2011, ce qui pourrait lui permettre de reprendre le contrôle de l'ensemble de la capitale.

Enfin, sur le plan humanitaire, la situation reste très précaire. Aujourd'hui, la Somalie est le pays d'Afrique et même au monde qui compte le plus grand nombre de réfugiés et de déplacés par rapport au nombre d'habitants. Par ailleurs, ce pays, qui est situé dans l'une des zones les plus aride, a été touché par une forte sécheresse, qui a provoqué la mort de près de la moitié du cheptel et un afflux massif de réfugiés et de déplacés. Nous sommes donc confrontés à une véritable catastrophe humanitaire, à cause de la guerre et de la sécheresse. Nous comptons sur la poursuite des efforts de l'Europe et de la France. Le développement est un vecteur essentiel de la paix.

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