Je partage cette analyse selon laquelle l'information existait mais n'a pas été correctement analysée ni prise en compte par le politique. Je pense que l'actuelle marginalisation du quai d'Orsay et de son expertise pose de réels problèmes. Ainsi, par exemple, le président syrien Bachar el-Assad a récemment été reçu à l'Élysée, mais cette visite a été organisée sans participation du ministre des affaires étrangères. Les experts du quai d'Orsay n'ont pas non plus été entendus dans la préparation de cette rencontre, alors que la diplomatie de ce pays, incontournable dans la région, peut parfois se révéler opaque et complexe. Le ministère ne gère pas le dossier syrien relevant directement du Secrétaire général de l'Elysée : quelle incohérence ! Notre diplomatie manque forcément de résultats dans un tel contexte.
Autre exemple : lors de la constitution de l'Union pour la Méditerranée, pourquoi avoir écarté l'Allemagne, grand partenaire de cette zone ? Pourquoi avoir confié la coprésidence de cette structure à un Moubarak vieillissant, à l'heure où la centralité égyptienne est contestée dans le monde arabe ? Pourquoi avoir marginalisé la présidence européenne en choisissant le cadre de l'Union pour la méditerranée lors du sommet de Sharm el Sheikh ? Ou encore, dans la région du Golfe, pourquoi privilégier le Qatar, pays qu'on surévalue, au détriment de nos relations avec les autres États de la région. Cela peut comporter des conséquences sur les signatures de grands contrats par la France dans ces pays. Auparavant, la France était en relation équilibrée avec tous les pays arabes.
La France doit exprimer des positions claires, faire des déclarations fortes, se distinguant des Etats-Unis. Au Moyen Orient, le déclaratoire est important ; pourtant on n'y entend plus la voix de la France. Je souhaiterais pour ma part une expression solennelle et régulière du ministre des affaires étrangères, au-delà des déclarations du Premier ministre ou du Président de la République. Le seul porte-parole du ministère n'est pas assez audible.
Pour répondre sur le problème israélo-palestinien, je crois, comme le pensent les thinks tanks américains bien informés, que Barak Obama n'a jamais perdu la main sur cette question, qui reste une priorité centrale de sa présidence. Le président américain a une réelle vision sur ce dossier. Les récents événements pourraient, sous certaines conditions, aider à une évolution de la situation. Les Syriens ne bougeront pas sur le processus de paix sans une réelle perspective sur le dossier israélo-palestinien.