Intervention de Yves Aubin de la Messuzière

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 février 2011 : 1ère réunion
Situation en tunisie — Audition de M. Yves Aubin de la messuzière ancien ambassadeur

Yves Aubin de la Messuzière :

La France est le seul pays qui recrute des spécialistes, par la voie du concours d'Orient, ce qui lui permet de disposer de diplomates arabisants et très fins connaisseurs des enjeux de la région. On peut d'ailleurs s'étonner qu'en Algérie il n'y ait actuellement en poste pas un seul arabisant, alors que plus de 60 % de la presse est en langue arabe...

En tant qu'observateur désormais extérieur, je perçois un vrai malaise au sein du ministère des affaires étrangères. Certains jeunes diplomatiques aspirent à quitter le Quai, faute de reconnaissance et de valorisation de leur travail. Alain Juppé et Hubert Védrine ont fort judicieusement analysé dans une tribune commune, la situation du Quai d'Orsay.

Au Maroc, le pouvoir ne souffre pas d'une crise de légitimité. Mise en cause dans les années 70, cette légitimité n'est désormais plus contestée, ni même par les islamistes. Certains espaces d'expression ont toujours existé, même sous Hassan II, dans la presse par exemple

Subsistent, en revanche, à la différence de la Tunisie, où 80 % des habitants sont propriétaires de leur maison, de véritables poches de pauvreté et des bidonvilles. La société marocaine est plus traditionnelle que la société tunisienne ; les réformes du code du statut personnel, par exemple, relatif au droit de la famille, y sont moins avancées qu'en Tunisie. La société est aussi plus hétérogène, avec une forte minorité berbère. Il n'existe pas de classe moyenne aussi développée qu'en Tunisie et les jeunes Marocains sont sans doute moins mondialisés et connectés sur Facebook. Je ne vois donc pas, a priori, de perspectives de déstabilisation à court terme, même si des mouvements sociaux durs sont possibles. Le Parti de la Justice et du développement (PJD) regarde vers le modèle turc.

J'observe, dans le monde arabe, une forme de marginalisation de l'influence égyptienne ces dix dernières années, qui restera forte mais sera sans doute moins dominante à l'avenir : les séries télévisées égyptiennes par exemple, jusqu'alors hégémoniques, sont de plus en plus remplacées par des séries syro-libanaises, voire par des séries turques doublées en arabe. Il ne faut donc pas s'appuyer trop exclusivement sur ce pays, qui n'a plus le rayonnement qui était le sien du temps des présidents Nasser et Sadate. Au contraire, la montée en puissance de la Turquie, comme acteur régional, est un phénomène extrêmement important.

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