Israël a beaucoup à perdre d'une manière générale avec les changements actuels dans le monde arabe et avec la reconfiguration politique en Egypte en particulier.
Je ne pense pas que l'on assistera à des changements majeurs de la politique étrangère égyptienne et à une remise en cause des liens étroits avec les Etats-Unis et Israël, ni à un changement d'attitude radical à l'égard de la bande de Gaza, car ce n'est pas dans l'intérêt des Égyptiens de créer une zone d'instabilité et de tensions à leurs portes et à proximité d'un point aussi stratégique que le canal de Suez. On peut toutefois s'attendre à un rééquilibrage dans la politique à l'égard des Palestiniens, avec un moindre soutien apporté à l'Autorité palestinienne, surtout si on assiste à une montée en puissance des Frères musulmans, notoirement proches du Hamas, après les élections, mais tout cela dans les limites de l'intérêt de la Nation et de la sécurité.
Il peut certes y avoir des changements dans les discours mais, sur le fond, pour les militaires égyptiens, la sauvegarde des intérêts nationaux passe avant la solidarité arabe, y compris à l'égard de la Palestine.
Toutefois, les événements récents en Egypte et en Tunisie ne seront pas sans incidence pour Israël, qui a perdu une bataille dans la guerre de la communication, car il est frappant de constater que les manifestants ont montré une très grande maîtrise de soi, tant dans leur attitude, allant jusqu'à soigner les nervis du régime venus pour les réprimer, que dans leurs discours, tout cela sans surenchère islamiste et sans slogans anti-américains ou anti-israéliens. L'image qui était véhiculée du monde arabe en a été modifiée radicalement. J'ai ainsi été très étonnée de voir un manifestant égyptien brandir un portrait de Moubarak maquillé en Hitler, image qui était jusqu'à présent impensable dans le monde arabe.