Intervention de Michèle Alliot-Marie

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 17 février 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Michèle Alliot-marie ministre des affaires étrangères et européennes

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État :

On n'a pas vu de mouvements religieux à l'origine d'aucune de ces manifestations. Ils ont été inexistants en Tunisie et ne sont apparus que tardivement en Égypte où, au surplus, ils se montrent hésitants : les Frères musulmans ont annoncé qu'ils ne présenteraient pas de candidat à l'élection présidentielle et ils hésitent à se constituer en parti. Dans tous ces pays, ce sont les sociétés civiles, les jeunes et les classes moyennes qui se sont soulevés. En revanche on voit apparaître une tension grandissante entre chiites et sunnites, à Bahreïn par exemple. Deux visions religieuses s'opposent ici entre le messianisme chiite d'un côté et la tradition sunnite de l'autre. Il faudra aussi surveiller le comportement des forces armées qui ont joué un rôle essentiel - mais pas identique - en Tunisie et en Égypte. Pour l'instant elles semblent plutôt se faire les gardiennes des principes républicains. Rien n'est donc stabilisé. Seule l'aspiration à la démocratie est certaine, ce qui met à bas l'idée qu'existerait une fatalité antidémocratique dans le monde arabe. Au contraire, nous devons aider les gouvernements ou mouvements qui veulent installer la démocratie politique via le développement et la démocratie économiques. Car les extrémismes religieux se nourrissent des frustrations économiques et sociales. Pour éviter la remontée de ces extrémismes - comme pour en finir avec les conflits non encore résolus - il faut soutenir le développement économique de ces pays.

Monsieur Chevènement, les États peuvent bien entendu intervenir bilatéralement. Ils le peuvent le faire dans le cadre d'ensembles plus vastes. Dans le cadre de l'Union européenne, certainement. Dans celui de l'UPM également, qui semble plus approprié que celui du « 5+5 ». Les Tunisiens - j'en ai discuté avec leur gouvernement - sont plus à l'aise au sein de ce groupe « 5+5 », qu'ils connaissent bien, mais qui ne permet pas d'aller très loin. En revanche l'UPM permet de mobiliser des fonds européens et de nombreux pays peuvent y contribuer. L'UPM a constitué des groupes de travail et joue un rôle en matière de droits des femmes et de coopération universitaire. Quant à l'Union européenne, elle a prévu, notamment à la demande de la France, d'intervenir dans les domaines de la démocratie, du respect des libertés, ainsi sur les questions économiques et financières. Il faut avancer vite sur la formule de « statut avancé » pour la Tunisie. Une meilleure coordination s'impose entre les politiques de voisinage de l'Union et de l'UPM car c'est dans ces ensembles que se dessine notre avenir commun, en un moment où, ailleurs, le monde se constitue autour de pôles d'au moins un milliard d'habitants. Au fond les crises actuelles nous offrent l'opportunité de concevoir ce destin commun dans le respect de nos différences.

Monsieur Raffarin, oui, à ces aspirations sociales, il faut apporter une réponse sociale. Le G 20 est une structure très lourde mais il est vrai qu'il va aborder des sujets comme la volatilité des prix des matières premières - pétrole, produits agricoles - qui concernent directement ces pays dont les populations peinent à se nourrir. N'opposons pas « 5 +5 », Union européenne, Union pour la Méditerranée et G 20 : leurs actions doivent s'articuler, chacune de ces structures offrant un espace pertinent pour certaines initiatives. L'essentiel est de bien mesurer laquelle est la plus apte à répondre à tel ou tel besoin. Le G 20 et le G 8 doivent prendre en compte ce qui se passe entre le Golfe et l'Océan.

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