Intervention de Michel Cretin

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 juin 2006 : 1ère réunion
Sécurité sociale — Tarification médicale - communication de m. michel cretin président de la 6e chambre et de mme anny golfouse-buet rapporteur à la cour des comptes

Michel Cretin :

a d'abord estimé que la répartition des compétences entre les différentes structures et acteurs en charge de la réforme n'est pas optimale. La mission T2A, en charge de la conception et de la maîtrise d'oeuvre de la réforme, ne joue plus son rôle d'impulsion et l'Agence technique pour l'information sur l'hospitalisation (Atih) remplit difficilement sa mission d'expert, notamment en matière de classification des groupes homogènes de séjour (GHS). De facto, la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins est devenue responsable du déploiement de la réforme qu'elle réalise sans véritable vision stratégique. Par ailleurs, la direction de la sécurité sociale (DSS) et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) restent peu associées à la réforme.

Il a observé, pour le regretter, que les organisations professionnelles (Fédération des hôpitaux de France et Fédération de l'hospitalisation privée) ont été systématiquement associées aux multiples groupes de travail destinés à expliciter les choix stratégiques et techniques à l'ensemble des acteurs. Devenues parties prenantes à toutes les décisions, ces organisations ont parfois même été chargées d'animer ou de mener à bien certains travaux de nature apparemment technique, comme par exemple dans les groupes de travail relatifs à la convergence et aux personnels hospitaliers. Or, compte tenu des enjeux financiers et politiques que recouvre chacune des questions ouvertes à la négociation, ce mode de pilotage nuit gravement à une mise en place rapide de la réforme et menace sa cohésion.

De la même façon, M. Michel Cretin s'est étonné de ce que le groupe de travail chargé de l'évaluation de la réforme soit placé sous l'autorité des fédérations hospitalières, alors qu'il devrait être animé par des représentants de la Drees ou de la Haute Autorité de santé. Il a souligné l'absence de définition des indicateurs nécessaires à l'évaluation de la réforme, empêchant ainsi toute appréciation du processus en cours.

Des retards sont également constatés d'une part, dans le processus de facturation qui demeure sous un régime transitoire dans l'attente de la mise à niveau des systèmes d'information des établissements de santé, d'autre part, pour la mise en oeuvre de la procédure de contrôle externe des factures, à la suite d'une divergence d'appréciation entre la DHOS et la Cnam sur ses modalités d'application.

Il a estimé que le dispositif retenu, qui confie le contrôle de la facturation à la commission exécutive (Comex) de chaque agence régionale d'hospitalisation (ARH), soulève plusieurs difficultés, d'une part en raison de l'insuffisance des moyens matériels et humains des ARH pour l'exécution de cette tâche, d'autre part, parce que cela prive la Cnam de la compétence du contrôle des factures qu'elle est amenée à régler. Ce dernier point pourrait causer des problèmes lorsque la Cour des comptes devra certifier les comptes de la Cnam.

a ensuite rappelé que, dans un premier temps, la réforme ne s'applique qu'aux disciplines hospitalières de court séjour (médecine, chirurgie, obstétrique, dites MCO), soit à un montant de dépenses de 44 milliards d'euros, à rapprocher de l'objectif de dépenses d'assurance maladie consacrées à l'hospitalisation, qui s'est élevé à 60 milliards en 2005. La redistribution des allocations budgétaires versées aux établissements opérée par l'intermédiaire de la T2A s'effectue dans le cadre de cette enveloppe.

Ce nouveau dispositif ne se limite pas à la fixation de tarifs forfaitaires par séjour, les GHS, mais comprend en outre une dotation relative aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac), des forfaits annuels rémunérant certaines activités comme les urgences ou l'hospitalisation à domicile, des coefficients compensateurs attribués en fonction de critères géographiques ou techniques et des prises en charge spécifiques pour les médicaments onéreux et les dispositifs médicaux implantables.

En matière de fixation des tarifs, certains défauts remettent en question les principes mêmes de la réforme. Tel est le cas pour les procédures déconnectées des coûts de production comme lorsque, dans le secteur privé, les tarifs sont calculés sur la base des montants facturés les années précédentes et, dans le public, lorsqu'ils le sont sur la base d'un coût moyen fondé sur un échantillon réduit selon une méthodologie peu transparente.

a considéré qu'une part plus grande des activités hospitalières doit être tarifée à l'activité, notamment certaines aujourd'hui incluses dans les Migac. Ces missions qui se répartissent entre les missions de service public assurées par les hôpitaux (50 % du montant total), les activités d'enseignement et de recherche (38 %) et les mesures d'accompagnement (12 %) doivent faire l'objet d'une définition plus claire, plus précise et mieux motivée afin d'éviter que les mesures d'accompagnement ne se transforment en variable d'ajustement destinée à compenser d'éventuelles baisses de recettes liées à un manque d'activité.

Il a regretté que la part réellement financée à l'activité ne soit pas prioritairement prise en compte pour la répartition des enveloppes budgétaires au sein de l'objectif des dépenses d'assurance maladie commun aux activités de médecine, chirurgie et obstétrique. En 2005, les tarifs nationaux n'ont pas été calculés à partir de l'enveloppe MCO totale, celle-ci ayant d'abord été diminuée du montant de la dotation des Migac et de certaines contributions spécifiques (forfaits annuels, produits facturés en sus). L'augmentation importante des montants consacrés à ces éléments a fait baisser mécaniquement l'enveloppe allouée aux tarifs. Ainsi, entre 2004 et 2005 la base affectée aux tarifs a diminué de 2,5 %. Cette réduction a résulté d'un recul de 8,5 % des tarifs forfaitaires de séjour, tandis que l'enveloppe Migac a augmenté de 3,5 % et la dotation destinée à la prise en charge des médicaments onéreux et des dispositifs médicaux, de 100 %.

Abordant enfin l'économie générale de la réforme, M. Michel Cretin a rappelé que l'objectif est de réduire les fortes disparités de ressources financières, pour une activité identique, entre les établissements de santé. Cette réduction est recherchée à travers une convergence des tarifs vers des coûts moyens déterminés au niveau national.

Cette convergence des tarifs qui revêt deux aspects, celui d'une convergence intrasectorielle propre à chaque secteur et d'une convergence intersectorielle, devrait s'opérer vers les tarifs des établissements les plus performants, et non vers une moyenne constatée, comme tel est le cas jusqu'à présent. Elle doit aboutir à des tarifs uniques, complets, incluant en particulier l'ensemble des charges de personnel et d'honoraires.

Cette redistribution financière particulièrement importante dans le secteur public (près d'un milliard d'euros) doit s'opérer sur une courte période et suppose des efforts soutenus qui viennent en sus des contraintes imposées par la modération de l'évolution de l'Ondam au cours de la même période. La réussite de ce processus repose donc sur la capacité des établissements publics, dont les dépenses de personnel représentent 70 % des charges, à dégager les gains de productivité nécessaires pour faire face à la baisse des tarifs. Les pouvoirs publics devront être attentifs à ce que cette démarche ne soit pas contournée, soit par le déplacement d'une partie des charges sur les budgets hors MCO ou vers les assurés, soit par une spécialisation excessive des activités sur des segments rentables.

a indiqué que la convergence intersectorielle, dont les principes figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, doit être mise en oeuvre selon un calendrier très contraint. Or, aucune méthodologie précise ne peut être établie faute d'une connaissance précise de l'amplitude des écarts de coûts à réduire et du périmètre des tarifs.

Une première étape de convergence vers la moyenne a été mise en oeuvre « à l'aveugle » en 2005 par différenciation des hausses tarifaires accordées à chacun des secteurs, ce qui s'est traduit par un transfert de 35 millions d'euros du secteur public vers le secteur privé.

Bien que le Parlement ait réaffirmé son souhait, lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, de voir le calendrier respecté, avec l'objectif d'une convergence réalisée à 50 % en 2008 et à 100 % en 2012, le Gouvernement a décidé de suspendre temporairement le processus en 2006 afin de permettre la réalisation d'études, seules à même de préciser les modalités de mise en oeuvre de cette démarche. Or, les résultats de ces travaux ne seront pas disponibles avant 2008, ce qui semble incompatible avec l'objectif intermédiaire fixé par le Parlement, pour la même date.

En conclusion, M. Michel Cretin a fait état de certaines incohérences dans l'articulation entre la mise en place de la T2A et les autres volets de la politique hospitalière, notamment en ce qui concerne la régulation macroéconomique de la dépense et l'organisation de l'offre de soins. La question se pose de façon aiguë au moment de la signature par chaque établissement de santé d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) fondé sur des prévisions d'activité déterminées dans le cadre des schémas régionaux d'organisation de l'offre de soins (SROS). Dans une telle perspective, la Cour des comptes estime que les CPOM doivent être utilisés comme des instruments d'accompagnement de la T2A et de lissage des effets trop brutaux qu'elle pourrait engendrer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion