En réponse, M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a apporté les précisions suivantes :
- pour beaucoup d'Etats membres, y compris le Royaume-Uni ou l'Allemagne, l'aide au développement se distingue de la politique étrangère. Ils estiment ainsi que cette politique doit rester au premier chef du ressort de la Commission. La France estime cependant qu'afin d'assurer une meilleure visibilité, une plus grande cohérence et une réelle efficacité de l'aide au développement, il faut confier au Haut représentant la mission de définir les grandes orientations stratégiques, la Commission continuant d'assurer la gestion des instruments de coopération ;
- les relations avec la Russie constituent un bon exemple de l'insuffisante coordination des diplomaties nationales et des différents aspects de la politique extérieure de l'Union, à l'image de l'énergie par exemple, et l'objectif de la création du service européen pour l'action extérieure vise précisément à rapprocher en amont les points de vue entre les Etats membres ;
- précisément, les négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie n'ont que peu progressé jusqu'à présent, car elles achoppent sur le volet commercial, étant donné que la question de l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce est toujours en suspens ; alors que la principale attente des Européens tient au volet énergétique, la partie russe demande, pour sa part, la levée de l'obligation de visas. Par contre, l'attitude de la Russie sur la question iranienne a évolué dans le sens d'une meilleure coopération et de l'adoption de sanctions plus fortes ;
- au Proche-Orient, il est vrai que l'Union européenne, qui représente le premier contributeur à l'Autorité palestinienne, ne joue pas un rôle à la hauteur de celui des Etats-Unis, qui demeurent le principal acteur du processus de paix, même si les positions des pays européens se sont beaucoup rapprochées ces dernières années, comme le montrent par exemple les conclusions adoptées par le Conseil en décembre 2009. L'Union européenne pourrait pourtant jouer un rôle important dans le cadre d'un règlement global du conflit et dans sa mise en oeuvre, par exemple en apportant des garanties européennes en matière de sécurité, avec l'envoi d'une mission de sécurité sur le terrain, un rôle pilote sur la question des réfugiés ou sur le contrôle des frontières, une aide à la construction d'un état palestinien. L'action du SEAE et l'action du Haut représentant devraient donner plus de visibilité à l'Europe ;
- l'avenir de l'assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe occidentale est devenu incertain depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, même s'il faut reconnaître que c'est la seule assemblée interparlementaire qui joue un rôle en matière de sécurité et de défense. Le Parlement européen a vu ses prérogatives renforcées avec le traité de Lisbonne. Ces pouvoirs pourraient se renforcer au fur et à mesure que la politique de sécurité et de défense va s'européaniser. Mais les parlements nationaux ont également un rôle à jouer ; étant donné que le traité de Lisbonne est muet sur ce sujet, à la différence de ce qui existe par exemple pour le contrôle de la subsidiarité, il faudra peut-être inventer ; certains ont ainsi évoqué une Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) en matière de défense ;
- la création du service européen pour l'action extérieure ne suffira évidemment pas à elle seule à aboutir à une diplomatie commune ; les décisions continueront en effet de relever des ministres des affaires étrangères des Etats membres, réunis dans le Conseil des Affaires étrangères, sous la présidence du Haut représentant ; la mise en place de ce service devrait toutefois favoriser l'émergence progressive d'une culture diplomatique commune en permettant un rapprochement des points de vue et une plus grande unité d'action ;
- si, dans un premier temps, le service européen pour l'action extérieure devait comprendre une proportion significative de fonctionnaires issus du secrétariat général du Conseil et de la Commission européenne, progressivement, la part des diplomates issus des Etats membres est appelée à s'accroître afin d'atteindre au moins un tiers des effectifs ;
- au sein de l'assemblée générale des Nations unies, la Communauté européenne ne disposait, jusqu'à présent, que d'un statut d'observateur, soit un statut inférieur à celui, par exemple, de l'Autorité palestinienne, et il semble logique de renforcer ce statut, non pas en l'alignant sur celui des Etats, mais en allant vers un statut intermédiaire afin de permettre au représentant de l'Union d'exprimer, avec une visibilité suffisante, des positions communes, à l'image du rôle que jouait jusqu'à présent l'Etat qui exerçait la présidence tournante du Conseil ; en revanche, s'agissant du Conseil de sécurité des Nations unies, les dispositions du traité de Lisbonne sont très claires puisqu'elles prévoient explicitement que les Etats concernés conservent l'ensemble de leurs prérogatives, tout en leur permettant d'exprimer davantage les positions de l'Union européenne ;
- le régime de rémunération des fonctionnaires européens est d'ores et déjà beaucoup plus attractif que celui des diplomaties nationales et il est important que le service européen pour l'action extérieure puisse attirer des personnes de qualité ;
- si le Haut représentant est investi du pouvoir de nomination, les Etats membres devront participer au processus de recrutement mais les modalités concrètes ne sont pas encore fixées ;
- la France est soucieuse du respect du multilinguisme et de la place du français dans les institutions et organes européens. Un important programme de formation au français est mis en oeuvre à destination des nouveaux membres de la Commission, de leurs cabinets mais également des principaux titulaires de postes de direction au sein de la Commission notamment. Cette offre de formation au français a par exemple été proposée à Mme Catherine Ashton. Pour mémoire, le français est, avec l'anglais, l'une des deux langues de travail dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité.