Intervention de Christian de Boissieu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 juin 2009 : 1ère réunion
Conséquences de la crise économique et financière en matière de sécurité et de défense — Audition de M. Christian de Boissieu président délégué du conseil d'analyse économique et membre du conseil économique de la défense

Christian de Boissieu, président délégué du conseil d'analyse économique et membre du conseil économique de la défense :

En réponse, M. Christian de Boissieu a indiqué que :

- la sécurité alimentaire des pays les plus pauvres, clairement identifiée comme l'une des nouvelles menaces, avait été fortement mise à mal par la flambée des prix des matières premières en 2008 ; le retour des prix à un niveau plus raisonnable ne règle en rien ce problème majeur, qui risque d'affecter durablement les populations les plus démunies partout dans le monde. La libre circulation de ces produits, comme d'autres, comporte une dimension de sécurité et de défense ;

- l'Europe de la défense ne semble pas bénéficier de la crise, ce qui est regrettable. Ce thème figurait pourtant parmi les priorités de la PFUE (présidence française de l'Union européenne), mais peu de résultats concrets ont été obtenus, à la différence des réussites en matière de règlement de la crise bancaire ou d'adoption du paquet « énergie-climat ». On constate que la présidence tchèque de l'Union européenne, tout comme la future présidence suédoise, ne s'intéressent guère aux problèmes de défense ; cette atonie montre bien que seule une initiative volontariste peut contrebalancer une tendance qualifiée par le Conseil économique de défense de « fil de l'eau » des gouvernements qui conduit à terme à une dépendance de l'Europe vis-à-vis des Etats-Unis ;

- la recherche et la technologie de défense bénéficient respectivement aux Etats-Unis et en Europe de sommes évoluant d'un ratio de six à un ; outre cette abondance financière, les industries américaines sont très souvent duales, ce qui favorise leur développement. En revanche, ce caractère est largement absent d'Europe, où le secteur privé privilégie son développement à court terme, sacrifiant ainsi les dépenses de recherche et de développement, productives à long terme. Les priorités européennes définies à Lisbonne en matière de développement technologique n'ont pas été respectées, notamment du fait de la faiblesse des investissements privés. On ne peut que déplorer que l'Europe ne sache pas préparer la future sortie de crise par un effort plus marqué dans ce domaine ; le ratio de recherche et développement français (tous secteurs confondus) est de 2,2 % alors que l'objectif défini à Lisbonne était de 3 % dont 2 % de recherche et développement provenant du secteur privé ;

- le Royaume-Uni traverse effectivement une grave crise économique et financière, marquée par une importante détérioration de la situation de ses banques et une crise immobilière. Le cours de la livre a beaucoup chuté, alors que la Grande-Bretagne, avec 10 % des échanges extérieurs, constitue le deuxième partenaire commercial de la France, après l'Allemagne. Cette chute de la livre ainsi que la probable chute du dollar consécutive aux nombreux déficits américains, constitueront un lourd handicap pour l'industrie de défense française, qui produit dans une monnaie forte, l'euro. Cependant le Royaume-Uni bénéficie d'importants facteurs de réactivité. Il est probable que ce pays ne rejoindra pas la zone euro, à un moment où la monnaie européenne s'affirme face au dollar. Il en va de même pour les pays d'Europe centrale et orientale qui traversent d'importantes difficultés économiques et n'ont pas non plus intérêt à rejoindre trop vite l'euro ;

- l'instabilité du monde réduit à néant les éventuels dividendes de la paix : si les Etats-Unis se retirent progressivement d'Irak, c'est pour renforcer leur présence en Afghanistan. Ainsi de nouveaux risques, de nouvelles menaces se font jour avec la crise, ce qui devrait conduire les pays européens dans un contexte budgétaire contraint à mutualiser leurs efforts de défense et leurs politiques énergétiques. Cette dernière perspective semble très improbable, notamment du fait des désaccords sur l'emploi de l'énergie nucléaire ;

- il est patent que l'Europe n'associe pas ses compétences pour développer en commun l'appareil successeur du Rafale. Comme l'avait proposé le conseil économique de la défense dans son précédent rapport, une amélioration pourrait peut-être être obtenue, en France, par une meilleure articulation entre l'état-major, la DGA et les industries aéronautiques. Dans les quinze ans à venir, la Chine développera sa propre industrie aéronautique et pourra proposer à la vente des équipements militaires.

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