L'ancien étudiant en géographie que je suis, se souvient que dans les années 1960 déjà, les ports de Rotterdam et d'Anvers passaient pour des modèles à imiter mais que, déjà, l'action publique faisait tout le contraire ! De même, quand les Pays-Bas modernisaient leurs tramways, nous les supprimions pour laisser plus de place à la voiture, et voilà que nous devons faire le chemin inverse. Je n'oublie pas non plus que Rotterdam est presque intégralement conquis sur la mer : les Hollandais ont su faire bien mieux que nous, avec bien plus de handicaps géographiques. Mais c'est aussi qu'ils ont su faire converger leurs intérêts, fusionner leurs communes quand c'était nécessaire, au bénéfice des ports ! Nous avons fait des progrès, la fusion des chambres consulaires est un pas important, mais nous sommes encore loin de nos concurrents. Et le premier port du grand bassin économique du Nord-Pas-de-Calais, ce n'est pas Boulogne, Calais ou Dunkerque, mais c'est Anvers, en Belgique !
L'intérêt du canal Seine Nord Europe a été bien identifié dès les années 1950, on en parlait déjà à l'étudiant des années 1960. Car nos grands ports maritimes n'ont accès qu'à un hinterland limité, du fait de canaux trop étroits et de liaisons ferroviaires étriquées. Michel Delebarre, le maire de Dunkerque, était d'autant mieux prévenu de ces questions qu'il était sur les mêmes bancs que moi à l'université. Son action pour le port de Dunkerque est exemplaire, mais il n'a guère pu faire mieux que doubler le tonnage de la place portuaire, quand Anvers développait une formidable activité conteneurs. Mais si nous avons manqué le tournant de cette activité, c'est aussi que nous avons mis beaucoup d'argent dans le cap d'Antifer : voilà une opération qui a coûté cher, et qui n'a pas enrichi le territoire comme l'aurait fait le développement de grands ports à conteneurs tels que nous les appelons de nos voeux aujourd'hui.
Enfin, si je partage votre souhait de voir les collectivités locales prendre plus de place dans la gestion des ports, je ne suis pas certain qu'elles en aient les moyens. Attention, l'État doit continuer d'investir, ou nos ports ne rattraperont jamais leur retard ! Ou bien l'alternative, c'est de donner bien plus de pouvoirs aux collectivités locales, de les porter au niveau de responsabilité qu'elles ont en Allemagne ou au Benelux : elles auront alors réellement les moyens d'intervenir !