Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 6 juillet 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend la présentation du rapport d'information de M. Charles Revet, sur la réforme portuaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Avant que M. Revet nous présente son rapport, je veux rappeler combien notre commission se soucie du développement de nos ports maritimes : ce sujet est très important, nous avons adopté une loi portant réforme portuaire en juillet 2008, mais nous devons déplorer que, malgré la loi, la situation n'évolue pas comme nous le souhaiterions, en particulier parce que l'État ne sait pas toujours se réformer comme nous le lui demandons.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Vous parlez d'or, Monsieur le Président, deux exemples pour l'illustrer. Dans la loi sur le Grand Paris, nous avions demandé qu'une étude nous soit rendue, dans un délai d'un an, sur le développement de l'axe Seine ; le délai est passé, j'ai interrogé les services du ministère : on a d'abord éludé, avant de me faire répondre que l'étude allait être... seulement commanditée ! Idem pour le schéma régional de développement de l'aquaculture marine : nous l'avons demandé dans la loi de modernisation agricole et de la pêche, nous l'attendons encore, alors que le délai légal est consommé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Nous sommes donc tout à fait dans notre rôle, et nous devons assumer pleinement notre mission de contrôle : car les rapports d'information forcent l'administration à agir quand elle ne le fait pas comme nous le lui demandons dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je tiens tout d'abord à remercier vivement l'ensemble des membres du groupe de travail, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, René Vestri, Jean-Claude Merceron, Robert Navarro, et Gérard Le Cam, pour leur implication et l'excellent esprit de collaboration qui a conduit nos travaux.

Notre groupe de travail s'était fixé trois objectifs : examiner l'application de la loi de 2008, un texte que je connais bien pour en avoir été le rapporteur ; étudier la situation de certains grands compétiteurs de nos ports, au Nord comme au Sud de l'Europe ; proposer des mesures utiles à la relance de nos ports maritimes, à la lumière des enseignements tirés des ports étrangers.

Pour ce faire, nous avons compulsé les décrets d'application de la loi, et auditionné des représentants du ministère, des armateurs, des manutentionnaires, ainsi que les syndicats. Nous nous sommes déplacés à Marseille, à Sète, au Havre, à Nantes/Saint-Nazaire, à Dunkerque, à Rouen - nous nous sommes également rendus à Hambourg, à Rotterdam, à Tanger et à Algesiras.

Pourquoi parler de déclin des ports français ?

Le port de Marseille, premier port de France, premier port de la Méditerranée, n'occupe plus que le cinquième rang des ports d'Europe pour son trafic global et il ne figure qu'à la 13ème place européenne pour le trafic de conteneurs. Le port du Havre, premier port français pour les conteneurs, n'arrive qu'en 8ème place européenne sur ce segment d'activité, loin derrière les grands ports d'Europe du Nord puisque, par le nombre de conteneurs, il ne fait que le quart d'Anvers ou d'Hambourg, et le cinquième de Rotterdam. En activité totale, le port de Rotterdam, champion européen avec 430 millions de tonnes, fait presque le double de l'ensemble de nos sept grands ports maritimes : c'est dire combien nos ports passent pour secondaires à l'échelle du continent ! Et c'est dans ce contexte que le port d'Anvers serait devenu « le premier port français » pour le nombre de conteneurs à destination de l'Hexagone...

Ce déclin est inacceptable car la France dispose d'atouts remarquables. Elle possède la plus grande zone économique maritime au monde avec les États-Unis, quatre façades maritimes exceptionnelles, le plus long linéaire côtier d'Europe, des accès nautiques aisés, une position géographique et donc stratégique des ports de Marseille et du Havre sans équivalent à l'étranger.

La loi du 4 juillet 2008 avait précisément pour but de relancer les ports à travers deux grands objectifs.

Premier objectif : unifier la chaîne de commandement pour la manutention et mettre fin à la séparation entre la manutention dite verticale, assurée par les portiqueurs et les grutiers pour charger et décharger les navires, et qui étaient des salariés des établissements publics portuaires, et la manutention dite horizontale, assurée par les dockers, qui sont des salariés des entreprises de manutention. Pour unifier la chaîne de commandement, il fallait vendre tous les outillages portuaires aux entreprises de manutention et transférer les quelque 1000 salariés du public vers les entreprises de manutention.

Deuxième objectif : moderniser la gouvernance des ports, en créant notamment un directoire, un conseil de surveillance et un conseil de développement.

La loi de 2008 était ciblée, attendue, moderne et pragmatique. Ciblée, car elle ne visait que les sept ports autonomes, devenus grands ports maritimes, et pas les ports décentralisés, ni les ports fluviaux. Attendue, parce que le secteur n'avait pas connu de réforme depuis 1992 concernant les dockers. Moderne, puisqu'elle unifiait justement la chaine de commandement de la manutention. Et pragmatique, en donnant la priorité à la négociation avec les entreprises pour la vente des outillages et avec les syndicats pour le transfert des personnels.

Quel bilan tirer de l'application de la loi ?

Schématiquement, le Gouvernement a pris rapidement les décrets d'application de la loi, ce qui n'est pas courant ! Il a modifié avec célérité la gouvernance des ports. Il a également organisé avec diligence la vente des outillages, près de 80 grues, portiques et autres machines, mais il a fallu négocier des prix raisonnables avec les entreprises confrontées à une grave crise économique, sans brader les prix, grâce au contrôle d'une commission spéciale.

Les difficultés se sont concentrées sur les négociations relatives au transfert du personnel. Un accord cadre avait été conclu en octobre 2008, et il devait être décliné port par port pour régler les conventions de détachement de chaque salarié. Mais les négociations ont été très tendues, à cause des doutes sur la participation financière de l'État au dispositif et de la réforme des retraites qui s'est déroulée en parallèle. Le syndicat majoritaire, la CGT, a exigé que les négociations soient globales, et qu'elles portent sur la nouvelle convention collective unifiée, sur les accords de pénibilité et sur les accords locaux de détachement. Finalement, tous ces accords et la convention collective ont été signés le même jour, le 15 avril 2011. Les transferts des personnels ont été effectifs au plus tard le 11 juin 2011, conformément au délai fixé par la loi, soit deux ans après la signature du projet stratégique de chaque port.

La loi votée il y a trois ans n'est donc effective que depuis un mois seulement. Il faudra des mois voire des années pour en ressentir tous les bienfaits. Mais doit-on pour autant considérer que cette loi, aussi importante soit-elle, suffira à relancer nos ports ?

Non, car les causes du déclin des ports français que nous avions identifiées en 2008 restent malheureusement d'actualité. L'ensemble des membres du groupe de travail a la conviction qu'il n'existe pas une seule raison au déclin de nos ports, mais au moins quatre.

Première raison : la faiblesse de l'État stratège. Le groupe de travail fait cinq reproches à l'État : il n'a pas mis en oeuvre de politique ambitieuse d'investissements portuaires ; il s'est désengagé des ses obligations financières pour l'entretien des accès maritimes des ports ; il n'a pas allégé sa tutelle depuis 2008 ; il n'a toujours pas défini sa politique de dividendes et surtout, il a failli dans l'organisation des dessertes des ports pour irriguer efficacement leur hinterland.

Deuxième raison : Le manque de fiabilité des ports.

Ce problème est bien connu et ne doit pas être occulté. Mais il faut également le nuancer. Les grèves ont essentiellement concerné les portiqueurs et les grutiers, dont la situation n'avait pas été prise en compte par la réforme de 1992 et qui allaient donc être « transférés » vers le privé, conformément à la loi de 2008, laquelle respectait l'esprit d'une directive européenne. Ensuite, depuis 1994, les dockers du Havre n'ont jamais fait grève pour des revendications locales. A Marseille en revanche, où la réforme de 1992 n'a pas trouvé sa pleine application, la loi de 2008 a été suivie de conflits sociaux importants, avec des grèves à répétition entraînant le blocage du port. Ces conflits ont eu des conséquences économiques graves et ils ont durablement entamé la confiance des armateurs et des investisseurs dans la place de Marseille. De fait, les investisseurs ne s'engagent que s'ils peuvent compter sur le fonctionnement régulier et pérenne du port, les armateurs choisissent leur port d'attache seulement s'ils peuvent compter sur un temps d'escale rapide et sur quatre facteurs qui font la qualité du port : sa régularité, sa fiabilité, son efficacité et sa compétitivité. Ceci étant, je me dois de signaler que les syndicats que nous avons rencontrés paraissent dans un état d'esprit ouvert, responsable et constructif, et qu'ils souhaitent vivement être davantage associés à la vie de l'entité portuaire.

Troisième raison : un manque d'ancrage sur les territoires. La nouvelle gouvernance était censée donner plus d'autonomie de décision. Manifestement, il n'en est rien dans la réalité et aucun projet important ne peut être engagé sans l'aval de l'État. Le statut des ports a changé mais leur fonctionnement reste très sensiblement ce qu'il était avant la réforme. Le président du directoire, nommé par décret, dépend directement de l'État. En témoigne la prudence affichée par les projets stratégiques qui ont été adoptés et qui contrastent avec le volontarisme affiché par les responsables des ports étrangers du Nord et du Sud de l'Europe dans leurs investissements programmés ou déjà engagés. Dans les dix prochaines années, Anvers compte passer de 8 à 15 millions d'équivalent vingt-pieds (EVP), l'unité pour les conteneurs, quand Marseille et Le Havre visent chacun l'objectif de 5 millions : à ce rythme, Anvers continuera en 2020 à traiter plus de conteneurs que l'ensemble de nos sept grands ports maritimes !

Quatrième et dernière raison : la concurrence est faussée sur les places portuaires. Cette situation est méconnue, mais l'Autorité de la concurrence a récemment condamné des entreprises de manutention portuaire et des autorités portuaires pour entorse à la libre concurrence. Du reste, la Commission européenne vient d'ouvrir une enquête sur de possibles ententes illicites entre armateurs européens, dans sept pays de l'Union.

Comme vous le voyez, les causes du déclin des ports sont nombreuses. Les forces d'inertie existent à tous les niveaux et il revient au pouvoir politique de prendre les mesures volontaristes pour relancer les ports.

C'est pourquoi le groupe de travail s'est rendu à l'étranger pour prendre le pouls de la compétition internationale. Nous en avons tiré trois grands enseignements.

Premier enseignement : les autorités portuaires ont adopté une gouvernance entrepreneuriale, placée sous le contrôle des pouvoirs locaux plutôt que nationaux, même lorsque, comme en Espagne, l'État est propriétaire des ports. En 2004, la ville de Rotterdam qui gérait le port en régie a créé une société de droit privé à laquelle elle a confié la gestion du port. A Hambourg, l'établissement portuaire est public et il est rattaché à la ville État de Hambourg sans que le Gouvernement fédéral ait son mot à dire.

Deuxième enseignement : l'heure est aux investissements à grande échelle et à l'aménagement du territoire au service d'une économie maritime forte. A Rotterdam les investissements s'élèvent à trois milliards d'euros pour le projet Maasvlakte 2, une extension portuaire de 20 km2 sur la mer, avec des terminaux à conteneurs ultramodernes mais aussi une zone industrielle « propre ». Tanger Med a également mobilisé trois milliards d'euros pour son développement en créant de toutes pièces une plateforme portuaire ouverte en 2007 et qui rivalise déjà en capacité avec Le Havre, notre champion national. Les projets portuaires d'Hambourg s'élèvent à un milliard d'euros d'ici 2016. Les grands ports européens sont en compétition pour devenir les « hubs » des plus grandes compagnies d'armateurs. Et dans cette compétition, les ports concurrents sont aidés par des politiques publiques volontaristes au service d'une économie maritime forte. Les ports concurrents investissent bien au-delà de leur circonscription portuaire, en particulier dans la logistique, et ils peuvent compter sur un aménagement du territoire cohérent avec leur développement. Au Nord comme au Sud, les ports sont considérés comme des pivots du développement économique, pourvoyeurs d'emplois, mais également comme les outils principaux d'un développement économique désormais plus respectueux de l'environnement.

Troisième enseignement : les ports concurrents offrent des services complets et intégrés, du transbordement à la desserte rapide vers l'arrière-pays, avec des équipes commerciales particulièrement importantes. Il existe schématiquement deux modèles en Europe pour la manutention. Soit les ports ont joué la carte de la concurrence pour attirer les grands manutentionnaires mondiaux comme Rotterdam a su le faire avec la société ECT, qui traite aujourd'hui 7 millions de conteneurs par an. Soit les autorités publiques ont créé des sociétés privées à capitaux publics pour assurer la manutention des conteneurs. Ce deuxième choix a été mis en oeuvre par la ville d'Hambourg à travers la société HHLA qui manipule plus des deux tiers des conteneurs dans le port hanséatique. Les ports étrangers ont également automatisé la manutention des conteneurs, développé de puissantes plateformes logistiques et multimodales et ils mènent des stratégies commerciales conquérantes sans commune mesure avec celles mises en oeuvre en France.

J'en viens maintenant aux quinze propositions du groupe de travail, qui s'articulent autour de quatre grands axes.

Le premier axe consiste à élaborer une stratégie nationale pour nos ports, qui donne la priorité aux collectivités territoriales.

Ma première proposition consiste à modifier la gouvernance des ports par une réforme à deux étages, qui donne la priorité aux collectivités territoriales.

Premier étage : le mouvement de décentralisation des ports amorcé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui ne concernait que les ports d'intérêt national, doit se poursuivre et s'étendre aux grands ports maritimes. La nouvelle autorité portuaire pourrait être un établissement portuaire local ou un syndicat mixte, selon le choix des collectivités territoriales, qui pourrait différer pour chacun des sept ports. Cette autorité serait constituée d'un conseil de surveillance dont les membres représenteraient l'ensemble des collectivités territoriales et les acteurs économiques du bassin pertinent du port : région, département, structures intercommunales et autres collectivités intéressées. Le directeur du port serait nommé par le conseil de surveillance pour réaliser le plan stratégique et serait donc responsable devant lui.

Comme pour les ports d'intérêt national, le transfert des grands ports se ferait dans les conditions suivantes : la compensation financière de l'État serait calculée sur la moyenne des trois dernières années pour le volet fonctionnement, et des dix dernières années pour le volet investissement et elle serait indexée sur la dotation globale de décentralisation ; l'État conserverait la mission de police portuaire (sécurité et sûreté) mais aussi celle de coordination entre les ports ; la nouvelle entité portuaire gestionnaire aurait pleine compétence sur la stratégie de développement, sur la maîtrise d'ouvrage des travaux et sur le financement.

Quant au second étage du changement de gouvernance, il consiste à créer des conseils de coordination portuaire élargis et aux pouvoirs renforcés, qui engloberaient les grands ports maritimes décentralisés, les ports fluviaux pertinents mais aussi les ports secondaires, ce qui est une nouveauté par rapport au droit en vigueur. La mission de ces conseils élargis serait double : fixer les grandes orientations stratégiques portuaires, et coordonner les investissements entre les ports. Pour ce faire, il est nécessaire que la gouvernance de ces conseils soit la plus large possible, en incluant toute les régions et les collectivités concernées.

L'État aurait sa place dans les grands ports décentralisés et dans les conseils de coordination élargis, mais il n'aurait plus la majorité des voix.

Deuxième proposition : il faut encourager les investissements portuaires en créant des sociétés de développement local pour que les collectivités territoriales tirent un avantage financier de leur participation aux projets des ports. Aujourd'hui, ces participations sont pour ainsi dire à fonds perdu à travers les subventions publiques, ce qui ne les incite pas à s'intéresser au développement des ports.

Troisième proposition : il convient d'élaborer une stratégie nationale de coordination portuaire cohérente avec le schéma national des infrastructures de transport (SNIT). L'Allemagne a fixé en 2008 une « feuille de route » et des objectifs clairs à ses ports et nous devons suivre cet exemple pour nos ports.

Le deuxième axe vise à donner à l'État un rôle de coordonnateur et de facilitateur.

Notre quatrième proposition consiste à donner aux ports la maîtrise de leur politique foncière à travers un schéma d'aménagement stratégique. Le développement économique des ports doit avoir la même priorité que la protection de la biodiversité. Or, aujourd'hui le classement Natura 2000 bloque le développement des ports. Au nom de l'environnement, on empêche le développement des ports qui sont pourtant des pièces maîtresses pour le développement durable de notre économie tout entière. Il faut simplifier nos procédures et engager chaque bassin portuaire à élaborer son schéma d'aménagement en classant mieux les zones réservées à l'activité économique, et celles dédiées à la protection de la nature.

Cinquième proposition : le recours aux procédures dérogatoires doit être encouragé pour réaliser les projets des ports, de Réseau Ferré de France (RFF) et Voies navigables de France (VNF). Je pense notamment à la procédure des projets d'intérêt général qui a été retenue dans le cadre de la loi sur le Grand Paris.

Sixième proposition : il faut modifier la réglementation des affaires maritimes pour permettre la desserte de Port 2000 au Havre par des barges fluviales. Nos règles sont trop complexes, plus sévères qu'en Belgique et elles pénalisent notre transport fluvial. Le capitaine d'une même barge doit changer selon qu'elle navigue en zone fluviale ou maritime : c'est une source de retard, de coûts supplémentaires, il faut harmoniser !

Septième proposition : les efforts de modernisation et de communication des services douaniers doivent se poursuivre. D'importants efforts ont été réalisés depuis 2007, notamment en matière de régime de la TVA à l'import. La douane a introduit un nouveau régime, plus avantageux même que celui de nos voisins pour la trésorerie des entreprises, mais il est méconnu des entreprises.

Huitième proposition : le développement des entreprises de manutention et des zones logistiques doit être encouragé, notamment par la création de zones franches douanières. Il n'en existe qu'une à Bordeaux, alors que l'instauration de telles zones est très positive pour l'attractivité de nos ports. Je rappelle que les grands ports maritimes représentent aujourd'hui 225 000 emplois directs, indirects et induits, et que si on réussissait à doubler le nombre de conteneurs traités en France, on créerait environ 30 000 emplois.

Le troisième axe de réflexion du groupe de travail consiste à garantir une desserte de qualité de l'arrière-pays des ports par le fer, le fleuve et la route. C'est un des gros points faibles de nos ports, alors que « la bataille de la mer se joue à terre », selon un adage bien connu.

D'où notre neuvième proposition : les opérateurs de transport ferroviaire, fluvial et routier doivent avoir systématiquement une place dans les conseils de surveillance des ports, afin de favoriser le transport ferroviaire et fluvial et mieux coordonner les investissements. Il faut à tout prix éviter de répéter « l'erreur historique » de Port 2000, qui a été conçu en oubliant que soit traité en parallèle le transport fluvial et ferroviaire. Lorsque la première tranche de Port 2000 a été inaugurée par M. Dominique Perben, aucun train et aucune barge ne pouvait y accéder directement !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

La dixième proposition concerne le fret ferroviaire, qui a besoin d'une réforme radicale de la gestion des sillons, de la création d'opérateurs ferroviaires de proximité systématique dans chaque port et de la mise en place rapide des corridors de fret imposés par un règlement européen de septembre 2010.

La onzième proposition vise à encourager le transport fluvial, en permettant la navigation en permanence sur le réseau magistral et notamment la Seine, et en imposant un tarif unique pour les manutentionnaires portuaires, quel que soit le mode d'acheminement retenu pour les marchandises. Cette mutualisation des prix est en vigueur dans le nord de l'Europe et rencontre un grand succès.

Douzième proposition : il faut encourager le développement des ports secondaires et des ports fluviaux par une harmonisation fiscale et une réforme de la gouvernance et de la manutention. Ces ports sont indispensables pour relayer le développement des locomotives que sont les grands ports maritimes.

Le quatrième et dernier axe de nos réflexions concerne l'amélioration du fonctionnement des ports.

La treizième proposition consiste à créer dans chaque port une équipe de promotion commerciale axée sur l'international et à mieux anticiper les investissements futurs.

Avant-dernière proposition : il faut garantir une saine et loyale concurrence dans les ports, notamment ultra-marins, en créant notamment un « HHLA à la française », c'est-à-dire une entreprise privée à capitaux publics spécialisée dans la manutention des conteneurs et qui ne soit pas affiliée à un armateur en particulier.

Enfin, dernière proposition : le dialogue social dans le secteur portuaire, tant dans la branche que dans les ports, doit être modernisé. C'est une volonté commune de tous les acteurs portuaires, il faut les entendre !

Notre groupe de travail s'est consacré à la réforme portuaire, mais nous sommes bien conscients que l'activité maritime est plus large, et qu'on ne saurait parler de la mer sans évoquer la pêche. Et la situation nous y inquiète tout autant : la France dispose de la deuxième zone maritime mondiale, mais nous importons 85 % des poissons et crustacés que nous consommons. La mer est un vivier essentiel pour l'alimentation de demain : l'importance de notre zone maritime nous donne une responsabilité éminente pour l'avenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Merci pour cet excellent rapport, qui démontre combien il reste à faire pour relancer l'activité de nos ports maritimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Je m'associe aux remerciements et aux félicitations : cette mission de contrôle est nécessaire et nous y avons travaillé, beaucoup, dans d'excellentes conditions, grâce à un consensus qui vaut aussi bien pour le diagnostic que sur les principales recommandations.

La réforme de 2008 fait application de normes européennes, elle vise à ce que nos ports s'organisent mieux, pour être plus performants. Ce que nous avons constaté à l'étranger, c'est que les ports concurrents sont très compétitifs et qu'ils se projettent dans l'avenir, avec des objectifs bien plus ambitieux que les nôtres.

Le volet social nous est apparu un peu comme l'arbre qui cache la forêt : les grèves ont certes affaibli nos ports, mais elles sont loin d'être leur seule faiblesse ! Ce qui explique qu'il nous faut maintenant « ramer » deux fois plus, pour reconquérir les marchés perdus, mais aussi rattraper le retard de nos ports vis-à-vis de leurs concurrents.

Nous avons également constaté que la rente pétrolière peut être un facteur, sinon d'immobilisme, du moins de lenteur. Le port de Marseille, par exemple, est rentable, grâce aux hydrocarbures ; mais cette rente n'est pas éternelle et, surtout, elle masque la nécessité d'investir dans le trafic de conteneurs, alors que nous y avons les meilleurs atouts et que ce secteur est devenu le principal levier du développement portuaire.

Je crois, encore, que le renforcement des acteurs locaux dans la gestion portuaire sera une étape essentielle dans le développement portuaire. Depuis le transfert des ports secondaires, je constate, dans ma région, que les ports sont inclus dans une stratégie régionale, qu'ils renforcent leurs complémentarités, ce qui paraissait impossible il y a encore quelques années. Nous l'avons également constaté à Sète.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Autre point essentiel : les dessertes, le raccordement des ports aux grands réseaux d'infrastructures terrestres. Je vois encore l'ébahissement de notre collègue M. Louis Nègre, lorsque les responsables du port de Hambourg lui ont répondu qu'ils recouraient beaucoup au train parce que le ferroviaire était à la fois plus sûr et moins cher que les autres moyens de transports... tout l'inverse de chez nous, notre collègue croyait rêver !

Je pense également que nous devons tenir compte du caractère foncièrement marin de certains ensembles géographiques, de certaines régions, caractère qui se saurait coïncider avec les frontières figées des façades maritimes, surtout quand, pour la Bretagne par exemple, le raisonnement par façades oppose ce qui est uni dans ce que j'appellerai « la maritimité » bretonne. De fait, en raisonnant par façades, par exemple pour la protection du littoral ou la gestion de l'eau, on oppose le Nord de la Bretagne, rattaché au préfet maritime de la Manche, et le Sud de la Bretagne, rattaché au préfet maritime de l'Atlantique : c'est parfaitement arbitraire !

Enfin, je crois salutaire qu'on puisse demain confier nos ports à des responsables formés aux techniques de l'entreprise et du commercial, plutôt qu'à la seule haute administration, aussi compétente soit-elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Je remercie également notre rapporteur pour l'excellent climat qui a présidé à nos travaux. Je partage la consternation de voir nos ports relégués au trentième rang mondial, alors que nous sommes géographiquement, dans une position stratégique des plus enviables. La loi de 2008 a dû attendre trois années pour être effective, c'est trop long, mais surtout, elle ne suffira pas à combler l'écart avec les autres grands ports européens.

Au cours des visites que nous avons effectuées, je suis passé du découragement à l'espoir : d'abord impressionné par le retard de nos ports, j'ai été rassuré ensuite de voir que tous nos interlocuteurs portuaires étaient conscients du caractère indispensable de la réforme et d'une évolution forte de la gouvernance portuaire, pour la relance des ports maritimes.

L'administration doit revenir à sa mission première qui est d'accompagner plutôt que de freiner les évolutions de la société. Les ports doivent repenser leur organisation, en particulier pour définir leur stratégie foncière : il est essentiel qu'ils maîtrisent leur foncier, pour développer leur activité. Il faut également moderniser le dialogue social, pour renforcer la confiance entre ceux qui travaillent, qui font la vie du port : les ports doivent mieux communiquer sur leurs objectifs stratégiques, ils doivent travailler avec les entreprises pour renforcer leur compétitivité, leur gouvernance doit être ancrée au territoire, ce qui plaide pour une véritable décentralisation de l'autorité portuaire. Enfin, il est impératif de raccorder les ports aux réseaux ferrés, fluviaux et routiers, il faut améliorer leur desserte : le combat de la mer se gagne effectivement à terre !

J'espère de tout coeur que ce rapport d'information ne sera pas lettre morte : il est urgent qu'il se traduise dans les faits !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Je remercie à mon tour notre rapporteur, qui a très bien su valoriser notre volonté commune d'enrayer le déclin des ports français. Cependant, le groupe CRC-SPG fera une contribution, pour préciser notre analyse. D'abord sur le fond : le développement de nos ports n'est pas une finalité en soi, mais un outil pour que notre économie globale respecte mieux notre environnement, les transports maritimes et l'intermodalité sont l'exemple même des transports « propres » qu'il faut encourager pour respecter nos objectifs du Grenelle. Nous sommes également favorables à ce que les collectivités locales jouent un rôle plus important, surtout qu'actuellement, elles n'y investissent qu'à fonds perdus puisqu'elles ne touchent aucun dividende. Cependant, ce renforcement des collectivités locales ne va pas sans nous inquiéter, d'abord sur le plan budgétaire. L'État compenserait le transfert, par une dotation calculée sur la moyenne des dix dernières années pour l'investissement : sachant qu'il n'a pas assez investi dans les ports, on peut en déduire que la compensation sera loin de suffire. De même, on apprend que la participation de l'État aux dépenses inscrites au SNIT ne dépasserait pas 30 % : ce n'est pas rassurant pour la desserte des ports, surtout quand on sait que RFF, du fait de son endettement, freine les investissements plutôt qu'il ne les accélère. Nous sommes circonspects également sur le volet administratif : une chose est de critiquer les lourdeurs administratives et d'appeler à une action plus rapide de l'État, une autre est de prévoir les effectifs suffisants pour y parvenir, on le constate par exemple avec la DGCCRF, qui manque de moyens pour effectuer les contrôles qu'on attend d'elle.

Sur le plan social, la situation nous est apparue apaisée, c'est une bonne chose et nous espérons que cela durera et que les salariés seront mieux associés au développement portuaire. Nos ports disposent d'atouts formidables, en particulier l'espace : nous l'avons constaté en particulier à Dunkerque, qui peut se développer rapidement sur des friches disponibles : il faut saisir cette occasion formidable !

Les ports sont des outils uniques pour le développement durable, il faut en tenir compte pour accompagner leur extension, pour leur donner les moyens d'aménager leur foncier. Nous devons simplifier nos procédures d'urbanisme, pour que les ports ne soient pas accablés d'obligations dès qu'ils envisagent un aménagement. Nous pourrions prendre exemple sur nos communes, où nous n'avons pas besoin de modifier le PLU pour chaque opération.

Aussi, sans en partager toutes les recommandations, nous voterons ce rapport, parce que nous en partageons l'optimisme. Cependant, maintenant que nous avons écrit au Père Noël, il va falloir trouver de quoi acheter les cadeaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Ce rapport est intéressant et important. Nous devons libérer les ports de la tutelle administrative, en y associant les collectivités locales et les chambres consulaires. Faut-il les privatiser ? Je ne le crois pas. Mais nous devons prendre toute la mesure de la situation actuelle. Port 2000 est enfin inauguré, mais sans être raccordé aux infrastructures de transport terrestre. Il n'y a que l'État pour faire une chose aussi extravagante ! Les ports ont besoin de services commerciaux chevronnés : l'État, assurément, ne sait pas faire.

Je suis surpris d'apprendre que les syndicats ne sont pas davantage associés au développement des ports et des entreprises portuaires. Les salariés sont la richesse des entreprises, il n'y a que l'État, une fois encore, pour négliger une telle réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Comme à son habitude et comme, par exemple, pour l'aquaculture, M. Charles Revet nous présente une excellente analyse, pertinente et sans concession. Son travail mérite mieux qu'un rapport d'information, et ne doit pas prendre la poussière, oublié sur une étagère : il faut le traduire dans la loi ! Savons-nous ce qu'en dit le Gouvernement ?

Une remarque sur le territoire pertinent pour le développement portuaire : il faut y associer plusieurs régions, mais également plusieurs chambres consulaires.

Je regrette, enfin, que votre groupe de travail n'ait pas eu le temps de visiter le port de Bordeaux. Vous y auriez apprécié, notamment, notre zone franche, cas unique en France, qui nous donne grande satisfaction en particulier pour l'emploi local. Nous déplorons, cependant, que l'essentiel des exportations de vins de Bordeaux passe par Le Havre plutôt que par le port de Bordeaux : c'est l'effet des entreprises de logistiques et des armateurs, qui ont leur propre politique, qui choisissent les grands ports en délaissant les ports secondaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

L'ancien étudiant en géographie que je suis, se souvient que dans les années 1960 déjà, les ports de Rotterdam et d'Anvers passaient pour des modèles à imiter mais que, déjà, l'action publique faisait tout le contraire ! De même, quand les Pays-Bas modernisaient leurs tramways, nous les supprimions pour laisser plus de place à la voiture, et voilà que nous devons faire le chemin inverse. Je n'oublie pas non plus que Rotterdam est presque intégralement conquis sur la mer : les Hollandais ont su faire bien mieux que nous, avec bien plus de handicaps géographiques. Mais c'est aussi qu'ils ont su faire converger leurs intérêts, fusionner leurs communes quand c'était nécessaire, au bénéfice des ports ! Nous avons fait des progrès, la fusion des chambres consulaires est un pas important, mais nous sommes encore loin de nos concurrents. Et le premier port du grand bassin économique du Nord-Pas-de-Calais, ce n'est pas Boulogne, Calais ou Dunkerque, mais c'est Anvers, en Belgique !

L'intérêt du canal Seine Nord Europe a été bien identifié dès les années 1950, on en parlait déjà à l'étudiant des années 1960. Car nos grands ports maritimes n'ont accès qu'à un hinterland limité, du fait de canaux trop étroits et de liaisons ferroviaires étriquées. Michel Delebarre, le maire de Dunkerque, était d'autant mieux prévenu de ces questions qu'il était sur les mêmes bancs que moi à l'université. Son action pour le port de Dunkerque est exemplaire, mais il n'a guère pu faire mieux que doubler le tonnage de la place portuaire, quand Anvers développait une formidable activité conteneurs. Mais si nous avons manqué le tournant de cette activité, c'est aussi que nous avons mis beaucoup d'argent dans le cap d'Antifer : voilà une opération qui a coûté cher, et qui n'a pas enrichi le territoire comme l'aurait fait le développement de grands ports à conteneurs tels que nous les appelons de nos voeux aujourd'hui.

Enfin, si je partage votre souhait de voir les collectivités locales prendre plus de place dans la gestion des ports, je ne suis pas certain qu'elles en aient les moyens. Attention, l'État doit continuer d'investir, ou nos ports ne rattraperont jamais leur retard ! Ou bien l'alternative, c'est de donner bien plus de pouvoirs aux collectivités locales, de les porter au niveau de responsabilité qu'elles ont en Allemagne ou au Benelux : elles auront alors réellement les moyens d'intervenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Les partenariats public-privé sont une piste à explorer pour faciliter le financement des investissements portuaires. Je rappelle également qu'une délégation de la commission de l'économie, à laquelle notre collègue Charles Revet avait participé, s'était rendue en 2007 sur le port de Hong-Kong et avait été très impressionnée par l'automatisation des terminaux à conteneurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Notre objectif n'est pas de concurrencer les grands ports asiatiques, mais de gagner en rapidité pour les investissements. Un ancien directeur du port du Havre, qui voyage régulièrement en Chine, m'a fait cette comparaison : pour deux projets portuaires similaires lancés en même temps, le chinois sera déjà inauguré, quand le français sera encore à la phase d'étude ! Quoiqu'il en soit, nous sommes favorables, j'exprime ici un voeu unanime, à aller plus loin qu'un rapport d'information : peut-on envisager le dépôt rapide d'une proposition de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Dans un premier temps, nous pourrions demander l'inscription d'un débat en séance publique, dès octobre. Puis une proposition de loi, qui aurait d'autant plus de poids qu'elle serait signée par l'ensemble des membres du groupe de travail et dont la commission demanderait l'inscription en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Nous nous tenons prêts ! L'unanimité nous donne effectivement plus de poids et je crois que les députés sont dans le même état d'esprit que nous, pour relancer nos ports. Une proposition de loi est préférable à un projet, qui en atténuerait très probablement la portée.

Je me félicite du consensus qui a présidé à l'élaboration de nos propositions. S'agissant des résultats financiers des ports, je rappelle que Marseille enregistre de bonnes performances mais c'est essentiellement grâce à la rente pétrolière. Et avec l'application des directives européennes, les ports sont obligés d'instaurer une séparation comptable entre leurs activités, ce qui empêchera les péréquations entre les secteurs rentables et ceux déficitaires. Sur le fret ferroviaire, il y a beaucoup à faire. Chaque fois que je viens du Havre par le train, je suis stupéfait du nombre de locomotives parfois neuves que je vois stationnées à Sotteville-les-Rouen ou à Vernouillet : elles sont à l'arrêt, plutôt qu'au service de Fret -SNCF ! Ne peut-on pas mieux gérer les sillons en concentrant les trains de fret sur des plages horaires ciblées et en créant des zones d'évitement pour permettre le passage des trains prioritaires ?

Comme le dit Jean-Claude Merceron, notre groupe de travail est passé du découragement à l'espoir en observant ce qui se fait dans les ports étrangers. Mais pour que nos attentes soient entendues, encore faut-il que l'on réforme la gouvernance des ports pour mieux les ancrer dans les territoires.

A l'instar de notre collègue Gérard Le Cam, je constate que le climat social s'est apaisé dans les ports. Les syndicats souhaitent avancer et être mieux associés au développement portuaire. Nos ports ont un fort potentiel de croissance, c'est évident. A Dunkerque, les réserves foncières sont si importantes, que l'activité portuaire pourrait passer rapidement à 200 millions de tonnes, nous a-t-on dit lors de notre visite. Bien évidemment, le groupe CRC-SPG, même s'il vote notre rapport d'information, conserve toute liberté d'y annexer une contribution.

Je suis opposé à la privatisation complète des ports. Regardons ce qui se passe dans le monde : les armateurs, comme les manutentionnaires, sont de plus en plus puissants. Le port de Dunkerque en a fait l'amère expérience, lorsqu'il a cédé un terminal à un opérateur privé, ceci dès 1999 : l'opérateur avait des intérêts à Anvers, et tout s'est passé comme si son objectif à Dunkerque était d'y geler l'activité, pour ne pas faire de concurrence à Anvers ! Heureusement, le port a pu reprendre la main sur ce terminal. Il faut donc être capable de faire contrepoids, si besoin est, en créant des sociétés spécifiques. C'est ce qui se passe par exemple à Hambourg avec HHLA, qui fait jouer la concurrence entre armateurs.

Sur le financement des investissements portuaires, il ne faut pas trop attendre de l'État. Mais cela n'empêche pas d'agir ! Le pont de Normandie a été financé par la chambre de commerce et d'industrie du Havre, sans participation de l'État, mais avec les garanties financières des collectivités territoriales concernées, dont le conseil général de Seine-Maritime que j'avais alors l'honneur de présider. Ceci, sans qu'il en coûte un centime au contribuable local ! Autrement dit, la simple garantie financière des collectivités financières est une voie à approfondir.

Pour finir, je forme le voeu que ce rapport contribue à changer le regard que notre pays porte sur la mer !

La commission entend ensuite la présentation du rapport d'information de M. Hervé Maurey sur la couverture numérique du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le secteur numérique est en pleine évolution, comme en témoigne la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite « loi Pintat » ; l'annonce par le Président de la République en février 2010 d'objectifs ambitieux en termes de très haut débit, soit 70 % de la population métropolitaine raccordable d'ici 2020 et 100 % d'ici 2025 ; la présentation en juin 2010 du plan national très haut débit (PNTHD) ; l'attribution en cours des fréquences pour la 4G, prochaine génération de téléphonie mobile... La déception est pourtant de mise aujourd'hui, la conférence de presse du chef de l'État sur les investissements d'avenir où il n'a, le 27 juin dernier, quasiment pas abordé la question du numérique. Aussi, afin de sensibiliser les pouvoirs publics à la nécessité d'intervenir, j'ai choisi d'intituler ce rapport : Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes.

La première partie illustre à quel point les technologies numériques sont un atout indispensable pour l'aménagement du territoire. Économiquement, les territoires ne bénéficiant pas d'une bonne couverture numérique seront soumis à un inexorable déclin ; inversement, ceux qui sont bien desservis attireront l'activité. S'agissant des services publics, les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont, en permettant le développement de l'« e-administration », un moyen de compenser leur moindre présence physique dans les espaces ruraux. Des projets intéressants sont mis en place en matière d'« e-éducation », tels que le plan « écoles numériques rurales ». L'« e-santé » est une réponse à développer face à la réduction de l'offre de soin en milieu rural. Enfin, en matière de qualité de vie, internet offre de nombreux services aux habitants des campagnes tels que la recherche d'emploi ou de biens immobiliers, l'accès à une offre culturelle et de loisirs, le commerce à distance...

Dans un deuxième temps, le rapport souligne que la situation en matière de réseaux numériques est loin d'être satisfaisante.

S'agissant du haut débit, 98,3 % des foyers bénéficient d'un accès par ADSL. Ce chiffre peut paraître satisfaisant mais il masque le fait que 450 000 foyers ne sont pas éligibles et surtout, il concerne les foyers bénéficiant d'une connexion à partir de 512 kb/s. Or, comme l'a rappelé le ministre en charge de l'économie numérique, M. Eric Besson, lors de son audition devant la commission le 21 juin, il faut aujourd'hui un minimum de 2 Mb/s. Si on prend en compte ce seuil, c'est seulement 77 % des foyers qui disposent d'une telle connexion. Quant à l'offre triple play, qui nécessite environ 8 Mb/s, environ la moitié de la population ne peut pas y accéder dans de bonnes conditions. Le satellite permet de porter à 100 % l'offre « haut débit » sur tout le territoire, mais les services offerts et le prix sont moins avantageux que ceux du réseau cuivre. Il doit donc demeurer une technologie d'appoint.

Pour ce qui est de la téléphonie mobile, le rapport récent de notre collègue Bruno Sido sur le sujet faisait état d'un taux de couverture de 99,82 % de la population par au moins un opérateur en technologie 2G, taux que la 3G égalera fin 2013. Cela signifie en creux que 100 000 personnes, représentant 2,3 % du territoire, demeurent en « zones blanches », 13 départements concentrant 50 % de ces dernières. De plus, le programme d'extension de couverture dans ces zones n'est à ce jour pas achevé, et l'instrument de mesure utilisé insatisfaisant dans la mesure où il considère comme couverte une commune dont seul le centre-bourg est desservi. En outre, il existe un différentiel entre la couverture théorique communiquée par les opérateurs et la couverture réelle relevée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), du fait de l'insuffisante densité du réseau. Enfin, le critère de mesure utilisé pour réaliser ces mesures est archaïque car il ne prend en compte que les zones habitées, à l'extérieur des bâtiments et en situation fixe.

Pour ce qui est du très haut débit, le déploiement est encore embryonnaire puisque seuls 1 135 000 foyers sont raccordables et 520 000 effectivement abonnés.

Le modèle de déploiement adopté pour le très haut débit suscite en effet des inquiétudes :

- pour le très haut débit mobile. Si l'objectif prioritaire d'aménagement du territoire a été rappelé par le Parlement et par la commission du dividende numérique, il conviendra de demeurer vigilant quant à son respect dans la procédure d'appel d'offre pour les licences 4G et dans le calendrier de déploiement des opérateurs. Le ministre a en effet entretenu le doute en soulignant que les fréquences constituaient le patrimoine immatériel de l'État et ne devraient pas être bradées ;

- pour le très haut débit fixe. Différents autres modèles de déploiement de la fibre optique étaient envisageables, comme le recours à un opérateur mutualisé, à un opérateur unique sur fonds publics comme en Australie, à des partenariats public-privé comme en Finlande ou à des concessions au niveau régional. Ce dernier modèle alternatif, qui est celui des autoroutes, aurait eu l'avantage de confier la charge du déploiement à des sociétés de bâtiments et travaux publics (BTP) habituées à des taux de retour sur investissement faibles sur de longues périodes, là où les opérateurs de télécoms recherchent une rentabilité forte sur un court délai. Le programme choisi par l'État vise à favoriser l'investissement privé et distingue trois zones :

- la zone 1 : zone dense, zone rentable où les investisseurs privés iront sans difficulté (présence de plusieurs opérateurs) ;

- la zone 2 : zone moyennement dense où l'investissement privé est possible sous forme de co-investissement ;

- la zone 3 ; zone non dense où seul un investissement public est possible.

Le PNTHD, dans sa première version, prévoyait d'affecter un milliard d'euros aux opérateurs en zone 2 et 750 millions aux collectivités en zone 3, enveloppe portée par la suite à 900 millions pour ces dernières. En revanche, à la suite des annonces des ministres, le 27 avril 2011, les projets intégrés des collectivités, portant à la fois sur des zones denses et non denses, ne seront aucunement subventionnés, là où ils devaient tout de même l'être sur la partie non dense dans la première version. Ce choix est critiquable dans la mesure où il cantonne de facto l'intervention des collectivités aux seules zones non rentables, interdisant ainsi toute péréquation. Les opérateurs n'iront quant à eux qu'en zone rentable et pourront, en outre, bloquer les projets des collectivités en annonçant des déploiements que rien ne les oblige ensuite à tenir. Des doutes ont ainsi été émis quant à l'engagement de France Telecom de couvrir 60 % des foyers d'ici 2020 pour 2 milliards d'euros : outre que cela représente une faible partie du territoire, divers organismes ont estimé à 7 milliards d'euros le coût d'un tel déploiement. Enfin, les 900 millions d'euros prévus pour les collectivités sont finalement assez limités au regard des besoins, chiffrés globalement à une vingtaine de milliards d'euros.

Dans une troisième et dernière partie, le rapport formule des préconisations.

Les premières sont d'ordre général :

- redonner à l'État un rôle actif dans l'aménagement numérique du territoire. Certes, la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie a reconnu aux collectivités le droit de principe d'établir et d'exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de télécommunications, certes les moyens des pouvoirs publics sont aujourd'hui limités, mais cela ne justifie pas pour autant que l'État abandonne toute gouvernance. A cet égard, on ne peut que regretter la non reconduction dans l'actuel gouvernement du secrétariat d'État à l'économie numérique et d'un ministère exclusivement en charge de l'aménagement du territoire. Il conviendrait par ailleurs que les préfets soient davantage investis sur ces problématiques à l'échelle locale ;

- élargir le champ de compétence des schémas d'aménagement numérique du territoire (SDANT). Il faudrait ainsi les rendre obligatoires, les étendre pour qu'ils concernent tous les aspects de la problématique numérique - très haut débit, mais aussi haut débit et téléphonie mobile -, les rendre opposables aux documents d'urbanisme et en faire la base d'engagements avec les opérateurs ;

- réaffirmer le droit des collectivités territoriales à intervenir sur la totalité de leur territoire ;

- privilégier la mise en place d'obligations imposées aux opérateurs en termes de couverture des territoires plutôt que la création régulière de prélèvements fiscaux supplémentaires (taxe de 0,9 % pour le financement de l'audiovisuel public, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux...).

La deuxième catégorie de préconisations est constituée de mesures spécifiques.

En matière de téléphonie mobile, il est ainsi proposé de :

- créer un groupe de travail composé de représentants de l'État, des collectivités et des consommateurs pour redéfinir les critères servant à définir les taux de couverture ;

- achever la réalisation du programme de résorption des zones blanches et de rendre celui-ci obligatoire dans les départements où il n'est pas en place ;

- dans le cadre des SDANT, mettre en place une négociation pour améliorer la couverture des territoires ;

- veiller à ce que l'aménagement du territoire demeure l'objectif prioritaire de la 4G dans le cadre de l'attribution des licences et ensuite de son déploiement ;

- favoriser la mutualisation entre opérateurs pour l'achèvement des réseaux existants comme pour la construction du futur réseau 4G.

Pour ce qui est du haut débit, il est suggéré :

- de mettre en place un véritable haut débit pour tous sur la base de 2Mbit/s dès 2012 et de 8Mbit/s en 2015. L'inclusion du haut débit dans le service universel n'est pas pour autant proposée, car le coût en est évalué par l'Arcep à 800 millions d'euros par an, une somme qu'il paraîtrait plus opportun d'utiliser pour le financement du très haut débit ;

- sur la base des SDANT, de négocier avec les opérateurs une amélioration de la couverture en haut débit sur chaque territoire ;

- de rendre la montée en débit éligible au fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT) sur des secteurs clairement définis, lorsqu'elle constitue une solution permettant d'offrir du haut débit à des territoires qui ne seront pas, à brève échéance, desservis par le très haut débit ;

- de privilégier la couverture haut débit par l'ADSL et de ne recourir aux autres technologies, notamment satellitaires, qu'à titre palliatif.

S'agissant enfin du très haut débit, les propositions consistent à :

- prendre au plus vite les dispositions règlementaires d'application prévues par la « loi Pintat » ;

- élaborer une nouvelle circulaire interministérielle sur la base de celle du 31 juillet 2009 relative à l'aménagement numérique des territoires intégrant les nouvelles dispositions prévues par la loi précitée ;

- permettre aux collectivités de couvrir la totalité de leur territoire afin de favoriser la péréquation territoriale ;

- ramener, conformément au droit européen, de 5 ans à 3 ans le délai dans lequel les opérateurs doivent commencer leur déploiement et exiger des opérateurs des informations plus précises en termes de budget et de calendrier de déploiement ;

- transformer les déclarations des opérateurs en engagements contractuels sur la base des SDANT ;

- donner à l'ARCEP le pouvoir de prendre des sanctions en cas de non respect de ces engagements ;

- fixer dans les SDANT une date butoir pour le basculement du réseau cuivre vers le réseau fibre ;

- prévoir dans le code des postes et communications électroniques (CPCE) un statut spécifique propre aux réseaux d'initiative publique (RIP) ;

- réactiver le comité national du très haut débit instauré en 2007 après une éventuelle révision de son mandat et de sa composition ;

- abonder dès 2012 le FANT, afin de réduire le montant des versements annuels et d'afficher un signal fort, de préférence par une dotation de l'État ;

- financer les projets des collectivités territoriales par le FANT en fonction de leur coût et des capacités financières de chaque collectivité ;

- revoir les modalités d'utilisation du milliard d'euros du guichet A du Fonds national pour la société numérique (FSN), constitué de prêts aux opérateurs, pour le réorienter en partie vers du coinvestissement ;

- confier à l'Arcep compétence pour réguler la tarification des services très haut débit aux entreprises, ainsi que pour analyser celle de l'accès à la boucle locale cuivre de France Telecom ;

- assurer en priorité le déploiement du très haut débit en zone rurale, où les besoins et l'appétence sont les plus forts, en commençant par les zones d'activité et les services publics ;

- harmoniser les référentiels techniques pour les réseaux très haut débit ;

- favoriser l'ouverture par les opérateurs propriétaires des réseaux aériens à la pose de fibre optique ;

- dresser dès 2013 un premier bilan et envisager si nécessaire la mise en place d'un autre type de déploiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Tout d'abord, au nom de l'ensemble du groupe d'études postes et télécommunications, je tiens à dire que ce rapport est très complet et qu'il propose des pistes de propositions intéressantes. Je voudrais y ajouter quelques remarques.

Premier point : depuis 1996, le Parlement a pris un certain nombre de décisions et a fait des choix. La question de la séparation fonctionnelle de l'opérateur historique a été longuement débattue, sans suite pour l'instant. La question de l'organisation et des limites de la concurrence par rapport au service public a également été discutée.

Surtout, quelles que soient les majorités, le souci principal qui a prévalu a été de faire des promesses pour faire plaisir à tout le monde sans contrarier personne.

Ainsi aujourd'hui, on trouve la meilleure couverture de téléphonie mobile dans les pays où il n'y avait pas de réseau fixe : lorsqu'on n'a pas le choix entre plusieurs options, on ne se pose pas de questions et on agit. En Roumanie par exemple, la téléphonie mobile couvre 100 % du territoire car les réseaux fixes étaient dans un état tel qu'ils ont été supprimés.

Dans mon département, plus de 80 % de la population reçoit la télévision par satellite de façon satisfaisante. S'il avait fallu attendre un débit suffisant par le câble, par exemple, on serait toujours en train d'attendre le basculement à la télévision numérique terrestre (TNT). Le satellite ne peut pas être considéré seulement comme un palliatif.

D'autre part, pendant trente ans, des accords avec France Télécom ont permis d'enterrer l'essentiel des réseaux numériques. Au final, malgré les investissements massifs des collectivités territoriales, les réseaux appartiennent juridiquement à France Télécom.

Dans certains secteurs, on gagnerait sûrement beaucoup de temps à faire de la fibre optique en aérien, comme le fait le Canada par exemple, parce qu'il existe un certain nombre de supports qui le permettent, en particulier la basse ou la moyenne tension.

Enfin, dans les propositions qui sont faites, il est vrai que l'Arcep peut apparaître comme une pâle copie des autorités de régulation des pays anglo-saxons. Il y a déjà eu une tentative d'introduire un commissaire du gouvernement en son sein : à un moment donné, si l'on veut que l'État reprenne la main, il est nécessaire qu'il soit représenté au sein d'une instance comme celle-ci.

Les collectivités territoriales peuvent en réalité aujourd'hui faire ce qu'elles veulent sur le territoire, comme par exemple déployer la fibre optique. Le problème, c'est de ne pas oublier la concurrence avec les opérateurs de télécommunications privés, comme le rappelle l'Autorité de la concurrence de façon très sérieuse. Si l'on veut reprendre la main, ce sera donc par voie législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Je voudrais tout d'abord féliciter notre collègue Hervé Maurey pour la qualité de son rapport. Je souhaiterais également rappeler que depuis la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, il n'y a de service universel que pour la téléphonie fixe. En France, les gouvernements successifs n'ont pas accepté qu'on puisse reconnaître le service universel pour la téléphonie mobile puis pour le haut et le très haut débit. Les derniers gouvernements se sont retranchés derrière la position de l'Union européenne, qui ne voulait pas jusqu'à présent reconnaître l'intérêt du service universel, mais aussi derrière les inquiétudes des opérateurs.

Aujourd'hui, à ma connaissance, l'Union européenne s'interroge pour la première fois sur l'intérêt du service universel : il est important je crois que l'Union européenne oriente ses réflexions dans ce sens et il convient également de donner aux opérateurs le temps de s'adapter. Il faut prendre en compte cette donnée pour l'avenir, quel que soit le sort qui sera réservé à cette réflexion en cours.

Sur la 4G, la procédure d'attribution des licences est, me semble t-il, engagée avec un objectif de 90 % de couverture de la population de chaque département. Par ailleurs, il paraîtrait que ce déploiement pourrait brouiller la réception TNT de 20 % des foyers. Si tel était le cas - je ne l'ai pas vérifié - quelles solutions faudrait-il mettre en oeuvre ? Est-ce que les aides prévues en matière de déploiement de la TNT resteraient valables ?

Sur le haut et le très haut débit, le Gouvernement avait promis qu'en 2025, la totalité de la population serait desservie. En réalité, Orange ne s'engage pour 2020 qu'à un taux de couverture de 60 % et avec une estimation financière qui semble par ailleurs très insuffisante par rapport au coût réel de la couverture, comme l'a indiqué le rapporteur dans son introduction. Cela pose la question du financement des autres territoires : je doute en particulier que les 900 millions d'euros par an prévus pour la zone 3 permettent d'arriver à un taux de couverture de 100 % de la population. Là encore, les collectivités territoriales seront contraintes de financer et malgré les subventions qui sont annoncées, le compte n'y sera pas.

Je voudrais rappeler qu'au-delà des affirmations du Gouvernement, le risque de fracture numérique est évident si on ne se donne pas les moyens de couvrir le territoire. Il faut une vision globale de son aménagement. L'État ne s'en occupe plus car il n'en a plus les moyens et ce n'est pas aux collectivités territoriales de le faire à sa place. Mais l'État pourrait au moins définir une vision globale en la matière. Je demande donc à ce que l'on puisse réfléchir tous ensemble à un véritable plan de couverture du territoire en haut et très haut débit, comme d'ailleurs en téléphonie mobile, dans le cadre de l'évolution prévisible vers un service universel dans l'ensemble des domaines de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je remercie notre collègue pour ce rapport très riche.

Je voudrais tout d'abord rappeler que le très haut débit en France, c'est deux infrastructures : la mobilité et la 4G d'une part, et la fibre pour l'accès filaire d'autre part. L'explosion des trafics sur le mobile est énorme : le facteur de multiplication est de trente à quarante dans les quatre prochaines années. Le mobile et le fixe sont pour ainsi dire deux jumeaux dans la mesure où, d'une part, on a besoin de mobilité et où, d'autre part, la quatrième génération pourra permettre des accès autour de 20 Mb/s en débit moyen là où la fibre n'ira pas.

Sur la 4G, il y a effectivement un risque de brouillage, mais qui ne concerne pas 20 % de la population. Pour la première fois, on a réussi, avec le soutien du Conseil d'État, à imposer des modalités de couverture avec une zone prioritaire. Il faut le souligner.

Sur le très haut débit, je conteste pour ma part la formule du « mur d'investissement » car quand on compare ce que l'État a fait pour le cuivre avec ce qu'il reste à faire pour la fibre, on a grosso modo le même montant de dépenses : la France est-elle capable de fournir aujourd'hui les mêmes efforts qu'il y a trente ans ? Le vrai problème désormais, c'est l'absence de stratégie. Or, ce qu'on attend, en-dehors des subventions, c'est un État qui pilote, un État stratège. On voit bien qu'entre les jeux habiles des opérateurs et le foisonnement d'initiatives pas toujours opportunes des collectivités, aucune vision stratégique ne se dégage. Je crois qu'il faudrait, sinon un secrétariat d'État, au moins une mission qui regrouperait une vingtaine de collaborateurs de haut niveau. En effet, aujourd'hui, en termes de ressources humaines, tous les collaborateurs compétents sont chez les opérateurs ou à l'Arcep. L'État ne peut, de son côté, compter que sur environ cinq personnes réellement compétentes sur ces questions.

Enfin, j'ajouterai que lorsqu'on regarde la montée en débit dans le cadre des investissements d'avenir, on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle va être tuée dans l'oeuf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Nous avons visité Astrium, filiale d'EADS qui fabrique des satellites : ils sont aujourd'hui à 30 ou 40 Mb/s et projettent environ 100 Mb/s dans un délai de dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Dans nos assemblées et sur les territoires, on entend beaucoup d'interrogations sur ce sujet. Le très haut débit et les différents objectifs affichés sont souvent mal compris.

Mon département a investi à hauteur de 40 millions d'euros pour déployer la fibre, mais on entend aujourd'hui des critiques qui dénoncent du gaspillage d'argent public dans la mesure où France Télécom dispose également de la fibre.

Aujourd'hui, c'est difficile sur le terrain à cause de la crainte de dépenser dans ce secteur. Je crois qu'il faudra absolument trouver des financements pérennes.

Je voudrais également insister sur la fibre optique sur support aérien. Si l'on veut parvenir à répondre aux besoins dans le temps, est-ce qu'il sera possible de recourir à ce type de support ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Ce rapport est excellent. Des clarifications sont en effet nécessaires aujourd'hui dans ce domaine : il n'y a pas de lignes directrices, ce qui explique certains cafouillages et certains gaspillages. Deux questions à l'attention du rapporteur :

- d'aucuns affirment que, dans certains secteurs géographiques, la couverture en très haut débit est impossible. Est-ce vrai ?

- en matière de téléphonie mobile, l'État a-t-il pris des dispositions afin de contraindre les opérateurs installés à accepter les autres opérateurs sur leurs réseaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Je partage les propos des précédents intervenants. Il y a un vrai problème de stratégie et de pilotage. Il y a également une question de moyens : le gaspillage est une réalité. J'ai par ailleurs le sentiment qu'il règne une grande confusion dans ce domaine. Enfin, sur le plan technique, il convient d'expertiser sérieusement l'option du satellite : la couverture en fibre optique a en effet un coût important.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

J'adhère totalement au rapport de notre collègue Hervé Maurey. Deux remarques :

- selon certaines prévisions, 20 % des emplois seront convertis en télétravail dans dix ans. Le très haut débit est donc vital pour les zones rurales. Selon moi, le découplage entre zones denses et zones rurales est une grave erreur : il met à mal les stratégies adoptées sur certains territoires - comme dans mon département de l'Indre - qui ont souhaité rester « groupés » afin de mettre en concurrence les opérateurs sur l'ensemble de leur territoire ;

- je ne partage pas les propos du rapporteur sur le satellite. Ce dernier ne restera pas une solution palliative : les évolutions technologiques permettront d'en faire un outil compétitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je pense qu'il sera utile que notre commission entende sur ce sujet les responsables d'Astrium.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je salue à mon tour l'excellent rapport de notre collègue Hervé Maurey, qui viendra nourrir la réflexion du groupe d'études sur les médias et les nouvelles technologies, que j'ai l'honneur de présider.

Les nouveaux usages de l'internet sont de plus en plus nombreux : on n'est plus sur internet mais dans internet. On a donc absolument besoin de résoudre la question de la fracture numérique.

Je rejoins la préconisation du rapporteur sur « l'État stratège ». Je pense également que si un ministère dédié serait utile, il devrait s'occuper également des contenus. A quoi bon lutter pour équiper les zones rurales de tableaux numériques si on ne se préoccupe pas de l'acheminement des contenus ? Je partage également ses propos sur la fiscalité dispersée : il faut effectuer une véritable réflexion transversale sur cette question.

L'enjeu de ce secteur est essentiel. Comme l'indique un rapport de McKinsey, les PME équipées voient leur taux de croissance considérablement augmenter, de même que le nombre d'emplois. Un potentiel de développement important existe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

l. - J'ai pris grand plaisir à entendre les propos du rapporteur, dont j'ai retenu une formule : il a évoqué le déclin inexorable des territoires mal desservis. La situation relève aujourd'hui de l'urgence, surtout quand certains de nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi les services diffèrent en milieu rural à quelques dizaines de mètres de distance.

L'accès à l'ADSL reste difficile. On nous propose certaines solutions de substitution, comme le hertzien dans ma région, qui reste difficile à mettre en oeuvre du fait du relief ou de l'opposition des riverains à l'implantation de pylônes. Le satellite propose quant à lui une offre moins complète et plus coûteuse pour les usagers. Le multiplexage pose également problème : je regrette que France Telecom refuse de procéder aux investissements nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

En réponse à ces interventions, je souhaite tout d'abord revenir sur la question du satellite. Les experts considèrent qu'aujourd'hui, il n'apporte pas le même service que la fibre. Les nouvelles générations permettront peut être un meilleur service, mais la réactivité ne sera jamais aussi importante qu'avec la fibre, qui reste la technologie la plus performante. De plus, le satellite aura toujours un temps de latence et restera soumis aux aléas météorologiques. Je vous rappelle également que le haut débit par satellite qui existe aujourd'hui n'apporte pas une solution satisfaisante, car il a été conçu pour la télévision. Ceux qui ont une solution satellitaire pour le haut débit se plaignent notamment du fait que l'échange de données est limité en volume.

En réponse à Pierre Hérisson, je souhaite souligner qu'il n'y a pas de contradiction entre la volonté d'avoir un État actif en tant que coordinateur et stratège et le rôle de l'Arcep en tant que régulateur. Il faut incontestablement que l'État soit aujourd'hui plus actif, même avec moins de moyens financiers. Mais comme l'a souligné Bruno Retailleau, il n'existe plus beaucoup de compétences de haut niveau en son sein.

Je partage les propos de Michel Teston sur le risque d'une vraie fracture numérique dans notre pays.

Je partage également l'avis de Bruno Retailleau sur la nécessité de relativiser la notion de « mur d'investissement ». Comme le souligne le président de l'Arcep récemment, les collectivités territoriales dépensent chaque année quatre milliards d'euros pour les routes : on pourrait réaffecter une partie de cette somme au bénéfice de la couverture numérique du territoire.

Je comprends tout à fait Gérard Bailly : il est en effet complexe d'évoquer le passage au très haut débit quant tous les secteurs ne sont pas encore couverts en haut débit, d'où ma proposition du haut débit pour tous. S'agissant des propos entendus dans son département sur le gaspillage de fonds publics, je regrette de devoir dire que l'opérateur historique est à l'origine de ce type de discours : ce sont des procédés inadmissibles. Je suis enfin tout à fait d'accord sur l'intérêt d'utiliser les poteaux existants pour mettre en place la fibre optique.

En réponse à Alain Fouché, s'il sera sûrement impossible de desservir certaines régions en fibre optique, il est en revanche envisageable d'assurer une couverture plus complète en très haut débit mobile.

Je souhaite nuancer les propos d'Evelyne Didier : le coût de la couverture numérique est certes important, mais pas si colossal : 700 à 800 millions d'euros par an pour la fibre, dont une partie peut être financée par des crédits européens. Par ailleurs, il ne faut pas considérer cela comme une dépense, mais bien comme un investissement.

Je partage les propos de Jean-François Mayet sur le télétravail et sur le fait que le découplage de la France en zones ne permet pas la péréquation, ainsi que ceux de Catherine Morin-Desailly : pour bénéficier des différents usages de l'internet qui existent, il convient en effet de disposer de débits élevés.

Enfin, nos compatriotes ont en effet du mal, Yannick Botrel, à comprendre pourquoi certains services sont disponibles en un point du territoire et indisponibles en un lieu situé à proximité. C'est un problème technologique ; il ne faut pas pour autant s'arrêter à ce constat. C'est pourquoi j'estime qu'il faut faire en sorte que, à brève échéance, le haut débit soit accessible pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je propose que nous débattions en séance sur la base de ce rapport à l'automne prochain et que nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy déposent une proposition de loi sur ce sujet. Par ailleurs, si des critiques à l'égard de l'opérateur historique s'imposent, il faut les formuler.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le groupe socialiste partage les orientations de ce rapport : il est intéressant, fait le point sur la situation et formule des pistes pour améliorer la couverture numérique du territoire. Une seule petite réserve de notre part sur le service universel, au moment où l'Europe s'interroge sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J'évoque bien ce thème dans le rapport. Comme je l'ai déjà dit, je n'ai sur ce sujet qu'une inquiétude : le coût serait de 800 millions d'euros par an. Je pense que cette somme pourrait être plus opportunément utilisée pour déployer la fibre. Sur la finalité, je ne suis cependant pas très éloigné du service universel quand je propose un véritable haut débit pour tous.

La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information.