Remerciant le président de l'avoir invitée à s'exprimer devant la commission, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, a rapporté avoir été confrontée, au cours de sa première année d'exercice en tant que commissaire européen, à des changements rapides dans le secteur agricole. Voyant dans la mise en oeuvre des dernières réformes de la PAC l'enjeu principal de l'année 2006, elle en a en estimé les principes et les modalités, à la fois justifiés et équilibrés, car assurant concurremment la sécurisation financière des agriculteurs, l'orientation vers les marchés et le respect de l'environnement. Observant que le succès de ces réformes dépendrait de leur mise en oeuvre sur le terrain, elle a jugé substantiel le travail fourni en ce domaine par les Etats membres, soulignant que la Commission se mettrait au besoin à leur entière disposition.
Décrivant l'organisation commune de marché (OCM) « sucre » comme soumise à des intérêts substantiels et parfois contradictoires, elle a convenu que la réforme qu'elle en avait proposée n'était en rien consensuelle, la justifiant cependant par la nécessité d'agir dans un contexte économique où les cours européens étaient trois fois supérieurs aux cours mondiaux et s'agissant d'une OCM datant des années 60. Elle a rappelé que le compromis du mois de novembre consistait en une baisse des prix de l'ordre de 36 %, compensée à hauteur de 64 % du prix final par un système de paiement découplé à l'agriculteur, et complétée par un dispositif de restructuration volontaire quadriennal incitant les exploitants à cesser leur activité. Elle a estimé que la réforme de l'OCM « sucre », du fait qu'elle était alignée sur la réforme de la PAC, offrait une plus grande sécurité juridique et permettrait d'augmenter la compétitivité européenne et d'améliorer l'orientation des marchés tout en préservant leur équilibre durable, au regard notamment de nos engagements internationaux dans le cadre de l'OMC. Elle a fait état des interrogations quant à la surproduction de sucre durant les premières années de la réforme afin d'en amoindrir l'impact, indiquant qu'elle ferait prochainement au Conseil une proposition concernant les quotas de l'OCM.
Abordant ensuite le secteur des fruits et légumes, elle a indiqué que la Commission étudiait différentes options qui donneraient lieu à évaluation au milieu de l'année et à des propositions à la fin de celle-ci. Rapportant le constat réalisé par la présidence néerlandaise de l'Union européenne en 2004 quant à l'existence d'instruments d'intervention, certes bien conçus, mais insuffisamment efficaces, elle a appelé à plus de dynamisme en ce domaine. Faisant allusion aux difficultés rencontrées par la filière pomme en France cette année du fait d'une baisse massive des prix provoquée par une forte hausse des importations, elle s'est engagée à prendre les mesures pour qu'une telle situation ne se reproduise plus.
S'agissant du secteur du vin, elle s'est fixée des objectifs ambitieux, jugeant l'industrie viticole très compétente et produisant des produits de qualité, mais affectée par d'importants excédents et une réduction de ses parts de marché. Notant que l'augmentation des importations en provenance des nouveaux pays producteurs n'était pas compensée par un accroissement de la consommation, elle a préconisé la mise en oeuvre d'instruments permettant aux entreprises européennes d'accroître leur compétitivité.
S'interrogeant sur la capacité de l'Union européenne à financer l'ensemble de ces politiques sectorielles, elle s'est félicitée de ce qu'un compromis ait été trouvé au mois de décembre sur les perspectives financières pour la période 2007-20013. Estimant que l'absence d'accord aurait eu des conséquences extrêmement néfastes, du fait qu'il aurait alors fallu gérer des politiques de nature pluriannuelle au moyen de budgets annuels, elle a néanmoins présenté le compromis de décembre comme ne tenant pas compte intégralement des souhaits de la Commission, précisant que des négociations avec le Parlement européen étaient en cours. Indiquant que ses services travaillaient actuellement à une projection des conséquences de cet accord sur l'évolution de la PAC jusqu'en 2013, elle s'est réjouie de ce que les attaques portées sur le premier pilier aient pu être repoussées, estimant qu'un abaissement du plafond des dépenses aurait eu des conséquences très néfastes sur les agriculteurs alors qu'ils venaient de consentir d'importants efforts d'adaptation. Rappelant qu'il avait fallu tenir compte lors de la négociation de l'adhésion prochaine de la Bulgarie et de la Roumanie, elle a jugé néanmoins acceptable le compromis finalement trouvé.
S'interrogeant sur la façon dont serait appliquée la modulation volontaire et précisant qu'elle n'y était pas favorable, elle s'est désolée de ce que sa défense du développement rural n'ait pas été mieux entendue. Précisant que seulement 70 des 89 milliards d'euros proposés pour le deuxième pilier avaient été retenus, elle a souligné que ce manque d'ambition budgétaire impliquerait des sacrifices dans les politiques de développement rural. Faisant observer qu'il avait été décidé d'examiner à nouveau la structure d'ensemble du budget européen en 2008-2009, elle a appelé à faire preuve d'une grande prudence pour le secteur agricole et à laisser à la dernière réforme de la PAC suffisamment de temps pour produire ses effets et se consolider.
Evoquant ensuite les négociations au sein de l'OMC, elle s'est félicité de la collaboration étroite qu'elle avait entretenue lors du sommet de Hong-Kong tant avec les Etats membres que le Conseil des ministres de l'agriculture et le commissaire européen au commerce extérieur, M. Peter Mandelson. Convenant que les négociations avaient constitué un difficile exercice dont l'objectif était d'équilibrer gains et concessions, elle a insisté sur le fait que la suppression de l'ensemble des subventions à l'exportation qui avait été décidée pour 2013 impliquait le démantèlement de tous les mécanismes similaires, tels que l'aide alimentaire ou l'aide aux entreprises ayant cours aux Etats-Unis, et la détermination d'ici le mois d'avril des méthodes permettant d'y aboutir. Reconnaissant que le bilan final de l'Union européenne au terme des négociations pouvait paraître relativement faible, elle a nuancé cette appréciation en soulignant la pression intense dont l'Union avait été l'objet.
Indiquant qu'elle avait insisté, avec le soutien de M. Mandelson, lors du récent sommet de Davos, pour obtenir de réels progrès sur l'accès aux marchés non agricoles et sur les services et, plus globalement, des avancées dans l'ensemble des secteurs en discussion, elle a dit son attachement à défendre les indications géographiques, dont elle a estimé qu'elles permettaient d'augmenter le prix de vente des produits. Jugeant que les partenaires commerciaux de l'Union avaient compris que des avancées étaient désormais nécessaires, elle a présenté le calendrier comme particulièrement contraignant, un accord devant être trouvé d'ici la fin du mois d'avril pour l'accès aux marchés non agricoles et les produits agricoles, et d'ici à l'été pour les services, ajoutant que le Sénat américain aurait examiné d'ici là une nouvelle loi agricole. Craignant que le non respect de ce calendrier n'entraîne un allongement de deux à trois ans des négociations, elle a appelé à des concessions mutuelles et équilibrées de part et d'autre.