Intervention de Jean-Jacques Hyest

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 avril 2011 : 1ère réunion
Libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques — Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, rapporteur :

Nous allons examiner en deuxième lecture la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, présentée par nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard. L'objet de ce texte est de modifier le régime des ventes volontaires, pour le mettre en conformité avec la directive « services » du 12 décembre 2006 qui devait être transposée en droit interne avant le 28 décembre 2009. Il convient donc de supprimer tout agrément préalable à l'exercice de cette activité et toute prescription relative à la forme juridique des sociétés de ventes.

Le Sénat avait travaillé sur ce texte dès le printemps 2009 et l'avait voté en première lecture le 28 octobre 2009. La progression a été lente, puisque l'Assemblée nationale ne l'a voté que le 25 janvier 2011...

Il devient aujourd'hui urgent d'adopter cette réforme pour assurer le respect des textes européens, mais aussi pour donner aux opérateurs français du secteur des ventes aux enchères des conditions d'activité plus compétitives.

L'Assemblée nationale a très largement souscrit aux orientations retenues par le Sénat en première lecture pour donner davantage d'outils aux opérateurs, tout en renforçant la protection du consommateur.

A l'issue de la première lecture, 15 articles ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale, mais il reste 36 articles en discussion.

Les deux assemblées sont tombées d'accord sur une définition plus ouverte des ventes aux enchères, sur un régime de déclaration d'activité et sur la possibilité, pour les opérateurs de ventes volontaires, de réaliser des ventes de gré à gré. Elles sont également d'accord pour l'assouplissement des conditions de remise en vente d'un bien dans le cadre d'une « folle » enchère, sur les procédés de recours à l'après-vente, ou « after sale », et sur les modalités de mise en oeuvre de la garantie de prix.

Il y a également eu accord entre nos deux assemblées sur une autorité de régulation aux missions renforcées. L'Assemblée nationale a confié au Conseil des ventes volontaires l'élaboration d'un code de déontologie. Je vous proposerai de substituer à cette dénomination celle de « recueil des obligations déontologiques ». Il faudra préciser que ce recueil sera rendu public et que les propositions de modifications législatives ou règlementaires présentées par le Conseil des ventes volontaires ne pourront porter que sur l'activité des ventes volontaires.

Quelques dispositions tirent les enseignements de « l'affaire Drouot ». Reprenant une recommandation du rapport sur Drouot remis au garde des Sceaux en avril 2010, les députés ont voulu obliger les opérateurs de ventes volontaires à prendre toutes dispositions propres à assurer la sécurité des ventes qui leur sont confiées. Ces opérateurs devront donc assurer la sécurité des ventes lorsqu'ils recourent à d'autres prestataires de services pour les organiser et les réaliser. En outre, ces prestataires ne pourront ni acheter pour leur propre compte les biens proposés lors des ventes, ni vendre des biens leur appartenant par l'intermédiaire des opérateurs auxquels ils prêtent leurs services. Il s'agit donc de mettre fin à une longue dérive pratiquée par certains de ceux que l'on appelait, à Drouot, « les cols rouges ». Je n'en dis pas plus puisqu'une instruction judiciaire est en cours.

Les deux assemblées sont tombées d'accord sur les garanties financières que doivent offrir les opérateurs, sur le régime de responsabilité des opérateurs et des experts et sur l'actualisation du statut des professions réglementées du secteur des ventes aux enchères.

L'Assemblée nationale a validé les grandes lignes de la réforme du statut des courtiers de marchandises assermentés, adoptée par le Sénat en première lecture. Dans le cadre de ce nouveau statut, les courtiers de marchandises assermentés n'auraient plus le monopole des ventes volontaires de marchandises en gros et ne seraient plus officiers publics. Ils seraient toutefois assermentés, dans leur spécialité, auprès d'une cour d'appel.

Les commissaires-priseurs judiciaires pourront exercer leur profession en qualité de salarié, comme le font les autres professions judiciaires réglementées.

A l'article 3, l'Assemblée nationale a étendu à tout type de biens, neufs ou d'occasion, qu'ils aient ou non été produits par le vendeur, l'obligation de mentionner la qualité de ce dernier lorsqu'il s'agit d'un commerçant ou d'un artisan. Une telle obligation entraînerait une stigmatisation injustifiée de certaines catégories de vendeurs, qui pourraient alors se tourner vers des opérateurs étrangers plutôt que vers des maisons de ventes établies en France. L'Assemblée nationale poursuit le même objectif que nous, mais sa rédaction est malheureuse. Il faut donc en revenir à l'esprit du texte voté par le Sénat en première lecture, en précisant que les documents et publicités annonçant la vente ne doivent mentionner la qualité du vendeur que lorsque celui-ci est un commerçant ou un artisan, qui met en vente des biens neufs issus de sa production.

Nous en arrivons maintenant à l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice. Les huissiers exercent une profession d'officier public et ministériel et les ventes, dans le cadre de leur étude, doivent représenter une part « accessoire » de leur activité. Certains d'entre eux participent néanmoins activement au marché des ventes volontaires. Alors que ces ventes ne doivent représenter qu'une activité accessoire, des huissiers avouent en faire une activité très importante. A ce moment il y a une réelle distorsion de concurrence par rapport aux commissaires-priseurs, qui doivent constituer une société pour pratiquer cette activité tandis que les huissiers le font dans le cadre de leur office. Certes, il n'est pas possible de pratiquer cette activité dans la même commune qu'un commissaire-priseur judiciaire, mais il est très facile de s'installer dans une ville voisine et d'échapper à cette règle.

C'est pourquoi nous avions prévu en première lecture que cette activité ne pouvait dépasser 20 % du chiffre d'affaires annuel de l'office d'un huissier de justice, mais l'Assemblée nationale l'a supprimé. Nous devrons poursuivre la discussion pour mieux préciser la notion d' « accessoire ». Les parquets généraux qui devraient contrôler cette activité ne le font pas. Sur les 3 232 huissiers en France, cette dérive ne concerne que quelques dizaines de personnes. Il n'en reste pas moins que 450 à 500 huissiers de justice effectuent beaucoup de ventes, alors qu'il n'y a que 401 commissaires-priseurs judiciaires dans notre pays. Je vous proposerai donc de préciser que les huissiers peuvent exercer l'activité de ventes volontaires à titre accessoire et « occasionnel », afin de parvenir à la définition d'un plafond raisonnable, les 20 % que nous avions votés en première lecture étant peut-être un plafond trop bas. Si les huissiers souhaitent se lancer à titre principal dans les ventes volontaires, ils ne doivent plus être considérés comme des huissiers. Cette question est d'autant plus importante que la Commission de Bruxelles porte un regard aiguisé sur les professions relevant du statut d'officier public : plus elle constatera un mélange entre ces professions et des activités commerciales, plus elle nous fera des difficultés. J'ai prévenu les représentants des huissiers et ils vont sans doute se livrer à un lobbying important auprès de vous.

Nous en arrivons aux activités des sociétés de ventes au sein desquelles exercent des commissaires-priseurs judiciaires L'égalité de traitement entre les différents opérateurs de ventes volontaires justifierait que les sociétés dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs judiciaires puissent avoir le même champ d'activité que les autres sociétés de ventes. Cependant, les commissaires-priseurs judiciaires sont des officiers publics et ministériels.

Ainsi, en ce qui les concerne, deux personnes morales effectuent des activités distinctes : ventes judiciaires dans le cadre d'un office et ventes volontaires dans le cadre d'une société, mais elles sont rattachées à la même personne physique.

Afin d'assurer une égalité de traitement entre les opérateurs, le Sénat a permis aux sociétés de ventes constituées par des commissaires-priseurs judiciaires, qui ne seront plus limitées à un objet civil, d'exercer des activités de transport de meubles, de presse, d'édition et de diffusion de catalogues, pour les besoins des ventes qu'elles sont chargées d'organiser.

Il convient de conforter cette égalité de traitement, en ouvrant un peu plus les possibilités d'activité des sociétés de ventes volontaires dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs judiciaires.

J'en arrive aux courtiers de marchandises assermentés : ils sont 200 en France et leur statut a évolué. Je les ai reçus et j'ai constaté qu'ils étaient très spécialisés. Ainsi, il n'existe qu'un spécialiste de le vente en gros de riz en France et il est le courtier de marchandises assermenté pour cette denrée. Bien sûr, il est installé en Camargue et on fait appel à lui pour les certificats de cours et les estimations dans toute l'Europe. Compte tenu de cette spécialisation, il faut limiter l'activité de ces courtiers à la vente de marchandise en gros et je ne comprends pas pourquoi on a voulu ouvrir leur activité à la vente au détail.

Passons enfin à la composition du Conseil des ventes. On a eu l'idée absurde de ne nommer au sein de cette autorité que des professionnels à la retraite. Or, toutes les organisations de ce type comprennent des professionnels en activité. Ainsi, des banquiers siègent au sein de l'AMF. En revanche, il faut bien sûr prévoir des règles très strictes de déport, lorsque le Conseil des ventes délibère sur la situation individuelle d'un opérateur de ventes volontaires, afin d'éviter qu'un professionnel en activité ne prenne part à une décision concernant l'un de ses concurrents.

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