Nous avons examiné la coopération régionale avec le Canada et, à ce titre, étudié l'opportunité de passer du statut de pays ou territoire d'outre mer de l'Union européenne (PTOM) à celui de région ultrapériphérique de l'Union européenne (RUP). Or, ce changement ferait perdre à l'archipel les avantages que lui apporte son actuel statut en matière de règle d'origine et d'autonomie financière, douanière ou fiscale. Pour bénéficier des aides au titre de région ultrapériphérique, il faut avoir un PIB par habitant inférieur à la moyenne des PIB européens, ce qui n'est pas le cas de l'archipel. Celui-ci perdrait alors les subventions du Fonds européen de développement auxquelles son statut de PTOM lui donne aujourd'hui accès.
Saint-Pierre-et-Miquelon importe du Canada et exporte vers l'Union européenne. Le Canada et l'Union européenne négocient pour parvenir à un accord économique global qui risque de diminuer l'attractivité de Saint-Pierre-et-Miquelon comme porte d'entrée de l'Europe au bénéfice de la règle d'origine. La France ne défend pas les intérêts de son archipel dans cette négociation. Notre première recommandation sera que le gouvernement change d'attitude et donne mandat à la Commission européenne de prendre en compte les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ensuite, nous allons déposer une proposition de résolution pour que l'Union européenne, dans ces négociations, tienne compte des intérêts de l'archipel. Cela rejoint une résolution que j'ai rapportée devant la commission des affaires européennes, demandant que, dans tout accord commercial qu'elle signe, l'Europe tienne compte des intérêts de ses pays et territoires d'outre-mer, ainsi que des pays associés ACP.
La façon dont se déroulent les négociations de coopération avec le Canada nous a également laissés pantois. Il y a la commission mixte officielle où ne siège que le préfet, tandis que le Conseil territorial noue des contacts parallèles. Nos partenaires canadiens semblent favorables à une coopération mais encore faudrait-il qu'ils sachent avec qui en discuter. Cette dichotomie fait désordre... Le Canada juge que cette coopération est digne d'intérêt du fait de l'application de la règle d'origine et aussi parce que le contact avec les ministères français, tous présents sur l'archipel, est facile. Encore faut-il que le Conseil territorial l'impulse. Actuellement il y a déjà des réussites en matière de sécurité, de santé, d'éducation et d'enseignement supérieur, les étudiants de l'archipel pouvant s'inscrire dans l'université de langue française de Moncton.
La coopération avec le Canada se heurte à des difficultés juridiques, ce pays étant un État fédéral où les provinces ont beaucoup de pouvoir, tandis que la France est un pays unitaire. Jusqu'à présent notre gouvernement estimait qu'il ne pouvait pas y avoir d'accord avec les provinces canadiennes sans accord intergouvernemental. Il semblerait ainsi qu'il envisage maintenant la possibilité d'une coopération directe avec les provinces. On pourrait ainsi développer la coopération en matière de placement des mineurs en danger ou d'activité scientifique. On envisage aussi que, désormais, l'archipel puisse exporter non plus seulement des produits congelés mais également des produits frais, ce qui suppose qu'ils soient analysés par des laboratoires canadiens. D'autres domaines de coopération sont envisagés : exploitation des hydrocarbures, traitement des ordures ménagères. Reste l'épineux dossier du plateau continental. La France a obtenu 12 000 kilomètres carrés de zone économique exclusive, alors qu'elle en revendiquait 47.000. Le Canada a ensuite modifié les limites de sa zone économique exclusive. Nous avons fait valoir nos droits ce qui a un peu fâché nos partenaires. Les autorités françaises doivent davantage tenir compte des intérêts de l'archipel et, pour ce faire, être plus pragmatiques et envisager des coopérations régionales comme le permet la récente modification de la loi organique statutaire.
J'en viens à l'organisation institutionnelle. On ne peut plus supporter d'avoir un système à trois collectivités territoriales pour un peu plus de 6 000 habitants, d'autant que cela s'accompagne d'un enchevêtrement de responsabilités complètement perturbant - par exemple, la commune de Miquelon n'a que 80 mètres de voirie municipale ; pour le déneigement à Saint-Pierre, la moitié d'une route dépend de la commune, l'autre moitié du Conseil territorial... Il y a une liaison par bateau entre Saint-Pierre et Langlade, qui est le lieu de villégiature des Saint-Pierrais, tandis que la liaison avec Miquelon connaît de nombreuses vicissitudes.
Les habitants étant très attachés à l'existence de leurs deux communes, il faudrait envisager un Conseil territorial qui émanerait d'elles, comme la Nouvelle-Calédonie avec ses provinces ou Paris avec ses arrondissements. Le développement économique doit bien entendu dépendre du Conseil territorial, mais la subsidiarité doit jouer pour les questions d'urbanisme, de logement, de gestion du quotidien, qui seraient de la responsabilité des communes.
Il y a également le problème du SDIS qui devrait être un STIS, un service territorial d'incendie et de secours, car les communes n'ont pas les moyens d'assumer cette compétence.
Le tourisme doit être développé, notamment le tourisme vert. Mais lorsqu'on arrive sur le quai en eau profonde de Saint-Pierre, on découvre d'horribles bâtiments sur le port, dans un cadre pourtant splendide, puisque l'Ile aux Marins se trouve de l'autre côté de la rade. Il faut réaliser les investissements nécessaires et préserver l'environnement : la seule forêt boréale que possède la France se trouve à Langlade, mais elle est menacée par les cervidés.
Avant de quitter Saint-Pierre-et-Miquelon, nous nous sommes inquiétés auprès du préfet de ce que le président du conseil territorial préside pratiquement toutes les SEM de Saint-Pierre. Nous lui avons demandé sans succès si un tel cumul était compatible avec ces fonctions car une telle pratique s'éloigne substantiellement des règles en usage en métropole.