Intervention de Adeline Gousseau

Commission des affaires économiques — Réunion du 28 juin 2006 : 1ère réunion
Agriculture — Arboriculture - examen du rapport d'information

Photo de Adeline GousseauAdeline Gousseau, rapporteur :

Après avoir remercié, à titre liminaire, M. Daniel Soulage, président de la section « Fruits et légumes », de sa participation à nombre des auditions menées dans le cadre de l'instruction du rapport, Mme Adeline Gousseau, rapporteur, a d'abord évoqué les atouts et la place socio-économique significative de la filière arboricole, rappelant que la France était le troisième producteur européen de fruits et avait longtemps occupé la première place mondiale sur le marché de la pomme. Elle a souligné que le secteur, représentant 200.000 hectares de vergers, regroupait 42.000 exploitations et occupait 300.000 personnes environ, dans des entreprises majoritairement de petite taille.

Elle a fait observer que les investissements techniques importants réalisés depuis plusieurs années avaient conféré une grande variété et une remarquable qualité à la production arboricole française, notant au passage que l'intensité capitalistique d'une tonne de fruits était supérieure à celle d'une tonne d'acier.

Elle a souligné par ailleurs le remarquable « capital confiance » dont bénéficiait l'arboriculture auprès des consommateurs et du corps médical, les vertus des fruits face à l'augmentation des maladies dues à une mauvaise alimentation étant unanimement reconnues.

Malgré ces éléments, qu'elle a qualifiés de très positifs, elle a déploré que la filière arboricole soit dans une situation extrêmement délicate, à l'instar de la situation « grave, mais pas désespérée » de la filière avicole, selon les termes que M. Dominique Mortemousque avait employés lors de sa communication à la commission sur le sujet.

Abordant les facteurs conjoncturels expliquant la crise, elle a souligné qu'ils pouvaient être d'origine naturelle -gel, grêle, pluie, virus sharka...- ou de nature économique : surplus de pommes de l'hémisphère sud en 2005, niveaux élevés du cours du pétrole et de la parité euro/dollar.

Insistant sur la grande fragilité structurelle affectant la filière, elle a fait référence à son extrême vulnérabilité aux aléas climatiques et à leurs effets négatifs sur le volume, la qualité de la production, ainsi que le niveau de la consommation. Elle a cité par ailleurs la très grande périssabilité des produits, qui doivent être rapidement livrés et consommés, la constante diminution du verger, ou bien encore le manque d'attractivité du secteur à la fois pour la main-d'oeuvre, réticente face à la pénibilité de certaines tâches, mais aussi pour les exploitants, éprouvant des difficultés à transmettre leur entreprise. Elle a également souligné le manque de compétitivité de la filière dû à des coûts sociaux supérieurs à ceux de ses concurrents, et stigmatisé le profond déséquilibre des rapports de force entre des producteurs de fruits dispersés et une grande distribution très concentrée s'arrogeant des marges importantes. Elle s'est inquiétée par ailleurs de la réduction de la consommation, notamment parmi les populations les plus jeunes.

Sur le plan international, elle a déploré les pertes de marché continuelles, en direction de la Chine, qui a ravi à la France la place de leader mondial dans le secteur de la pomme, mais aussi de l'Espagne ou de pays de l'est de l'Europe. Elle a souligné par ailleurs l'accroissement régulier du déficit extérieur, en raison d'un excédent des besoins globaux en fruits sur nos capacités de production, ainsi que le manque d'efficacité de l'organisation commune de marché (OCM).

Elle s'est ensuite félicitée des mesures de soutien décidées tant par les professionnels eux-mêmes que par les pouvoirs publics. Ainsi, les premiers ont assuré la promotion de la consommation de fruits et légumes auprès du grand public et des collectivités par des initiatives telles que la semaine de la « fraich'attitude », ou encore la charte « fruits, légumes et société ». Les seconds ont mis en place des outils transversaux, tels que le Programme national nutrition santé (PNNS), dont le mot d'ordre est la consommation de 5 à 10 fruits et légumes par jour en vue de garantir un bon équilibre alimentaire. Ont également été mis en oeuvre divers plans de soutien gouvernementaux, dont le plus important est celui de 40 millions d'euros annoncé par le ministre de l'agriculture au mois de mars dernier.

Elle a noté les avancées obtenues grâce aux mesures législatives issues de textes ruraux ou agricoles, souvent enrichis par le Sénat, telles que le principe du coefficient multiplicateur introduit par M. Daniel Soulage dans la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Elle a également fait référence aux dispositions renforçant le producteur de fruits dans sa relation au distributeur, issues de la loi du 2 août 2005 relative aux PME, ou bien encore aux dispositions relatives à l'organisation économique du secteur et à ses instruments d'action, prévues par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006.

Reconnaissant l'utilité de ce qui avait été déjà accompli, elle a néanmoins insisté sur la nécessité de prolonger l'action ainsi entreprise dans quatre directions. S'agissant du premier axe que constitue une meilleure organisation de l'offre, elle a mis en exergue les quatre vecteurs d'action que sont le renforcement de l'interprofession, la restructuration de la première mise en marché, l'évolution du droit de la concurrence et l'amélioration de la productivité et de la compétitivité de nos producteurs.

Soulignant l'étendue et la complexité de l'interprofession, elle a mentionné ses importants pouvoirs règlementaires et préconisé la mise en oeuvre de stratégies verticales par produit, propres à équilibrer le partage de la valeur ajoutée, sous réserve d'une plus grande discipline de la part des diverses familles professionnelles. S'agissant de la restructuration de la première mise en marché, elle a déploré que la filière, regroupée à moins de 50 %, peine à mettre en place des stratégies s'imposant à l'ensemble des opérateurs. Elle a également appelé de ses voeux une évolution du droit de la concurrence, constatant que son interprétation très stricte par les juridictions nationales et communautaires empêchait les opérateurs d'échanger la moindre information pour réguler l'offre et maintenir des prix rémunérateurs. Enfin, elle a proposé, au titre d'une meilleure organisation de l'offre, d'améliorer la productivité et la compétitivité de nos producteurs, d'une part en allégeant les coûts de main-d'oeuvre et en simplifiant les procédures d'embauche, d'autre part en poursuivant les efforts d'amélioration de la qualité et d'innovation.

Abordant le deuxième axe de propositions, consistant à renforcer le cadre communautaire, elle a suggéré de rééquilibrer la réglementation du contrôle sanitaire dans les échanges extérieurs à l'Union, et d'obtenir une réforme satisfaisante de l'OCM « fruits et légumes » avant la fin d'année, ainsi que la mise en place d'un véritable système de gestion des crises donnant de réelles possibilités d'intervention sur le marché aux opérateurs en cas de conjoncture très défavorable.

Elle a abordé ensuite le troisième axe de propositions, le développement de l'assurance récolte, à propos duquel elle a rappelé l'engagement du président de la commission, M. Jean-Paul Emorine. Elle a souhaité que le secteur arboricole, particulièrement exposé à certains risques, puisse bénéficier d'un dispositif assuranciel adapté permettant aux producteurs d'en « lisser » les conséquences sur le long terme.

Enfin, elle a examiné le quatrième et dernier axe, consacré à la stimulation de la demande, qu'elle a qualifié d'essentiel. Observant qu'il ne servirait à rien de produire plus et mieux dans un contexte où la consommation tendait à régresser sur le long terme, elle a évoqué plusieurs voies de revitalisation de la consommation de fruits et légumes :

- la diversification des formes de commercialisation et d'utilisation des produits, en les présentant, par exemple, sous des formes individualisées et prêtes à être consommées, ainsi qu'en recourant davantage à une transformation contrôlée par les producteurs eux-mêmes ;

- l'élargissement des débouchés et des modes de distribution, afin de les adapter aux modes de vie actuels, que ce soit en variant les lieux de vente -écoles, entreprises, gares et aéroports, clubs de sport ...- comme les modes de commercialisation avec, par exemple, des ventes à distance par Internet ;

- une meilleure information du consommateur, passant par la fourniture d'indications qualitatives sur les produits et sur leurs vertus en termes d'hygiène alimentaire et de santé.

A l'issue de cette présentation, elle a insisté sur la nécessité, en dépit des difficultés que traverse la filière arboricole, de rester optimiste quant à son avenir, le maintien des vergers des campagnes représentant un grand enjeu économique, mais aussi social, territorial et culturel. Un large échange de vues s'est alors ouvert.

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