Le mandat à effet posthume, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, permet au défunt de désigner de son vivant un mandataire avec mission d'administrer tout ou partie du patrimoine et, bien entendu, il est subordonné à l'existence d'un intérêt sérieux et légitime.
Votre projet de loi prévoit pour le mandat une durée maximale de deux ans, avec des possibilités de durée indéterminée dans certaines hypothèses.
Ce mandat à effet posthume a sa raison d'être lorsque l'on sait que 7 000 entreprises, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, disparaissent à la suite du décès du chef d'entreprise.
Ce mandat est incontestablement utile s'il apparaît au futur de cujus qu'il est trop tôt pour transmettre l'entreprise ou pour désigner l'héritier repreneur. Le futur de cujus pourra ainsi désigner une personne qualifiée, compétente et intègre qu'il connaît, qui aura pour mission d'accompagner, s'il vient à décéder, la vente ou la reprise par un héritier si celle-ci est possible. Il en résulte que, si, parmi les héritiers, se dégage un repreneur capable, les mesures provisoires d'administration permettront de sauvegarder l'entreprise jusqu'à sa reprise.
Ce mandat répond au souci des chefs d'entreprise qui sont attentifs à la pérennité de leur entreprise, et donc à l'emploi, au cas où ils viendraient à décéder prématurément.
Quand l'entreprise à une importance certaine, ce mandat peut être utile, notamment lorsque les héritiers ne sont pas dans la capacité d'assurer la gestion de l'entreprise en raison de leur âge ou d'un handicap, ou même à cause des conflits qui peuvent survenir au sein d'une indivision.
Je pense, monsieur le garde des sceaux, après avoir longuement réfléchi et écouté, qu'il est de loin préférable que l'entreprise soit gérée par une personne choisie par le futur de cujus, connaissant l'entreprise et dont la compétence est reconnue, plutôt que d'attendre le décès du chef d'entreprise et, éventuellement, le conflit pour qu'un administrateur judiciaire soit désigné, qui n'aurait ni les mêmes compétences ni les mêmes disponibilités que le mandataire posthume désigné par le futur de cujus.
Certes, on objectera qu'il y a des risques d'abus. Mais légifère-t-on uniquement pour supprimer des abus ? Non, on légifère pour permettre à ceux qui ont comme souci premier l'intérêt des héritiers, l'intérêt de l'entreprise et sa pérennité, d'en assurer la survie. C'est la raison pour laquelle cette réforme me paraît utile.
D'aucuns dénoncent une atteinte à la réserve.
Mes chers collègues, j'ai entendu dire qu'il s'agissait de créer un système à l'anglo-saxonne, sur le modèle du trust. Je ne vois aucune disposition comparable, car, contrairement au droit qui régit le trust, il n'y a pas, dans le mandat à effet posthume, de transmission de la propriété à qui que ce soit.