Non je parle d'autres personnes, médecins, qui ont fait des déclarations publiques outrancières.
Il y a eu une sous-notification particulièrement forte des effets indésirables de ce médicament. Pourquoi ? La pharmacovigilance fondée sur la notification par les professionnels de santé a des limites intrinsèques. De ce point de vue, il est crucial de pouvoir mobiliser plus facilement que par le passé les ressources qu'offrent les bases de données de l'assurance maladie. Il faut aussi qu'au-delà de ces études de l'assurance maladie, l'autorité sanitaire compétente ait les moyens de faire réaliser des études pharmaco-épidémiologiques post-AMM dans des conditions de totale indépendance scientifique par rapport au laboratoire, quitte a s'inspirer par exemple du dispositif italien.
Un autre facteur qui explique le cheminement de la situation concerne l'ampleur de l'usage hors AMM : la prescription a parfois été déraisonnable pour des demandes d'amaigrissement. Une telle proportion de prescription hors AMM n'incite pas à déclarer puisque la responsabilité du médecin est alors en première ligne. Ce n'est pas parce qu'un médicament est ancien et que le praticien n'a pas d'information alarmante lui donnant à penser qu'il pourrait présenter de graves risques, que le praticien peut prescrire sans discernement hors AMM.
En outre, à plusieurs moments-clés, le système n'a pas gardé la mémoire d'éléments antérieurs, de débats ou de données scientifiques qui auraient été utiles pour éclairer les choix ultérieurs. Notre dispositif a une capacité insuffisante à faire converger toutes les données disponibles susceptibles d'éclairer les décisions à prendre sur la balance bénéfice-risque. Ces informations concernent la pharmacovigilance, les données fondamentales sur la pharmacologie du projet, les données sur l'évolution de la littérature scientifique. Sur ce point, il y a eu un problème systémique.
Sous cet angle, je suis très sceptique sur la valeur ajoutée de l'idée visant à séparer organiquement l'activité de pharmacovigilance du reste des activités dévolues à l'agence en charge du rapport bénéfice-risque. Cela ne répond en rien au problème posé, et pourrait même aggraver les risques de cloisonnement entre les différentes sources et enceintes d'évaluation des divers types de données utiles. Même si l'information est traitée de manière indépendante, elle doit converger.
Il faut élargir le pluralisme au stade de l'évaluation de la portée les signaux issus de la pharmacovigilance. Je distinguerai deux stades : le stade technique de la pharmacovigilance, qui consiste à recueillir les effets indésirables et à étudier l'imputabilité, et le stade d'analyse du risque. Le risque est-il acceptable par rapport aux bénéfices mais aussi par rapport à d'autres risques d'autres médicaments ? Pour cette phase d'analyse de l'acceptabilité du risque, il faut élargir le pluralisme pour disposer de regards différents. Introduire à ce stade de l'analyse des scientifiques non spécialistes de la pharmacovigilance et des associations de patients et des épidémiologistes permet d'élargir le débat autour du risque pour décider si le risque est acceptable.
J'ai réellement cherché à faire de sérieux efforts, en tant que directeur général, tant pour la gestion des conflits d'intérêts que pour la transparence et la mise en ligne des comptes rendus. Pour les conflits d'intérêts, nous avions commencé à travailler, au sein de l'agence, pour que toutes les déclarations d'intérêts soient accessibles en ligne, de manière très régulière, pour les membres des commissions comme pour les rapporteurs. Nous devrions nous inspirer des pratiques de certains laboratoires qui publient tous les liens de collaboration qu'ils ont avec les experts, parfois dans le détail. Cette orientation est la bonne. En croisant ces données avec les déclarations d'intérêts de tous les experts des agences, les moyens de recoupement sont importants pour les déclarations inexactes ou incomplètes, ce qui permettra de vérifier qu'il n'y a pas d'omissions et que les déclarations sont fiables. Je suis convaincu que la majorité des experts est honnête et ne triche pas sur ces déclarations d'intérêts.