Mission commune d'information sur le Mediator

Réunion du 6 avril 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AMM
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  • indemnisation
  • laboratoire
  • mediator
  • patients

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous commençons ces débats en l'absence de Mme la rapporteure qui est occupée par les débats sur la bioéthique. Elle essaiera de nous rejoindre avant la fin de la matinée. Nous poursuivons nos auditions ce matin avec les représentants des associations qui jouent un rôle important dans le domaine du médicament et de la santé. Nous avons donc organisé cette table ronde avec les représentants des associations suivants : MM. Dominique-Michel Courtois, président de l'Association des victimes de l'Isoméride et du Mediator (Avim) ; Karim Felissi, conseiller national, et Mme Marie Ruelleux, de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés (Fnath) ; Mme Sophie Le Pallec, présidente de l'Association des malades des syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson (Amalyste) ; et M. Gérard Raymond, président de l'Association française des diabétiques (AFD). Nous attendons M. Christian Saout, président du collectif inter-associatif de la santé (Ciss).

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

M. Saout s'excuse mais il ne pourra être présent puisqu'il participe à une commission sur la dépendance. Il nous a chargés de répondre à sa place.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous êtes membres du Ciss et pourrez donc parler au nom de ce collectif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je vous rappelle que cette réunion est ouverte à la presse et fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel en vue de sa diffusion sur le site Internet du Sénat et, éventuellement, sur la chaîne Public Sénat.

Je vous donnerai la parole à tour de rôle et nous vous poserons ensuite un certain nombre de questions.

Je cède la parole à Mme Sophie Le Pallec.

Debut de section - Permalien
Sophie Le Pallec

Je vous remercie, monsieur le Président, de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue et de faire connaître l'association Amalyste.

Nous représentons les victimes des syndromes de Lyell et de Stevens-Johnson. Ces maladies sont des réactions très graves qui se traduisent par un décollement brutal de la peau et des muqueuses, ce décollement pouvant être très étendu. La victime doit impérativement être prise en charge dans une unité spécialisée. La douleur est extrême et il y a 30 % de décès. 90 % des cas sont dus à des réactions médicamenteuses ; certains peuvent être liés à une infection à mycoplasmes. Une douzaine de molécules ont été identifiées ce jour comme étant à risque élevé de syndrome de Lyell parmi lesquelles les sulfamides anti-infectieux, certains anti-inflammatoires, certains anti-épileptiques, l'allopurinol et la névirapine. D'autres médicaments sont impliqués mais ne présentent pas un risque aussi élevé.

Cette maladie est orpheline, avec 150 cas par an en France et un millier dans l'Union européenne. Il s'agit également d'une maladie chronique puisque 95 % des survivants gardent des séquelles invalidantes et évolutives. Nous avons eu du mal à démontrer que les personnes ne s'en sortaient pas indemnes. L'identification du médicament est très difficile du fait de l'effet retard entre la prise et la réaction. Les moyens donnés à la recherche sont très insuffisants tout comme la prise en charge des séquelles, sauf pour les séquelles oculaires. De nombreux traitements ne sont pas pris en charge s'ils concernent la peau, les yeux ou les dents. En 2003, un dispositif innovant est apparu : il permettait de changer radicalement la vie des malades et les victimes ont dû payer pour mener l'étude afin de prouver les bénéfices d'un dispositif et d'obtenir la prise en charge par rapport à la sécurité sociale.

Ce qui caractérise ces réactions, par rapport au Mediator, c'est que le risque est souvent accepté, sans retombées médiatiques, alors qu'il y a autant, voire plus de victimes, que pour le Mediator. Sur les quatre dernières années, il y a eu entre 450 et 500 victimes, 150 décès. Sur les trente-trois dernières années, il y a eu entre 3 500 et 4 000 victimes et environ 1 000 ou 1 200 morts en France.

Amalyste a été créée en 2002 et est agréée depuis 2007 : nous sommes une association de patients et de victimes. Nous luttons pour une meilleure prise en charge, pour la recherche et pour l'indemnisation. Nos partenaires sont le Centre national des maladies rares, situé à Henri Mondor à Créteil, qui a de nombreux centres affiliés en régions ainsi qu'un registre européen dont le copilote est situé en France. Nous essayons d'amener une vision d'ensemble sur la gestion du risque. Nous aurions souhaité que cette gestion globale du risque puisse intégrer en amont l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et en aval l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Une gestion correcte du risque devrait effectivement intégrer toute cette chaîne, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Je souhaite aborder deux thèmes liés à l'évaluation et au contrôle du médicament, mais aussi à notre expérience d'association de victimes.

La surveillance du risque et le système de pharmacovigilance ne reposent pas sur un système d'information décisionnel. Le système d'information de la pharmacovigilance consiste en effet à comptabiliser, en entrée, l'organisation des risques et les effets indésirables des médicaments, notamment à travers la notification spontanée, mais il n'est pas, en sortie, un véritable outil d'aide à la décision. Mettre en place un véritable outil d'aide à la décision constitue l'un des grands enjeux de la pharmacovigilance, avec celui de la sous-notification patente des effets indésirables. Le système actuel ne permet pas d'automatiser le déclenchement des alertes lorsque le risque n'est plus acceptable. Pour déclencher une réévaluation, il faut soit attendre la fin du délai de surveillance des cinq ans, soit une décision du directeur de l'Afssaps. Ces deux procédures ne peuvent être efficaces. Le délai de cinq ans est, à notre sens, complètement artificiel : le critère pertinent pour mesurer le risque d'un médicament n'est pas le temps mais plutôt celui de la population exposée à la substance active pour la première fois. Cette population s'estime en fonction du niveau de risques qu'on cherche à détecter, en la majorant du taux de sous-notification des médicaments. Pour détecter un risque d'1 sur 10 000 nouveaux utilisateurs et qu'on suspecte que ce risque n'est notifié qu'une fois sur deux, comme c'est le cas pour le Lyell, la population pertinente est alors de 20 000 personnes. La décision du directeur de l'Afssaps n'est pas très efficace : quand on a un portefeuille de 5 000 molécules, il faut disposer d'un système d'aide à la décision pour générer automatiquement des alertes. A notre sens, il manque, en amont de la procédure pour générer les alertes, la fixation d'un niveau de risque attendu et d'un seuil maximum d'acceptabilité du risque, quand on accepte un risque et autorise la mise sur le marché du médicament. Pour les médicaments causant du Lyell, nous n'avons pas de visibilité sur le niveau de risque qui n'est plus acceptable et induirait une réaction de l'Afssaps. En 2001, l'Afssaps a suspendu l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des sédatifs légers qui contenaient du phénobarbital au motif que ces médicaments avaient un service médical rendu (SMR) insuffisant et qu'ils avaient provoqué, sur douze ans, une douzaine de cas de Lyell. En cinquante ans, ce médicament avait sûrement provoqué cent cas de Lyell : pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour retirer un tel médicament ? En 2005, l'Afssaps a ordonné le retrait des immunostimulants au motif d'un SMR insuffisant et d'effets indésirables (type crises d'asthme, purpura, oedèmes du visage et d'un cas douteux de Lyell). La victime de ce syndrome de Lyell a toutefois été déboutée quand elle a été devant l'Oniam pour obtenir une indemnisation, au prétexte que son cas était douteux. Le doute profite donc toujours à l'administration qui s'en prévaut pour retirer une AMM, mais aussi pour refuser une indemnisation. Aujourd'hui, nous avons un problème avec la lamotrigine, anti-convulsant, et l'allopurinol. La lamotrigine a été mis sur le marché en 1995 : après la fin de la période de surveillance, dans les années 2000, les ventes ont explosé, ainsi que le nombre de victimes. Malgré cela, l'indication a été étendue aux maladies bipolaires, sans plan de gestion de risque, alors que ce médicament est le second pourvoyeur de Lyell en Europe. L'allopurinol est un médicament contre la goutte qui a un problème de mésusage puisqu'il est prescrit deux fois plus que la prévalence connue de la goutte et est le premier pourvoyeur de Lyell.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ce médicament figure-t-il dans la liste des soixante-seize médicaments sous surveillance ?

Debut de section - Permalien
Sophie Le Pallec

Non. Et nous n'avons pas de visibilité sur le niveau maximum de risque acceptable qui permettrait de construire un système d'information pertinent.

Pour ce qui est du problème de l'indemnisation, Amalyste pense que l'Oniam devient une compilation de fonds spécifiques, créés au gré des diverses crises sanitaires : il existe ainsi le fonds d'indemnisation des victimes HIV-hépatite C par transfusion, le fonds d'indemnisation des victimes de la vaccination obligatoire... On parle maintenant de créer un fonds d'indemnisation spécifique pour les victimes du Mediator. Le risque est que, dans vingt ans, l'Oniam ne soit plus qu'un chapelet de fonds d'indemnisation que personne ne comprendra. Nous pensons qu'il faut sortir de cette impasse par le haut, que les crises sanitaires ne doivent pas conduire à ce que les victimes dont les maladies ont les honneurs de la presse soient mieux traitées que les autres victimes des médicaments mais, au contraire, que ce scandale soit l'occasion pour les politiques de mettre en oeuvre une gestion global du risque médicamenteux. Le médicament est un produit à risque. Le modèle qui préside à son acceptabilité pose toutefois problème : il est encadré par la notion de balance bénéfices-risques et légitime l'idée qu'on puisse sacrifier une minorité pour le bien-être du plus grand nombre. Si cette position est défendable, nous n'acceptons pas que cette inégalité ne soit pas réparée dès le début et qu'on ne pose pas le principe que le risque doit être indemnisé. Si un médicament apporte un progrès social au plus grand nombre, il convient toutefois que les quelques personnes qui subissent des effets indésirables très graves bénéficient d'une réparation, ce qui n'a pas été pensé par le régulateur à l'origine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il semblerait en outre que ce risque ne soit presque jamais indemnisé.

Debut de section - Permalien
Sophie Le Pallec

Le risque n'est pas pensé comme un risque assurable et indemnisable. Depuis 1988, date où la directive sur les produits défectueux aurait dû être transposée en France, le juge considère que, si le risque figure dans la notice, le risque est légitime et ne donne pas lieu à indemnisation. Il n'existe alors plus d'obligation de sécurité absolue mais seulement relative ; la notice devient un parapluie juridique pour les laboratoires qui sont complètement déresponsabilisés de la faute, mais aussi du risque. Les victimes entre 1988 et 2001 n'ont aucune possibilité de recours.

L'Oniam ne résout pas le problème des accidents médicamenteux, qui ne représentent que 2 % des dossiers. Certaines problématiques ont été résolues, avec la création de la notion de la solidarité nationale, mais l'Oniam n'a pas résolu le problème de la charge de la preuve. L'imputabilité d'une réaction à un principe actif ne peut être démontrée sur le plan individuel mais c'est pourtant ce qui est demandé aux victimes. Quand on autorise la mise sur le marché d'un médicament, on doit prouver le bénéfice et le risque sur un plan statistique. Il faut donc accepter les démonstrations sur le plan statistique, ce qui n'est pas évident : nous pouvons faire ressortir des niveaux de risques élevés mais ne pouvons démontrer le risque pour les molécules à risques moins élevés.

Nous avons des propositions simples.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous m'avez effectivement fait parvenir un document récapitulant vos propositions que nous mettrons à disposition de la mission.

Debut de section - Permalien
Sophie Le Pallec

Le risque d'effet indésirable, surtout lorsqu'il est spécifié dans la notice, doit être assuré : il doit y avoir une obligation d'assurance pour le producteur, quelle que soit la forme d'assurance choisie. Le coût du risque doit être intégré dans le coût du médicament : comme il sera répercuté sur le payeur final, la sécurité sociale, cette proposition ne changera pas tellement le modèle économique des laboratoires pharmaceutiques tout en apportant une réponse à un problème sociétal.

Le fait que le risque soit mentionné dans la notice doit constituer une présomption de preuve pour la victime. Cette mention doit se traduire, pour le producteur, par une obligation de mettre en place un vrai plan de gestion des risques.

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

L'Association française des diabétiques (AFD) est la première association de patients pour défendre et représenter les patients diabétiques. Nous nous sommes retrouvés en première ligne pour l'affaire du Mediator, médicament prescrit aux diabétiques de type II. L'AFD s'est essentiellement consacrée sur trois axes quand l'affaire a éclaté. Le premier consistait à réclamer le recensement de toutes les personnes ayant consommé du Mediator, à leur assurer un examen pour considérer le risque d'anxiété et à ce que ces examens soient pris en charge à 100 % par l'ensemble de la communauté. Cette revendication a été satisfaite puisque des courriers ont été écrits, avec l'aide de l'Afssaps et de l'assurance maladie, à 600 000 patients.

Le second axe consistait à indemniser les victimes du Mediator, dans le cadre d'un fonds d'indemnisation public regroupant l'ensemble des responsables. Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) pointe la responsabilité des laboratoires Servier, mais aussi de l'Etat, voire des prescripteurs. Dans ce cadre, nous réclamons ce fonds dans le cadre de l'Oniam, même si je rejoins le point de vue de Mme Le Pallec sur le risque de ce que pourrait devenir l'Oniam et sur la nécessité de revaloriser les indemnisations de l'Oniam. Nous avons fait une proposition de loi, déposée jeudi dernier à l'Assemblée Nationale avec le collectif inter-associatif sur la santé pour provoquer la création de ce fonds. Au cours des cinq derniers mois, nous avons bien vu que certains profitaient de la misère et du désarroi des patients, y compris les laboratoires Servier qui a entrepris des démarches directes auprès de certains patients. Nous ne pouvons que regretter l'hara-kiri de l'Afssaps qui a publié la liste des soixante-seize médicaments, ce qui n'a fait qu'augmenter la défiance des patients vis-à-vis du système. Ce fonds d'indemnisation devra être alimenté par les laboratoires Servier, géré de manière indépendante ; la commission des experts devra déterminer les critères et les taux d'indemnisation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Servier n'est pas un philanthrope : attendre que ce laboratoire contribue au financement de ce fonds risque de prendre longtemps surtout si l'on veut que ce financement soit suffisant. Il serait donc plus astucieux de faire en sorte que l'Etat avance les fonds et se retourne ensuite contre les laboratoires Servier pour obtenir ce que les victimes ne pourront obtenir individuellement. L'audition d'UFC-Que choisir que j'ai réalisée hier m'a apporté cette idée que je trouve intéressante.

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Dans le cadre du comité de suivi du Mediator auquel nous participons, il apparaît effectivement que le Gouvernement souhaite prendre cette direction. Nous attendons une information à ce sujet. Il faudra néanmoins une loi pour encadrer ce fonds et nous la demandons avec force.

Enfin, le troisième axe de notre action concerne la refonte de notre système de pharmacovigilance. Nous nous sommes rendu compte que, à vouloir ne considérer que l'expertise scientifique et l'industrie pharmaceutique, nous avons fonctionné en vase clos, ce qui a entraîné certaines conséquences. Nous pensons qu'il faut également considérer l'expertise profane et l'intégrer dans notre système de pharmacovigilance. La commission de transparence de la Haute Autorité de santé ne comporte pas d'associations de patients ou de patients. Les Assises du médicament devraient refondre tout le système : il semble important de reconnaître le rôle des associations de patients et leur expertise profane, de pouvoir être nous aussi des donneurs d'alerte pour les effets secondaires. Nous avons récemment alerté l'assurance maladie, que nous considérons comme étant l'institution stable actuellement et disposant de données scientifiques importantes, et lui avons demandé de faire une enquête sur les dernières molécules qui sont sorties pour le traitement des diabétique de type II. Il est important que, dès la mise sur le marché d'une molécule, l'institution suive une cohorte de patients pour étudier des effets secondaires. Je pense notamment aux DPP-4 des pectines.

En conclusion, nous attendons que l'Oniam crée un fonds d'indemnisation, avec une gestion indépendante, et que le système de pharmacovigilance soit refondu, dans un système transparent reconnaissant l'expertise des patients.

M. Dominique-Michel Courtois. - Notre association a été créée en 2001 ; elle s'est occupée dans un premier temps de l'Isoméride puisque cinq cents patients étaient concernés. Nous avons engagé des procédures individuelles contre les laboratoires Servier, devant le tribunal de Nanterre, avec des problèmes financiers du fait des frais d'avocat et d'expertises, qui dépassaient 5 000 euros. Peu de personnes ont engagé des procédures. Les laboratoires Servier a mobilisé des moyens pour torpiller les expertises et faire cesser les poursuites. En février, nous avons obtenu la condamnation du laboratoire à verser 180 000 euros, après sept ans de procédure, puisque nous avons dû aller en cassation.

Au cours de l'année dernière, nous avons vu arriver des victimes du Mediator. Forts de notre expérience, nous avons décidé d'attendre un peu et l'affaire du Mediator est arrivée. Nous avons pensé qu'il fallait avoir une action forte vis-à-vis des laboratoires Servier et avons déposé 650 plaintes devant le pôle Santé publique du tribunal de grande instance de Paris pour homicide involontaire, blessures involontaires et tromperie. L'association s'est portée partie civile et j'ai été reçu par les trois juges - Pascal Gand, Anne-Marie Bellot et Franck Zientara -, qui m'ont expliqué qu'il y aurait une expertise médicale pour chaque individu, ce qui signifie que le traitement du dossier prendrait des années au pénal.

Nous avons alors tenté de négocier avec les laboratoires, mais ce qu'il proposait était inacceptable. J'ai toujours demandé un fonds d'indemnisation gouvernemental qui prendrait en charge la totalité des victimes. En tant que président d'association, le financement n'est pas mon problème : il y a des milliers de victimes et il faudra répondre à leur demande.

En ce qui concerne les réformes, je crois aux donneurs d'alerte. Je pense qu'il faudrait davantage associer les patients, en les motivant et en leur expliquant les effets possibles qui peuvent survenir. Les patients et les médecins généralistes devraient être les premiers témoins de ces dysfonctionnements qu'il faudrait ensuite remonter, en espérant que se trouvent, au niveau supérieur, des instances capables de réagir plus efficacement. Pour les prothèses mammaires PIP, qui intéressent 30 000 personnes, l'Afssaps avertissait auparavant un mois à l'avance les laboratoires qu'elle réaliserait des contrôles inopinés, ce qui leur permettait de retirer pendant un mois le gel frauduleux. Il faudra y remédier. Il est surprenant que, pour le matériel implantable, une fois l'autorisation obtenue, il n'y ait aucun contrôle systématique : ce contrôle est même délégué, pour les PIP, à une société allemande.

Debut de section - Permalien
Karim Felissi

La Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath) fête ses quatre-vingt-dix ans ; l'association réunit 150 000 adhérents. Elle fédère plusieurs associations dont l'association DES (pour diéthylstilboestrol) qui regroupe les victimes du Distilbène. Je formulerai le souhait qu'elle soit également reçue, car je crois qu'aucun parlementaire n'a auditionné cette association. Or, ceci vous permettrait de vous rendre compte que vous êtes devant un choix politique. Pour l'instant, les responsables, directs ou indirects, font le plus de bruit possible pour qu'on ne se préoccupe pas trop des responsabilités de chacun. Vous avez un choix politique à faire : soit vous vous servez de cette affaire comme levier pour améliorer la globalité du système, de manière définitive, soit vous répondez à l'affaire du Mediator par une réponse circonscrite, en créant un fonds d'indemnisation et l'affaire s'arrêtera là.

Vous avez eu à vous préoccuper des victimes de l'amiante et vous retrouvez les mêmes stigmates dans cette affaire du Mediator, avec une responsabilité évidente de l'Etat, avec des carences inacceptables, proches d'une République bananière : quand des victimes signalent des effets indésirables et que ces points dorment dans les tiroirs d'une agence sanitaire de l'Etat, je me demande si nous sommes en France.

Debut de section - Permalien
Karim Felissi

Certes, mais il faut souligner l'ampleur du problème : outre le Mediator, il y a eu l'amiante, le sang contaminé, l'Isoméride, les prothèses.... Le problème est systémique et ne se limite pas au Mediator. Nous considérons donc qu'il faut apporter une réponse globale car la sécurité des personnes n'est pas réellement assurée en termes sanitaires. Une proposition de loi a été déposée sur les effets indésirables causés par les plastiques. Ces problèmes ne sont pas nouveaux mais l'intérêt économique est mis en avant ; les agences sanitaires indiquent devoir mener des études complémentaires tandis que certains industriels demandent, comme pour l'amiante, où sont les victimes. Nous plaidons donc pour un changement systémique et réel, en posant la question du médicament en tant que tel pour le Mediator. Si nous créons un fonds pour l'indemnisation des victimes du Mediator, cela ajoutera une tranche de plus dans le millefeuille et, en 2025, l'Oniam aura un fonds pour chaque scandale. Si nous appréhendons le sujet de manière globale, il conviendrait d'adopter une loi de restauration de la confiance dans le médicament.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous avons rédigé un rapport il y a cinq ans intitulé Restaurer la confiance mais nos propositions n'ont pas été prises en considération.

Debut de section - Permalien
Karim Felissi

Tous ces problèmes sont connus. Les victimes et associations vous diront toutes la même chose. Pour l'amiante, nous avons été bouleversés par le fait que l'Etat français ait accepté que celui qui a causé le préjudice dicte ses conditions d'indemnisation.

Sur le fond, il existe trois axes de travail, le premier étant celui de la prévention et de l'amélioration du système en tant que tel. J'ai pris connaissance des dix propositions d'Etienne Caniard de la Mutualité française, que vous avez auditionné : les propositions sont remarquables.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous pouvons le proposer mais le texte ne sera peut-être pas adopté.

Debut de section - Permalien
Karim Felissi

Si vous adoptiez ne serait-ce que la moitié des propositions de la Mutualité, cela me conviendra parfaitement.

Combien avons-nous de bataillons à mettre dans cette affaire ? A chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous nous demandons comment rentrer dans les cadres et ne pas perdre notre notation AAA. Quel est le budget qui sera consacré à cette réserve ? La France compte 18 000 visiteurs médicaux. Quel sera le budget de l'agence ?

Les plaintes au pénal font du bruit mais nous avons déposé une plainte au pénal depuis vingt ans pour l'amiante et les veuves attendent toujours. Il serait possible d'imaginer un corps complètement indépendant pour le médicament, sur le modèle de l'Igas, pour exercer une surveillance constante et régulière sur les médicaments ayant obtenu l'AMM, effectuée par des personnes qui ne peuvent avoir aucun lien avec une quelconque industrie. Ces personnes devraient à mon sens être des fonctionnaires d'Etat, qui constituerait une sorte de police du médicament.

Nous avons 5 000 molécules. Un autre exemple à suivre pourrait être celui de la cellule Tracfin. Nous avons des caisses de retraite du personnel des banques (CRPB) qui fonctionnent très bien puisque le nombre d'agents a été augmenté. Nous disposons d'une mine : les bases de données de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Une fois qu'il a été demandé à la Cnam de vérifier quelles personnes avaient pris du Mediator et avaient été hospitalisées quelques années après, elle a sorti les données avec rapidité et objectivité, de manière imparable. La Cnam ne doit toutefois pas prendre cette responsabilité et devenir une agence sanitaire bis. Un corps d'inspecteurs, composé notamment d'épidémiologistes, pourrait en revanche régulièrement exploiter ces bases de données en fonction des molécules. Ce corps devrait être indépendant, incorruptible. Il n'est pas acceptable que des signalements restent dans les tiroirs, comme l'a montré le rapport de l'Igas, digne d'un scénario d'Hollywood.

Un autre point concerne l'indemnisation. Je pense que nous ne pourrons pas évoluer sur la prévention si nous n'évoluons pas définitivement sur l'indemnisation. Nous avons développé ce point au cours de l'audition à l'Assemblée nationale avec Mme Le Pallec. Un sénateur, M. Badinter, a voté une loi fondamentale en 1985 sur les accidents de la route. L'idée était la suivante : dans un carambolage, vingt ou trente véhicules sont impliqués et les victimes ne peuvent prouver qui a causé le dommage. Plutôt que d'initier des procédures qui durent dix ou quinze ans, avec des expertises et des contre-expertises très coûteuses, la loi Badinter pose le principe, non pas de rechercher la cause, mais de considérer que, à partir du moment où un véhicule terrestre moteur est impliqué, le responsable doit payer. La voiture présente exactement les mêmes stigmates que cette affaire : la voiture est un élément de progrès incontestable pour notre société ; elle a un poids économique important ; sa possession entraîne une obligation d'assurance qui solvabilise les victimes ; elle crée un risque social évident. Il en est de même pour la santé au travail : à partir du moment où la loi de 1898 a été votée et que le problème de la causalité a été dégagé, l'employeur a été responsable pour tous les accidents survenus sur le lieu de travail et les employeurs ont mutualisé les risques. Il en est de même pour l'assurance automobile. A partir du moment où cette organisation est posée, le secteur s'auto-organise alors pour faire de la prévention. Il s'agit, pour nous, d'une pierre fondamentale. Or, pour le médicament, les victimes ne sont pas toujours indemnisées et s'engagent dans des procédures longues. S'il n'est pas possible de déterminer la causalité, nous pourrions dégager ce problème comme cela a été fait pour d'autres sujets sociétaux importants (le travail et la voiture). Il serait intéressant d'interroger M. Badinter car je pense qu'il a eu les mêmes problèmes à résoudre en termes de causalité. Quand un risque est socialisé par une assurance privée, ce risque mutualisé accélère la prévention. La socialisation du risque en 1985 pour l'automobile et la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) qui réunit les employeurs contribuent effectivement à la prévention.

Si nous admettons l'idée que le médicament est un progrès considérable, qu'il faut préserver l'emploi et les entreprises qui sont parmi les meilleures du monde, il faut alors avoir confiance dans le médicament. Les industriels doivent admettre l'existence d'un risque et refuser les scandales : il faut alors accepter de ne pas s'occuper de la causalité et que la responsabilité soit mutualisée. Si nous ajoutons une tranche supplémentaire dans le millefeuille, nous n'aurons fait qu'un saut de puce alors que la mutualisation de la responsabilité constituerait un pas de géant.

Le troisième point, également fondamental, du projet de réforme, concerne la politique pénale de la criminalité sanitaire. La France s'est dotée d'un pôle de santé publique mais sans politique pénale de la santé. Quelle est l'incrimination pénale spécifique pour ceux qui dépassent les bornes dans ce domaine ? Des incriminations spécifiques existent pour les personnes mais pas contre les grands groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez raison : même quand des sanctions financières sont prononcées, elles sont rarement mises en oeuvre.

Debut de section - Permalien
Karim Felissi

Sur l'indemnisation, il faut profiter de l'affaire du Mediator pour revoir les barèmes de l'indemnisation de l'Oniam, actuellement insuffisants. Si l'idée est de créer un fonds pour éviter la judiciarisation des victimes, encore faut-il que l'indemnisation prévue couvre tous les préjudices, comme le font les indemnisations décidées par les juridictions. Si l'indemnisation ne suffit pas, certaines victimes s'engageront dans des procédures.

Enfin, je souhaite évoquer le préjudice d'anxiété qui a été reconnu par la Cour de cassation pour les victimes de l'amiante. Ce préjudice concerne les personnes exposées à l'amiante qui ne sont pas malades mais doivent faire régulièrement des examens et vivent avec l'angoisse de tomber malades et de mourir rapidement. La définition donnée par la Cour de cassation, qui fait partie du droit positif, s'applique ici. Les personnes qui ont pris ce médicament, même celles qui n'ont rien, ont un préjudice d'anxiété. Les femmes dont la mère a été exposée au distilbène peuvent se signaler à la sécurité sociale quand elles sont enceintes, afin d'être suivies. Elles bénéficient alors d'un arrêt maladie que vous avez voté. Ces femmes ne sont toutefois pas remboursées à 100 % pour leur suivi car on suspecte l'apparition du cancer du sein. Si ces femmes souhaitent se faire dépister, elles sont remboursées sur les bases du droit commun, ce qui est extraordinaire. Ces personnes subissent aussi un préjudice d'anxiété. Si on ne change pas radicalement le logiciel, définitivement, la judiciarisation sera très importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Lors de la fusion de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Afsset) et l'Agence française sécurité sanitaire des aliments (Afssa) pour créer l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), la représentation officielle des associations et des usagers qui existait à l'Afsset a péniblement été acquise au sein du conseil d'administration. Quelle forme la présence ou la parole sérieusement écoutée des associations de patients pourrait prendre, dans ce que vous avez évoqué sur l'expertise d'usage ou l'expertise profane ?

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Cette affaire montre qu'il faut mener une réflexion sur la démocratie sanitaire et sur la reconnaissance des associations d'usagers de la santé ou de patients. Avec les différentes lois de 2002 et 2004, nous avons gagné une place et figurons désormais dans des commissions, souvent pour servir de caution. Or nous souhaitons jouer réellement un rôle et nous pensons donc que nous devons participer aux instances de gouvernance de ces agences.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Revendiquez-vous une place au conseil d'administration de ces agences ?

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Bien entendu. Chacun d'entre nous a une spécialité pathologique : c'est dans ce cadre que nous devons être auditionnés ou participer à l'élaboration de recommandations. Les associations doivent en outre être davantage reconnues, au-delà des agréments et de la reconnaissance de l'utilité publique. Pour instaurer en France une réelle transparence et démocratie et pour que les patients puissent participer à l'expertise profane, contrepoids à l'expertise scientifique, il faudra nous donner les moyens de fonctionner et surtout de nous former. La reconnaissance de l'engagement bénévole doit passer par cela. Aucun financement n'est aujourd'hui accordé à la démocratie sanitaire, à l'exception des deux millions d'euros que reçoit le Ciss; ce qui est totalement dérisoire face aux nécessité de formation.

Un pompier bénévole est rémunéré pendant sa formation et pendant ses interventions. Je ne comprends pas pourquoi un bénévole associatif ne serait pas rémunéré pendant ses formations ou sa présence en conseil d'administration. Notre engagement, qui se base sur des valeurs de solidarité, d'entraide et de partage, me semble aujourd'hui en danger, si une démocratie sanitaire n'est pas mise en place.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous ne pouvons éviter de parler du financement par l'industrie pharmaceutique de ces associations. Etes-vous subventionnés par l'industrie pharmaceutique ?

Debut de section - Permalien
Sophie Le Pallec

Nous ne sommes subventionnés ni par l'industrie pharmaceutique ni par l'Etat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Votre réponse ne m'étonne pas puisque je vois mal cette industrie financer une association qui a pour objectif de critiquer les médicaments.

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Pour nous, la situation diffère légèrement. Plus de 60 % de notre financement provient de la solidarité nationale. Toutes ces informations figurent sur notre site Internet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

J'ai constaté, sur le site de la HAS, que vous aviez reçu, en 2010, 200 606 euros de l'industrie pharmaceutique.

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Notre site est plus précis ; nous recevons bien plus que cela. Les laboratoires ne déclarent pas leurs versements lorsqu'ils relèvent des partenariats. L'Association française des diabétiques dispose d'un budget de 4 millions d'euros, issus à 60 % de la générosité publique, à 25 % de l'industrie pharmaceutique et à 5 % ou 10 % de l'Etat. Nous surveillons très attentivement le financement de l'industrie pharmaceutique qui ne concerne que des partenariats. Nous montons nous-mêmes des projets de prévention, d'accompagnement et d'éducation pour les patients diabétiques et les réalisons des appels d'offres. Nous demandons que plusieurs industriels financent la réalisation de ces projets. Des conventions de partenariat sont signées et elles sont totalement publiques puisqu'elles figurent sur notre site. Nous souhaitons être totalement transparents.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il existe des problèmes plus importants que la transparence. Les laboratoires ne sont pas des philanthropes. Pourquoi subventionnent-ils votre association ?

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Nous représentons 3,5 millions de patients. Le diabète est en outre appelé à se développer à une vitesse vertigineuse, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Je pense qu'ils nous subventionnent parce qu'ils ont compris que, pour cette pathologie, le traitement ne suffit pas mais qu'il existe aussi un facteur d'accompagnement, d'éducation et de qualité de vie. L'industrie a donc compris qu'elle avait un rôle d'éducation et d'accompagnement. Nous sommes extrêmement vigilants quant au respect de l'article L. 1161-2 du code de la santé publique sur l'éducation et l'accompagnement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

A mon sens, vous n'avez pas été suffisamment vigilants. Je pense que l'industrie pharmaceutique ne peut pas financer l'éducation thérapeutique. Les retombées ne sont pas nécessairement utiles à l'amélioration de la qualité des soins destinés aux diabétiques. Il faut qu'il y ait, entre les laboratoires et les patients, des médecins qui n'aient pas de lien d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique. Ces médecins doivent conduire l'éducation thérapeutique. Toute information qui émane d'une entreprise, quelle qu'elle soit, n'est pas une information mais de la publicité.

Si l'Etat s'engageait à vous verser les 800 000 euros que vous recevez de l'industrie pharmaceutique, sous réserve que vous vous engagiez à ne plus avoir de lien avec cette industrie, l'accepteriez-vous ?

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Evidemment. L'information divulguée par l'industrie pharmaceutique n'est pas la même que celle relayée par l'Association française des diabétiques. Nous refusons absolument que l'industrie pharmaceutique valide le contenu de nos publications.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Les médecins disent également qu'ils ne sont pas influencés par les visiteurs médicaux.

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

Il nous semble important d'imposer la pluridisciplinarité afin d'éviter qu'un seul industriel nous finance. Nous trouvons ainsi un équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je n'ai pas vu dans la liste de vos financeurs les laboratoires Servier.

Debut de section - Permalien
Gérard Raymond

J'ai effectivement l'habitude de dire que j'ai des conflits d'intérêt avec tous les industriels, à l'exception de Servier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Il est évident qu'à partir du moment où vous demandez aux industriels du médicament dont le métier est de vendre des médicaments de faire de la prévention, cela semble incompatible avec leurs intérêts.

Je souhaite revenir sur la réforme systémique demandée par les associations et qui me semble fort intéressante. S'en tenir uniquement à l'affaire du Mediator serait effectivement réducteur. L'objet de notre mission est bien d'élargir le champ à une réflexion plus générale sur la fonction du médicament.

J'ai entendu M. Felissi dire qu'il souhaitait que soit instaurée une politique pénale de la santé publique. Cette dernière existe mais la difficulté consiste à remonter jusqu'au coupable quand il y a un temps de latence. Avant que l'affaire se déclenche, il y a déjà eu des victimes. Nous connaissons le fabricant du Mediator mais l'affaire pénale doit aussi envisager le problème de la prescription. Vous aurez alors beaucoup de difficultés à entendre les médecins prescripteurs. Comment mettre en oeuvre une telle politique pénale de la santé publique avec les égards que la justice doit aux victimes et aux coupables ?

Je n'ai jamais entendu parler de l'indemnisation du préjudice d'anxiété : comment est-il possible de le mesurer même si l'on sait que de nombreuses victimes de l'amiante redoutent de passer les examens ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cette angoisse diffère un peu de l'angoisse existentielle puisqu'elle résulte d'un préjudice.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Le préjudice d'anxiété n'a pas été individualisé mais plaidé par les avocats en même temps que le préjudice de « décote » sur le marché du travail, pour avoir travaillé dans un lieu contaminé. Quand vous parlez d'une politique pénale sanitaire spécifique, il faut savoir que les procès échouent du fait d'un arsenal juridique qui permet de botter en touche. La faute non intentionnelle est ainsi systématiquement utilisée. L'une des seules condamnations de l'employeur avec des indemnités lourdes pour les victimes réelles et potentielles a été prononcée par le tribunal de Lille puisque les avocats ont pu mettre en avant la politique régionale de désamiantage des lycées menée depuis 1993, en inondant les médias et les mairies sur les preuves du danger de l'amiante.

Il faut noter que, pour le pôle de santé, son manque d'officiers de police judiciaire (OPJ), de juges et de greffiers pèse autant que l'absence de politique pénale sanitaire spécifique. Il est difficile de voir les contours de votre proposition.

Debut de section - Permalien
Karim Felissi

Dans un arrêt du 11 mai 2010, la Cour de cassation a reconnu le préjudice d'anxiété pour les victimes de l'amiante. Je vous transmettrai cet arrêt et les commentaires de doctrine sur cette évolution majeure du droit prétorien. L'arrêt énonce que les victimes « se trouvaient dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et étaient amenées à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ». Nous plaidons ce préjudice d'anxiété depuis 15 ans et avons enfin réussi à le faire admettre en droit français.

Vous parliez, madame la sénatrice, de la loi Fauchon et du manque de moyens du pôle de santé publique. Je n'ai ni rédigé la loi ni voté le budget de la justice. Si tel était le cas, j'aurai considérablement augmenté le nombre de greffiers, d'OPJ et de magistrats du pôle de santé publique de Paris. La politique pénale ne consiste pas à faire du répressif mais à adopter une politique spécifique pour les criminalités particulières, avec des moyens spécifiques pour la prévention et la répression et des incriminations spécifiques pour la responsabilité des personnes morales. Les amendes ne suffisent pas. Votre rapport publié il y a cinq ans était remarquable. Nous avons réfléchi, en France, à la responsabilité pénale des grands groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous n'avez pas de financement de l'industrie pharmaceutique ?

Debut de section - Permalien
Karim Felissi

Non. Nous demandons des subventions à l'Etat. Nous sommes présents à la Cnam. L'intelligence de Xavier Bertrand sur les entretiens du médicament est d'avoir réuni tout le monde, mettant face à face des personnes qui ne se parlent que devant les tribunaux. Nous n'avons pas cette culture et sommes disposés à discuter avec les entreprises du médicament de la problématique du risque. Il n'est pas honteux de gagner de l'argent, y compris avec les médicaments, qui créent des emplois et soignent des maladies. Nous avons une culture de la Caisse nationale d'assurance maladie et sommes habitués à nous retrouver face aux employeurs : nous travaillons ensemble et montons ensemble des actions de prévention. Nous avons la culture du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) et avons des très bonnes relations avec les représentants des employeurs. Si nous sommes dans une politique du risque socialisé, avec une solvabilisation par l'assurance, quelle qu'elle soit, nous arriverons à parler avec les entreprises du médicament dans un autre registre que celui des tribunaux et de l'infréquentable. Les entreprises du médicament ne sont pas infréquentables : il suffit simplement d'imposer une notion de risque accepté et mutualisé par elles.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Personne n'a parlé des actions de groupe. Cette omission est-elle volontaire ? Nous parlions de l'Isoméride : aux Etats-Unis, cette affaire représente, pour le laboratoire qui l'a commercialisé, une dépense estimée à 15 milliards d'euros. En France, les indemnisations s'élèvent à 600 000 ou 700 000 euros. Ce système fonctionne très bien aux Etats-Unis et les tribunaux n'ont même pas besoin d'intervenir : des transactions ont souvent lieu en amont puisque le tribunal est dissuasif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Ce système est difficilement transposable. Deux avocats américains sont venus récemment me voir pour que toutes les associations et les victimes se regroupent. Aux Etats-Unis, les laboratoires ont des avocats qu'ils payent très cher. En contrepartie, les avocats qui défendent les victimes sont très bien payés. La condamnation du laboratoire sur le plan pénal, aux Etats-Unis, pour l'Isoméride, s'élevait à 4,3 milliards de dollars, en plus des indemnisations : ce montant étant dissuasif, les laboratoires a préféré négocier. Aux Etats-Unis, une victime de l'Isoméride a touché 435 millions de dollars. Nous n'avons pas du tout la même culture et les mêmes barèmes. En France, il serait difficile que les avocats se regroupent pour mener une action commune.

Nous pourrions tout de même poser les bases d'une action collective à la française avec d'autres critères. Le Mediator peut être l'occasion de discuter de cela.

Debut de section - Permalien
Sophie Le Pallec

Pour le syndrome de Lyell, il n'y a pas suffisamment de victimes par molécule pour envisager une telle possibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Monsieur Marimbert, vous étiez directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de 2004 à 2011.

Cette réunion est ouverte à la presse et fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel en vue de sa diffusion sur le site Internet du Sénat et, éventuellement, sur la chaîne Public Sénat.

Avez-vous des liens d'intérêts ? Cette question n'est toutefois pas nécessaire puisque vous n'êtes pas médecin.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je remplissais toutefois cette déclaration en tant que directeur général de l'Afssaps : je n'en ai pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous pouvez faire une déclaration liminaire si vous le souhaitez. Nous pouvons sinon passer directement aux questions.

M. Jean Marimbert. - Je souhaite faire une déclaration liminaire.

A mes yeux, il est indiscutable, avec le recul et le discernement supplémentaires qu'a donnée récemment l'analyse rétrospective de tous les documents disponibles, que, sur la longue période, le traitement du dossier Mediator par les autorités sanitaires a été marqué par des déficiences.

Dès l'origine, en 1974, le positionnement proposé par les laboratoires de ce médicament comme antidiabétique et hypotriglycéridémiant a été admis, alors que certaines caractéristiques foncières de ce médicament l'apparentaient à un anorexigène. Le médicament n'a pu sortir de ce mauvais « rail » d'évaluation, y compris quand il fallu revalider les indications de 1987 à 1997, d'abord au ministère puis à l'agence. Le Mediator aurait tout de même pu perdre définitivement son indication-phare d'adjuvant antidiabétique, en 1997, si les avis scientifiques négatifs avaient été suivis jusqu'au bout à l'époque. Les interrogations soulevées dans la deuxième moitié des années 90 au niveau français et européen n'ont pas débouché malgré des débats relativement intenses. Un suivi de pharmacovigilance a été mis en place en 1998 puis relancé à partir de 2005 à partir du signalement d'un cas d'hypertension artérielle pulmonaire et une première réévaluation d'ensemble du bénéfice-risque a été engagée : elle a débouché en juin 2007 sur un retrait partiel portant sur une des deux indications. J'ai pris la décision de suspension totale en novembre 2009 à partir d'un faisceau d'éléments parmi lesquels figurait la contribution de Mme Frachon, sous forme d'un ensemble de signalements. Enfin, ce médicament est resté remboursé au taux maximum jusqu'à la suspension de son AMM en 2009 alors que, dès 1999, la commission de la transparence avait estimé que son service médical rendu était insuffisant.

Je voudrai évoquer quelques points. Tout d'abord, que l'agence aurait été délibérément complaisante à l'égard de ce laboratoire : tel n'était pas le cas, ni vis-à-vis de ce laboratoire ni d'autres pendant la période où je l'ai dirigée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ces complaisances auraient donc pu survenir lorsque vous ne dirigiez pas l'agence.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Non. Je ne peux toutefois parler que de la période dont je suis responsable.

Il y a même eu parfois des bras de fer : il n'allait pas de soi de refuser, comme je l'ai fait pendant deux ans et demi, entre l'automne 2005 et juillet 2008, d'accorder une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour Arcoxia, un médicament anti-inflammatoire appartenant à la même classe que le Vioxx, retiré à l'automne 2004, malgré l'arbitrage européen favorable rendu sur Arcoxia et obligatoire pour les autorités nationales. J'estimais à l'époque que nous n'avions pas un recul suffisant pour apprécier de façon fiable si ce nouveau « coxib » présentait vraiment moins de risque que le précédent. Une telle décision est bien loin de l'image de « juridisme excessif » qui a parfois été véhiculée ces derniers mois.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Auriez-vous pu refuser la mise sur le marché, malgré l'autorisation de l'Europe ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je l'ai refusée, pendant deux ans et demi. J'ai expliqué, en juillet 2008, en toute transparence à l'occasion d'un point de presse, les raisons de mon refus puis de mon accord.

Une autre explication ne me semble pas convaincante : cela se serait passé ainsi parce que tel ou tel expert faisant partie du dispositif d'évaluation a eu des liens avec les laboratoires. De tels liens ont parfois existé et le développement dans la seconde moitié des années 2000 de la mise en oeuvre effective des règles de déclaration et de gestion des liens d'intérêts, pour laquelle il reste du chemin à faire, a rendu progressivement plus visible ce type de situations. Le dossier Mediator a toutefois été examiné par des générations successives d'experts siégeant dans plusieurs commissions : sans sous-estimer la capacité d'influence de certains operateurs, il aurait fallu qu'elle soit tentaculaire pour biaiser au long cours en sa faveur les processus d'évaluation faisant intervenir tant d'acteurs différents.

La troisième explication parfois avancée consiste à dire que les experts de l'AMM n'auraient pas voulu se déjuger. Or ceux qui ont statué en 1995, puis en 2007, n'étaient pas les mêmes que ceux qui avaient donné l'AMM en 1974 ou l'avaient partiellement revalidée en 1987.

Le quatrième argument vise à souligner que la pharmacovigilance aurait négligé des signaux forts venant de la notification spontanée des effets indésirables. Même si l'on reprend en compte, comme il faut le faire, certains signalements anciens, dès la fin des années 1990, qui avaient été perdus de vue ou négligés, comme le cas marseillais, et même si on applique un critère d'imputabilité plus large, le constat global reste le même jusqu'en 2008 ou 2009 : le nombre de signalements par les professionnels de sante a été très faible, pour les hypertensions artérielles pulmonaires mais aussi pour les valvulopathies.

Dans les années ou j'ai exercé mes fonctions, et si l'on met à part le bref article de septembre 2005 de Prescrire, dont la tonalité sur ce médicament particulier n'était pas spécialement virulente, je n'ai pas le souvenir, en tant que directeur général, d'avoir jamais reçu de messages d'alerte de professionnels de santé, de scientifiques ou de patients à ce sujet, alors qu'il ne passait pour ainsi dire pas de semaine sans que je reçoive directement de tels messages sur les sujets les plus divers touchant aux produits de sante. Irène Frachon elle-même, qui était fortement préoccupée par ce sujet et dont la contribution à la démonstration du risque est indiscutable, ne m'a jamais saisi personnellement, et, à ma connaissance, son premier signalement documenté de valvulopathie aux services de pharmacovigilance date du premier trimestre 2008.

La poignée de personnes - médecins chevronnés - qui soignent depuis quelques mois leur notoriété médiatique en martelant sans vergogne approximations, outrances et formules à l'emporte-pièce dirigées contre 1'Afssaps et certaines des personnes qui y ont servi, feraient mieux de se souvenir qu'elles n'ont pris aucune initiative sérieuse avant la mesure de suspension pour alerter les autorités compétentes sur un danger qu'elles présentent aujourd'hui comme aveuglant. Cet effort de mémoire devrait les porter à faire preuve de davantage de retenue et de moins de zèle destructif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pensez-vous notamment aux auteurs du rapport du Sénat Restaurer la confiance ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Non je parle d'autres personnes, médecins, qui ont fait des déclarations publiques outrancières.

Il y a eu une sous-notification particulièrement forte des effets indésirables de ce médicament. Pourquoi ? La pharmacovigilance fondée sur la notification par les professionnels de santé a des limites intrinsèques. De ce point de vue, il est crucial de pouvoir mobiliser plus facilement que par le passé les ressources qu'offrent les bases de données de l'assurance maladie. Il faut aussi qu'au-delà de ces études de l'assurance maladie, l'autorité sanitaire compétente ait les moyens de faire réaliser des études pharmaco-épidémiologiques post-AMM dans des conditions de totale indépendance scientifique par rapport au laboratoire, quitte a s'inspirer par exemple du dispositif italien.

Un autre facteur qui explique le cheminement de la situation concerne l'ampleur de l'usage hors AMM : la prescription a parfois été déraisonnable pour des demandes d'amaigrissement. Une telle proportion de prescription hors AMM n'incite pas à déclarer puisque la responsabilité du médecin est alors en première ligne. Ce n'est pas parce qu'un médicament est ancien et que le praticien n'a pas d'information alarmante lui donnant à penser qu'il pourrait présenter de graves risques, que le praticien peut prescrire sans discernement hors AMM.

En outre, à plusieurs moments-clés, le système n'a pas gardé la mémoire d'éléments antérieurs, de débats ou de données scientifiques qui auraient été utiles pour éclairer les choix ultérieurs. Notre dispositif a une capacité insuffisante à faire converger toutes les données disponibles susceptibles d'éclairer les décisions à prendre sur la balance bénéfice-risque. Ces informations concernent la pharmacovigilance, les données fondamentales sur la pharmacologie du projet, les données sur l'évolution de la littérature scientifique. Sur ce point, il y a eu un problème systémique.

Sous cet angle, je suis très sceptique sur la valeur ajoutée de l'idée visant à séparer organiquement l'activité de pharmacovigilance du reste des activités dévolues à l'agence en charge du rapport bénéfice-risque. Cela ne répond en rien au problème posé, et pourrait même aggraver les risques de cloisonnement entre les différentes sources et enceintes d'évaluation des divers types de données utiles. Même si l'information est traitée de manière indépendante, elle doit converger.

Il faut élargir le pluralisme au stade de l'évaluation de la portée les signaux issus de la pharmacovigilance. Je distinguerai deux stades : le stade technique de la pharmacovigilance, qui consiste à recueillir les effets indésirables et à étudier l'imputabilité, et le stade d'analyse du risque. Le risque est-il acceptable par rapport aux bénéfices mais aussi par rapport à d'autres risques d'autres médicaments ? Pour cette phase d'analyse de l'acceptabilité du risque, il faut élargir le pluralisme pour disposer de regards différents. Introduire à ce stade de l'analyse des scientifiques non spécialistes de la pharmacovigilance et des associations de patients et des épidémiologistes permet d'élargir le débat autour du risque pour décider si le risque est acceptable.

J'ai réellement cherché à faire de sérieux efforts, en tant que directeur général, tant pour la gestion des conflits d'intérêts que pour la transparence et la mise en ligne des comptes rendus. Pour les conflits d'intérêts, nous avions commencé à travailler, au sein de l'agence, pour que toutes les déclarations d'intérêts soient accessibles en ligne, de manière très régulière, pour les membres des commissions comme pour les rapporteurs. Nous devrions nous inspirer des pratiques de certains laboratoires qui publient tous les liens de collaboration qu'ils ont avec les experts, parfois dans le détail. Cette orientation est la bonne. En croisant ces données avec les déclarations d'intérêts de tous les experts des agences, les moyens de recoupement sont importants pour les déclarations inexactes ou incomplètes, ce qui permettra de vérifier qu'il n'y a pas d'omissions et que les déclarations sont fiables. Je suis convaincu que la majorité des experts est honnête et ne triche pas sur ces déclarations d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Sans chercher, j'en ai trouvé un : le directeur de l'évaluation de l'Afssaps. Cet oubli fait désordre car il devrait montrer l'exemple. La déclaration d'intérêts ne concernait pas l'Afssaps mais l'Agence européenne. Quelles peuvent être les sanctions ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il ne relève pas des missions d'une agence sanitaire de faire un travail d'investigation pour vérifier que toutes les rubriques sont exactes. En croisant une mise en ligne généralisée par les laboratoires qui devraient indiquer toutes collaborations avec les experts et une mise en ligne, à l'intérieur de chaque agence, de toutes les déclarations d'intérêts, nous nous doterions d'un moyen de recoupement de la véracité des déclarations plus fort. Faut-il une instance externe qui ait une capacité d'investigation ? Pourquoi pas, mais cela ne dispense pas de mettre d'abord en place les autres propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Avant que vous ne preniez la direction de l'Afssaps, il existait une cellule de veille dont la mission consistait justement à surveiller que les experts faisaient bien leur déclaration d'intérêts dans les délais. Cette cellule de veille a ensuite été supprimée.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je suis heureux que vous me posiez cette question. Quand j'ai pris la direction de l'agence, début 2004, les autorités qui m'ont nommé m'ont indiqué que le système de déclaration d'intérêts était un système théorique et que je devais lui donner de la réalité dans le fonctionnement quotidien. Je me suis aperçu que la cellule de veille, qui comprenait un magistrat et une autre personne, passait le plus clair de son temps à enregistrer et à saisir dans le système informatique de l'agence des déclarations d'intérêts, alors que l'essentiel était que les évaluateurs et les chefs d'unité soient en relation avec les experts pour se demander, avant chaque séance, si la déclaration d'intérêts était bien remplie et vérifier l'existence de conflits d'intérêts en fonction des points inscrits à l'ordre du jour. J'ai donc supprimé la cellule.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous allons bientôt auditionner le magistrat de cette cellule.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je pense que tout le monde vous dira que le système est désormais beaucoup plus effectif et davantage mis en oeuvre, dans la seconde moitié des années 2000, qu'il ne l'était auparavant. Le taux de déclaration est d'ailleurs passé de 80 % au début des années 2000 à 99,5 % en 2010. La cellule déontologique est restée ; elle a été intégrée au service juridique et recentrée sur son véritable travail qui consistait à appuyer les équipes pour mettre en oeuvre les règles sur les conflits d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous dites que l'agence n'est pas complaisante à l'égard des laboratoires. Cette cellule de veille avait rappelé à votre prédécesseur que la présence systématique de membres de l'industrie pharmaceutique dans toutes les commissions et tous les groupes de travail présentait un inconvénient contentieux et pour les décisions prises en commission. Malgré ces rappels, aucune disposition n'a été prise pour chasser les représentants des laboratoires de ces commissions. Madame Bartoli a adressé une lettre en février 2011 à M. Christian Lajoux, président des entreprises du médicament (Leem) : cette lettre souligne que le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) remet en question la présence des représentants du Leem au sein des différentes commissions et groupes de travail de l'agence, notant que cette présence apparaît incompatible avec une obligation et une garantie d'indépendance des avis donnés par les commissions et groupes de travail. En ce qui concerne la commission d'autorisation de mise sur le marché, l'article R. 5121-154 du code de la santé publique ne prévoit pas de représentant de Leem dans cette commission, même s'il avait accepté que le Leem puisse assister en tant qu'observateur aux séances de cette commission et de certains groupes de travail rattachés. Madame Bartoli conclut sa lettre en signifiant qu'une telle représentation au sein de ces instances consultatives ne paraît plus envisageable.

Pour vous, cette représentation ne portait pas atteinte à l'indépendance des avis rendus par la commission puisque vous ne leur avez pas demandé de quitter ces commissions.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Par rapport aux éventuelles stratégies que les laboratoires peuvent développer individuellement pour influencer une décision, la présence muette de l'organisme professionnel au sein d'une instance n'est pas la chose la plus grave. Cette décision ne me semblait pas prioritaire.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il m'a semblé plus important que chacun sache ce qui se passait au sein des commissions, par la publication d'un compte rendu des séances. L'exigence d'impartialité est désormais de plus en plus forte pour tous.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Elle est même fondamentale. Le représentant de l'organisme professionnel était muet, au moins la plupart du temps car je ne peux pas garantir que c'était toujours le cas.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je n'ai pas remis en cause une pratique qui existait de longue date et j'en étais conscient. Dans le contexte des débats sur l'impartialité de l'évaluation, je considère que la décision récemment prise est une bonne décision.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pourquoi n'avez-vous pas répondu aux demandes récurrentes des associations de patients qui veulent participer à ces instances ? Vous avez accepté la présence du syndicat des laboratoires pharmaceutiques : vous êtes prêt à violer la réglementation pour satisfaire les demandes du Leem mais pas celles des associations de patients qui souhaitent siéger dans ces instances.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Pas du tout. A partir de 2006-2007, j'ai souhaité, avec le président du conseil d'administration de l'agence, que l'ensemble des instances aient des représentants d'associations de patients, ce qui supposait des modifications de textes règlementaire, ainsi que je l'ai proposé au ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous avez pourtant laissé le Leem participer alors que la réglementation ne le permettait pas. Pouvez-vous expliquer une telle différence de traitement ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Nous avons cherché à faire entrer officiellement les associations de patients dans les commissions. J'ai fait des propositions en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous auriez également dû le faire pour le Leem pour que la réglementation soit conforme à la pratique.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Vous avez peut-être en face de vous le directeur qui a le plus dialogué avec les associations de patients.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le problème est tout autre : je vous reproche d'avoir traité différemment les représentants des laboratoires pharmaceutiques et les représentants des associations de patients. Vous avez violé la réglementation en acceptant que le Leem fasse partie des commissions : pour autoriser les associations, vous avez en revanche demandé la modification de la réglementation.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Quand on fait entrer une association de patients dans une instance, ce n'est pas pour que sa présence soit muette mais pour qu'elle y participe.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pourquoi le Leem voulait-il participer à ces commissions ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je crois qu'il y avait un enjeu d'accès à l'information, pour l'organisation professionnelle et ses adhérents. Je reconnais que je n'ai pas remis en cause une pratique très ancienne pendant la période où j'étais à la tête de l'agence. Avec le recul du temps et l'ampleur des débats sur l'impartialité, la décision récemment prise me paraît être une bonne décision.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Votre propos visant à dire que l'Afssaps n'a pas été influencée par les laboratoires soulève certaines réserves de ma part. J'aurais plutôt tendance à penser, comme le souligne le rapport de l'Igas, que l'Afssaps était en conflit d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique, « structurellement et culturellement ». La place donnée au Leem dans toutes ces instances me semble être une preuve de ce qu'avance l'Igas dans son rapport.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je ne suis pas d'accord : la culture dominante de l'agence est la culture de la santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Quand vous avez pris vos fonctions de directeur général, vous vous êtes certainement informé de la manière dont fonctionnait la structure. Quelles sont les justifications que vos collaborateurs vous ont données pour expliciter la présence du Leem ? Quelles sont les explications qui vous ont été données, et par qui, pour expliquer ce laxisme dans l'application stricte d'une réglementation qui avait sa raison d'être ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je n'ai pas le souvenir que ce sujet ait surgi tout de suite. Quand on arrive dans un service, on prend connaissance des dossiers généraux sur l'organisation des services. La question s'est toutefois posée. J'ai perçu, dans les échanges avec le service et avec le Leem, que l'organisme professionnel souhaitait disposer d'une vue d'ensemble sur l'activité d'évaluation, non pas pour intervenir sur tel ou tel dossier individuellement mais pour disposer d'un accès à l'information, enjeu de pouvoir pour l'organisation professionnelle vis-à-vis de ses adhérents. L'idée n'était pas de participer à l'évaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Tous les membres des commissions d'évaluation ont eux-mêmes des liens d'intérêts avec les laboratoires : les laboratoires n'ont pas à intervenir puisqu'ils ont des porte-paroles au sein des commissions.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Beaucoup de membres de la commission d'AMM ont eu des activités de type essais cliniques. Ce point renvoie toutefois à un autre débat. Le débat consiste à savoir s'il est possible ou non, dans un domaine tel que les produits de santé, d'avoir une expertise de haut niveau avec uniquement des personnes qui n'auraient jamais eu de liens d'intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

On peut considérer qu'un expert qui n'a plus de lien d'intérêts avec un laboratoire depuis cinq ans est indépendant. Vous avez l'exemple de M. Maraninchi, ce qui n'est pas le cas de M. Harousseau, président de la HAS. Les experts sollicités par la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (MHRA) au Royaume-Uni n'ont pas de liens d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je n'en suis pas certain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Avec d'autres membres de la mission d'information, nous avons rencontré le directeur de la MHRA qui m'a déclaré que les experts de la commission d'évaluation n'avaient pas de liens d'intérêts.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

J'ai beaucoup travaillé avec mes collègues européens et nous avons souvent parlé de ces questions de conflits d'intérêts. Les problèmes que nous rencontrons en France pour concilier l'impartialité des processus d'évaluation et l'existence de liens entre les personnels académiques, les hospitaliers universitaires et les opérateurs privés ne sont pas isolés. Certains pays ont su trouver de meilleures solutions que nous. Je ne suis pas certain de ce que vous dites sur l'Angleterre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous pensez donc que le directeur de la MHRA m'a menti ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

L'affirmation selon laquelle les experts de la commission AMM n'ont aucun conflit d'intérêts doit être vérifiée.

En Suède ou aux Pays-Bas, les problèmes autour des conflits d'intérêts ont été résolus en développant une formule de bi-appartenance. Les experts académiques ou hospitaliers travaillent à mi-temps à l'université ou à l'hôpital et à mi-temps à l'agence et n'ont pas de liens d'intérêts, ou n'en ont pas eu depuis cinq ans. J'ai proposé cette formule de bi-appartenance et je pense qu'il serait utile d'aller dans ce sens pour résoudre le problème des conflits d'intérêts. Il n'y a jamais eu autant d'efforts concrets réalisés au sein de l'agence qu'au cours des dernières années dans ce domaine mais le problème n'est pas résolu et il faut aller vers de nouvelles solutions pour mettre fin à la suspicion et aux controverses.

Je souhaite partager une dernière idée qui me tient à coeur : en tant qu'ancien directeur général d'une structure que j'ai dirigée pendant cinq ans, je pense que cette collectivité de service public mérite autre chose et mieux que l'image caricaturale et destructrice qui en a été donnée ces derniers temps, à des années lumières des multiples appréciations positives, voire élogieuses, que je recevais jusqu'en novembre dernier. Comment se fait-il qu'à partir d'une polémique sur un sujet, l'or se soit transformé en plomb ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En 2006, dans le rapport que nous avons rendu public, nous ne considérions pas que l'Afssaps fût de l'or.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

J'ai souvenir de nos échanges et j'ai pris en compte vos suggestions sur les conflits d'intérêts et la transparence. Oui, il y a eu des déficiences mais on ne juge pas une communauté de service public, confrontée tous les jours à des décisions délicates, à l'aune d'un seul dossier, si critiquable cette gestion soit-elle.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il y en a d'autres problèmes que je pourrai lister si vous le souhaitez.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je suis attaché au service public et j'ai dirigé cinq collectivités de service public. Quand on laisse se répandre, à partir d'un sujet polémique parmi de multiples domaines où l'intervention de l'agence a été pertinente, un jugement sur un établissement public, on envoie un signal démotivant à de nombreuses communautés de service public qui travaillent dans des domaines exposés. Je souhaite donc faire un appel à plus d'équilibre et à plus de mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Ceux qui ont dénoncé ce désastre ne vont tout de même pas être tenus responsables de cela !

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

J'ai reconnu que le fonctionnement du système avait été déficient. Mes pensées vont aux victimes. Je dis en même temps qu'il ne faut toutefois pas laisser détruire l'image d'un service public qui est tous les jours au front. Ce service public prend, au nom de l'Etat, des décisions compliquées sur le bénéfice-risque qui doivent être prises tout en exposant ses membres. Il peut y avoir des incertitudes et des erreurs dont il faut rendre compte et les assumer, mais le service public mérite qu'on n'en donne pas une image caricaturale et démotivante tant pour ses équipes que pour l'immense majorité des experts qui est honnête et impliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Pensez-vous que le rapport de l'Igas donne une image caricaturale de l'Afssaps ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Le rapport est documenté - puisque nous avons transmis des documents à l'Igas - mais je considère que la conclusion est trop généralisante. Elle consiste à passer d'une affirmation sur un sujet mal traité à une conclusion qui dit que l'agence en général a perdu le sens de la précaution et n'est pas réactive : cette conclusion est infondée et illégitime, en plus d'être injuste et de faire du mal au service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Avez-vous l'impression que les laboratoires en question a été traité de manière différente ou déférente au sein de l'Afssaps ou du Leem ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il m'est difficile de répondre pour le Leem puisque je ne suis pas qualifié. Pour l'agence, il n'y a aucune volonté de favoriser les laboratoires Servier par rapport à d'autres laboratoires ou un laboratoire français par rapport à des laboratoires étrangers. Ces critères n'ont absolument aucune pertinence par rapport à nos objectifs de santé publique. Nous avons pu faire des erreurs ou des mauvaises appréciations mais il n'y a eu aucune volonté de favoriser les laboratoires Servier en tant que tels.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

En tant que directeur général, avez-vous été amené à vous saisir plus directement de ce dossier particulier et à demander qu'une attention particulière y soit apportée, compte tenu de l'histoire du médicament et des problèmes rencontrés lors de sa mise sur le marché et en 1998 et des problèmes rencontrés à l'étranger, connus du monde scientifique ? Comment expliquez-vous cette nonchalance ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je n'ai découvert le dossier du Mediator qu'en septembre 2005 puisque Prescrire l'évoquait. Ce point rejoint le problème de la perte de mémoire. Des événements datant de la moitié des années 1990, notamment des débats intenses sur la pharmacologie du produit et sur sa similitude avec les fenfluramines, manquaient à mon analyse. Ce pan du dossier a eu très peu de visibilité pour moi jusque très tard. Lorsque j'ai demandé des éléments sur le Mediator, ceux qui me sont remontés concernaient la pharmacovigilance, soit le baromètre des signalements : or en 2005 et jusqu'à fin 2008, ce baromètre est extrêmement faible, avec des troubles qui ne sont pas dangereux et un cas d'hypertension pulmonaire artérielle déclaré début 2005, date à laquelle l'enquête de pharmacovigilance est relancée.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je n'en ai alors pas connaissance.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il y a plusieurs éléments d'explication. Si dans un tableau d'une décision, vous avez uniquement des éléments de pharmacovigilance qui ne sont pas très probants et sont peu abondants, s'agissant des HTAP et des valvulopathies, la situation diffère de celle où vous disposez de toute la mise en perspective de la connaissance pharmacologique sur le produit, de l'évolution des données scientifiques sur les voies d'action de la métabolite par fenfluramine et des débats. Cet aspect pharmacologique n'est pas remonté et j'ai donc longtemps appréhendé le sujet à l'aune de la pharmacovigilance et des données sur les signalements qui nous parvenaient. J'ai évoqué tout à l'heure la capacité insuffisante du système à faire converger toutes les données disponibles.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Pour remédier à cet effet de cloisonnement, il faut apporter des modifications au fonctionnement des processus de réévaluation. Il faut d'abord introduire beaucoup plus d'interactions physiques directes entre les membres de la commission de pharmacovigilance et les membres de la commission d'AMM. En 2007, une minorité de la commission de pharmacovigilance a estimé que le bénéfice-risque était négatif. Le dossier est ensuite passé en commission d'AMM qui m'a proposé, à la quasi-unanimité, de retirer une des indications. Or si une minorité des membres d'une des deux commissions émet des doutes très forts et souhaite une mesure de retrait, il convient d'organiser un débat collégial mixte pour que les membres aillent jusqu'au bout de l'échange. En outre, le processus d'évaluation et de réévaluation classique se déroule avec l'avis d'un groupe scientifique spécialisé (groupe diabétologie, groupe anti-infectieux) composé uniquement de spécialistes de ce domaine, puis la présentation du dossier en commission d'AMM.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Vous êtes donc opposé à ce qu'on donne plus d'autonomie à la commission nationale de pharmacovigilance. On pourrait imaginer que, à la suite de l'avis de 2007, le directeur général ait décidé, sans passer par la commission d'AMM, étant donné qu'une minorité se prononçait pour une réévaluation ou une balance bénéfice-risque négative, de prendre ses responsabilités et suspende le produit.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il ne faut pas court-circuiter l'analyse bénéfice-risque. La commission d'AMM a pour rôle de mettre en relation les risques, évalués par la commission de pharmacovigilance, et de prendre une décision d'ensemble. Je propose donc qu'il y ait des modalités spécifiques de débat, avec des réunions mixtes associant les experts des deux commissions pour aller jusqu'au bout du débat portant sur les arguments des personnes minoritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Cette commission nationale de pharmacovigilance comprenait deux personnes en conflit d'intérêts qui ne l'avait pas déclaré : le conflit d'intérêts était constitué avec les laboratoires Servier.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

A partir du moment où la controverse publique a débuté, j'ai cherché à vérifier rétrospectivement si le dispositif de conflit d'intérêts que nous avons rénové en 2005 et appliqué à partir de 2006 fonctionnait : je me suis aperçu qu'il avait bien fonctionné en 2009, mais pas en 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Nous ne savons même pas quel est le nombre de membres de cette commission qui ont demandé le retrait de ce produit.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Nous ne sommes pas allés suffisamment loin dans l'exposé des opinions dissidentes. Il faut sûrement aller plus loin et dire combien de membres et quels membres expriment cette position. J'ai longtemps considéré qu'il valait mieux protéger les experts, mais il apparaît en fait que la meilleure protection est l'exposé transparent des positions de chacun. Les comptes rendus devraient donc mentionner ces points. Pour analyser les bénéfices-risques, il faut que tous les arguments des minoritaires soient discutés. Dans cet esprit, je propose une réunion mixte des deux commissions.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Cette proposition date de début janvier. J'ai envoyé une autre proposition au ministre, avant la publication du rapport de l'Igas, pour dire que, lorsque la commission d'AMM donne un avis sur le bénéfice-risque au terme d'une réévaluation, l'avis de la commission de pharmacovigilance doit être également transmis, ainsi que celui d'un groupe de travail composé de personnes spécialisées dans le domaine thérapeutique concerné. Il faut aussi disposer du regard de personnes qui ne sont pas des spécialistes du sujet et auront une approche plus transversale sur le bénéfice-risque. Ceci offrira une garantie supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Vous avez évoqué les dysfonctionnements entre la procédure de remontée et de traitement des informations entre les différents organismes : quelles sont les propositions concrètes que vous faites en la matière ? En 2005 et en 2007, vous avez demandé un suivi particulier du dossier du Mediator. Le Sénat a, dans le même temps, publié un rapport suite à l'affaire du Vioxx. Avez-vous tenu compte des observations et des propositions que nous avions alors faites ? Avez-vous envisagé par exemple de constituer une base de données informatique publique sur les essais cliniques après l'obtention d'AMM ? Etes-vous favorable à cette proposition ? De nouvelles mesures ont-elles été prises au sein de l'agence pour que le suivi entre la procédure de remontée et le traitement des informations soit amélioré ? Quelles sont les propositions concrètes qui ont été faites à ces différentes dates ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

J'ai tenu compte de ces échanges dans plusieurs domaines. Mi-2005, j'ai décidé que nous mettrions en ligne des comptes rendus, pour plus de transparence : cette disposition a été appliquée à partir de 2006 et, en quatre ans, elle s'est étendue à toutes les commissions de l'agence.

A partir de 2005-2006, l'organisation interne de l'agence a beaucoup évolué : il n'y avait pas, jusqu'en 2005, de service dédié au suivi post-AMM au sein de l'agence et les deux unités de pharmacovigilance étaient intégrées au département qui évaluait l'AMM. Il m'a paru indispensable de créer un département dédié à la surveillance post-AMM qui est devenu, fin 2007, un service comptant une cinquantaine de personnes. A la suite des débats ayant suivi l'affaire du Vioxx, nous avons cherché à instaurer une passerelle entre la pharmacovigilance fondée sur la notification spontanée et la pharmaco-épidémiologie. Nous avons donc créé une cellule spécifique : cette dernière a travaillé à partir de 2008 avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) lorsque des signaux apparaissaient en pharmacovigilance. Nous avons tenu compte du rapport du Sénat, mais nous ne sommes peut-être pas allés assez vite et assez loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Jugez-vous possible et souhaitable aujourd'hui d'accroître la part de la recherche publique pour les études post-AMM ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Quel pourcentage d'études post-AMM a été effectivement réalisé par rapport à celles qui ont été prescrites depuis début 2004 ?

M. Jean Marimbert. - Il faut que l'agence publique ait la capacité de déclencher des études indépendantes, non seulement des études Cnam qui servent principalement à confirmer les signaux, mais aussi des études plus longues. Nous restons actuellement prisonniers d'une logique consistant à demander au laboratoire de réaliser les études pour réévaluer le bénéfice-risque. Les délais de réalisation sont souvent dépassés, en France comme ailleurs. Il faut avoir la capacité de faire faire, selon un cahier des charges déterminé par des instances scientifiques indépendantes, des études pour éclairer une réévaluation, quitte à faire ce qu'ont fait les Italiens. Ces derniers ont mis en place un prélèvement supplémentaire sur les laboratoires : ce prélèvement est affecté à un fonds qui finance des études pharmaco-épidémiologiques indépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Quel pourcentage d'études post-AMM a été réalisé par rapport à celles qui ont été prescrites depuis début 2004 ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

C'est la raison pour laquelle, dans la nouvelle directive communautaire modifiée sur la pharmacovigilance, il est prévu que les Etats membres devront mettre en place des systèmes de sanctions lorsque les études prescrites n'ont pas été réalisées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Mais nous ne prenons pas de sanctions, ce que je ne comprends pas au vu des retards.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Vous faites allusion à la possibilité qu'a le Comité économique des produits de santé (Ceps) de prononcer des sanctions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Oui. L'article 6 de l'accord-cadre signé par le Ceps et le Leem prévoit ce régime de sanctions. Malgré cela, les sanctions ne sont pas appliquées. J'en ignore la raison.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il faut effectivement utiliser tous les leviers disponibles pour garantir que les études prévues soient réalisées. Je pense aussi que nous devons avoir d'autres capacités, dans d'autres cadres, de faire faire des études de pharmacovigilance, au-delà du laboratoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Il est regrettable de devoir élaborer une directive européenne, dont on connaît la lourdeur, pour aboutir à ce que les études post-AMM puissent être réalisées.

Pensez-vous qu'il faut revoir les circuits de financement par d'autres dispositifs que l'impôt ainsi que le niveau des financements publics, en vue d'une plus grande indépendance financière vis-à-vis des laboratoires ? Les taxes et redevances représentent 90 % des ressources de l'agence.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

J'ai mis en garde les autorités sur les conséquences de la disparition totale de toute subvention de l'Etat dans le financement de l'agence puisque ce dernier matérialisait l'implication de l'Etat. Quand l'Agence du médicament a été créée, des taxes et redevances étaient affectées mais les proportions entre les taxes et redevances affectées et la subvention n'étaient pas du tout les mêmes puisque la répartition était à 50-50. Au fil du temps, ce rapport s'est déformé jusqu'à supprimer toute subvention de l'Etat. Si on pouvait passer à un financement budgétaire sans paupériser l'agence, si le prix à payer pour régler le débat sur l'impact du financement sur l'indépendance consiste à changer de circuit, nous pouvons le faire, à condition que l'agence ne soit pas paupérisée car elle a des investissements à faire, par exemple dans ses laboratoires ou pour son système informatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Le développement des procédures européennes de mise sur le marché modifie-t-il le fonctionnement et les procédures de la commission d'AMM ? Quel rôle joue la commission d'AMM dans les procédures centralisées ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

La procédure dite centralisée se développe mais ne concerne qu'une centaine de dossiers par an, alors que la France traite environ mille dossiers dans le même temps. Alors qu'à partir de l'application de la directive de 2004, le nombre de produits soumis à la procédure centralisée a fortement augmenté, ce sont maintenant les génériques qui alimentent cette procédure, ce qui prouve que le pipe-line de la création s'assèche.

Au fil du temps, les experts de la commission d'AMM ont ressenti une frustration croissante à l'idée de ne pas pouvoir peser sur les choix effectués au sein du comité européen. Il est néanmoins possible de mettre la commission dans la boucle. Il n'est pas impossible d'avoir un échange collégial avec les experts français de la commission d'AMM, pour éclairer le point de vue soutenu par les représentants de l'agence au sein du comité scientifique européen, en amont. Ceci est difficile mais pas impossible. Il est arrivé que l'avis français ne soit pas suivi et que l'avis collégial européen n'ait pas été conformé au point de vue français. Arcoxia était un cas typique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Ceci ne signifie-t-il pas que la France entérine souvent les décisions ? La procédure de liaison avec les instances nationales fait souvent que les directives entérinent une décision.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Le risque est de dévaloriser ou de dévitaliser le travail des instances scientifiques nationales avec des décisions centralisées. Il convient donc d'essayer d'instaurer des temps de débat, en amont de la décision, pour éclairer la position de la France. Pour peser au niveau européen, ce qui était une obsession pour moi, sur les avis du Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP) concernant les produits qui passent en procédure centralisée, il faut participer et être rapporteur sur des dossiers, d'où l'importance de ne pas désinvestir ces dossiers européens qui peuvent avoir un impact considérable sur la santé publique puisque ces produits seront accessibles partout en Europe. Il faut beaucoup travailler dans les instances européennes et développer en amont des débats en France pour peser dans les décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

On peut citer un brevet impliquant la thérapie cellulaire : ces décisions sont-elles prises en tenant compte des spécificités législatives nationales ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Les thérapies cellulaires relèvent, pour les aspects avancés, du comité des thérapies avancées. Au-delà de cette question, il arrive que les débats européens oublient les différences qui existent entre les Etats membres et qui sont très importantes pour les conditions d'usage du médicament : l'organisation de la chaîne des soins et de distribution, les modes de prescription sont largement nationaux. Il faut faire attention à ne pas avoir au niveau européen des débats désincarnés à partir de dossiers pharmacologiques, puisque le bénéfice-risque d'un produit dépend tout autant des conditions concrètes d'utilisation que des caractéristiques intrinsèques. Les choix européens ne doivent donc pas perdre de vue tous ces paramètres nationaux et la diversité des législations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La commission d'AMM a-t-elle la possibilité de remettre en cause la décision prise au niveau européen ? Quelle procédure avez-vous utilisée pour Arcoxia ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il existe trois types de décisions. Avec la décision centralisée pure, une fois la décision validée, elle s'impose dans toute l'Europe. Nous participons à l'évaluation mais la commission nationale n'a pas compétence pour examiner le produit.

Arcoxia relevait de la procédure de reconnaissance mutuelle, ou décentralisée : la décision part d'une nation et s'étend, par la procédure de reconnaissance mutuelle, à d'autres nations. Pour Arcoxia, j'avais un arbitrage communautaire de la commission avec un bénéfice-risque positif et j'étais donc juridiquement tenu de prendre la décision. J'ai estimé qu'il existait un enjeu de santé publique et j'ai pris une décision contraire : j'avais toutefois juridiquement tort.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Pensez-vous que certains pays influencent davantage les décisions de cette commission ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

La situation a évolué. A l'origine, lors de la création du comité dans les années 1990, quatre pays pesaient davantage : la Suède, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. D'autres pays ont progressivement pris leur place, en étant rapporteurs, comme les Pays-Bas. Les rôles du rapporteur et du co-rapporteur sont fondamentaux au sein de l'instance européenne, surtout si leur position est partagée par les grands pays, puisque les petits pays n'ont pas les moyens de mener des études de pharmacovigilance. La France doit garder sa capacité à peser sur les choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Comment distinguer un lien d'intérêts mineur d'un lien d'intérêts majeur ? Est-il nécessaire de les distinguer ?

Faut-il fusionner la commission de la transparence avec la commission d'AMM ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

La distinction est utile : si vous êtes l'investigateur principal d'un essai clinique sur un produit, vous ne pouvez participer à l'évaluation, ce qui n'est pas le cas si vous êtes un investigateur parmi d'autres. Compte tenu de l'importance de ces débats sur ces conflits d'intérêts, il faudrait viser un pourcentage qui soit le plus élevé possible d'experts qui n'a pas de liens, même si cela n'est pas évident. Nous avons augmenté la proportion d'experts sans conflits d'intérêts en procédant à un appel d'offres pour renouveler la composition de la commission d'AMM.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Il conviendrait peut-être de mieux rémunérer ces experts qui travaillent quasiment à titre bénévole quand ils interviennent au sein de l'Afssaps.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il conviendrait effectivement de revaloriser les indemnités des vacations. Certains experts viennent tôt le matin de province pour recevoir une faible vacation : le problème n'est pas tant le niveau de la gratification que le fait que ce travail de participation à l'expertise de santé publique n'est pas reconnu à l'université par les pairs, contrairement aux publications. Ce travail doit être valorisé, d'autant que les experts y consacrent du temps et ne s'enrichissent pas : il convient donc que ces experts ne soient pas coupés d'une reconnaissance académique. Nous pourrions décider que, chaque année, sur le contingent des promotions académiques universitaires, une petite part soit dédiée à des experts de qualité qui ont participé à l'expertise de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

N'y a-t-il pas une cooptation entre les experts ? Comment se génère cette notion d'expertise ? Il y a les experts connus mais aussi un vaste réseau d'experts potentiels compte tenu de leurs travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Le président et le vice-président des commissions AMM sont à l'Afssaps dans les diverses commissions depuis vingt ans. Ne faut-il pas accélérer le renouvellement ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

J'ai justement décidé de passer à un système d'appel à candidatures alors que prévalait auparavant une logique de réseaux à chaque renouvellement des commissions. Ces appels à candidatures systématiques visaient à renouveler les membres : chaque commission a compté entre 25 % et 40 % de nouveaux membres et l'agence a en outre bénéficié de nouvelles expertises. Pour les présidents de commission qui ont plus de travail et de responsabilité que les autres membres, le renouvellement s'avère plus problématique. A partir de 2006-2007, j'ai souhaité que les présidents de commission signent un engagement comprenant quatre points parmi lesquels figurait une absence de conflit d'intérêts significatif, ce qui a aggravé la difficulté à renouveler des présidents. L'idéal serait effectivement de pouvoir changer de président au bout de quelques années.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

En 2006, la Cour des comptes a publié un rapport sur l'Afssaps : ce rapport indique notamment que la pharmacovigilance ne serait ni transparente, ni suffisamment réactive en France. Quand la balance bénéfice-risque est défavorable, comme pour le benfluorex et l'agréal, quand des médicaments sont retirés du marché espagnol, l'Afssaps n'en dit rien et les médicaments continuent à être distribués en France. Dans votre réponse, vous indiquez que les produits visés dans le rapport ont fait l'objet d'une enquête approfondie et, pour le benfluorex, que vous avez demandé une réévaluation et que le produit a cessé d'être commercialisé en avril 2006. Vous citez, comme source de référence, le procès-verbal du 26 novembre 2006. S'agit-il d'un lapsus ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Ce rapport était complet et portait notamment sur ces points. A l'évidence, la référence à un retrait du marché est le fruit d'une erreur : le passage qui fait allusion à un retrait du marché fait référence à une commission qui est postérieure à la date d'envoi de la réponse à la Cour des comptes. En avril ou mai 2007, lors d'une seconde réponse apportée à la Cour des comptes, la réponse explique le processus de réévaluation initié à partir de début 2006 et indique que la commission d'AMM examine le produit. Il s'agit donc d'une erreur matérielle que l'agence rectifie complètement un an après dans la réponse à un autre rapport de la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Si vous aviez pris cette décision en 2006, il y aurait eu moins de dégâts.

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

J'ai pris deux décisions défavorables au maintien du produit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Quelles sont les conditions dans lesquelles vous avez décidé de lancer cette étude pharmaco-épidémiologique en 2010 auprès de la Cnam ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Il y a deux études, en 2009 et en 2010. En 2009, une étude est réalisée par les services de la Cnam à la demande d'une épidémiologiste membre du groupe pharmaco-épidémiologiste de l'agence qui prend alors l'initiative de nouer un contact avec la Cnam. Cette étude montre l'existence d'un surrisque d'hospitalisation chez les patients diabétiques. La seconde étude Cnam a été demandée par les services de la direction de l'évaluation des médicaments de l'agence, sans instructions du directeur général. L'étude de la Cnam en 2009 corroborait l'existence d'un lien de cause à effet et d'un surrisque, et la seconde étude visait donc à connaître son impact en termes de mortalité et de morbidité. Dans la première quinzaine d'octobre 2010, la direction générale de l'agence a annoncé qu'elle examinerait les résultats et qu'elle rendrait l'enquête publique, ce qui a effectivement été le cas en novembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Avez-vous le sentiment que nous avons la même vigilance vis-à-vis des autres produits thérapeutiques qu'à l'égard des médicaments ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Le terme de produits thérapeutiques englobe les dispositifs médicaux innovants et les thérapies cellulaires innovantes. Dans les domaines d'innovation hors médicament, nous sommes confrontés à un dilemme : comment faire le travail de sécurité sanitaire et évaluer le bénéfice-risque sans être un obstacle au progrès thérapeutique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Un certain nombre de produits sont utilisés sur le corps de la femme qui est le lieu d'expérimentations. La vigilance est-elle alors aussi conséquente que pour le médicament ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Vous faites allusion aux produits thérapeutiques annexes (PTA) utilisés notamment en procréation médicalement assistée ? La France avait un dispositif spécifique d'autorisation des produits thérapeutiques annexes qui permettait d'examiner l'évaluation bénéfice-risque de manière adaptée. Un arbitrage a été rendu, au niveau européen, pour reclassifier ces produits comme dispositifs médicaux. La procédure française a été vidée de son contenu. Cela ne rend que plus nécessaire la mise en place au niveau communautaire de modifications législatives qui permettent d'avoir, pour les dispositifs médicaux les plus innovants qui sont des enjeux de santé publique importants, un niveau d'évaluation comparable à celui du médicament. Il me semble prioritaire, dans les années à venir, de modifier le corpus communautaire sur les dispositifs médicaux, marqué par le libre marché, pour y insérer davantage de considérations de santé publique, avec une procédure d'évaluation qui pourrait être européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Compte tenu des incidents rencontrés, pensez-vous que l'Afssaps a toujours sa raison d'être ? Sinon, que voyez-vous à sa place ?

Debut de section - Permalien
Jean Marimbert

Je crois profondément que les agences nationales de produits de santé gardent en Europe leur raison d'être puisqu'il n'existe pas de compétence communautaire générale en matière de santé. En cas de problème, la responsabilité nationale est mise en cause. La santé est déterminée par les règles européennes mais elle est très ancrée au niveau national, politiquement, psychologiquement et médiatiquement. La santé relève d'abord de la compétence des Etats. Dire qu'on va tout centraliser alors que, politiquement et juridiquement, la santé est de la compétence des Etats crée un hiatus encore plus fort.

Le bénéfice-risque n'est pas seulement lié aux caractéristiques intrinsèques d'un médicament mais aussi aux conditions concrètes de son utilisation, selon l'organisation sanitaire du pays. Les instances nationales doivent garantir, par leur action, tout ce pan de l'analyse bénéfice-risque, même pour les produits centralisés. Il reste donc une place pour des organismes publics qui jouent ce rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Les institutions européennes n'aiment pas la subsidiarité. Par le biais du médicament, elles essaient d'enfoncer un clou dans ces compétences de subsidiarité.