Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la première lecture, le projet de loi peut paraître technique et destiné aux spécialistes, aux juristes, aux notaires. La tentation est donc grande de laisser les juristes émérites que compte cette maison se charger de questions si particulières.
Ce texte, qui tend à adapter le droit existant aux réalités modernes de la famille, peut sembler constituer une réforme anodine. En réalité, il est éminemment important.
D'abord, il touche à la vie quotidienne des Français, à leurs relations familiales. Les termes juridiques très spécifiques cachent des actes qui seront effectués par chacun.
Ensuite, il conditionne la réalité ou non de l'égalité des chances au seuil de la vie. N'est-il pas écrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » ? Or cette égalité de droits se confronte à l'inégalité de fait. L'écart entre les deux vient non seulement de la génétique, de la malchance, mais aussi du droit accumulé.
Le droit doit-il entretenir et aggraver cet écart ou, au contraire, l'amoindrir, sinon le combler ? La législation sur les successions est donc au coeur de ce dilemme. Selon le choix de société que l'on fait, on opte pour la réponse.
Lorsqu'on les interroge, les professionnels des successions nous disent volontiers que le règlement des successions est plus difficile aujourd'hui, car il y a davantage de situations conflictuelles.
La question du PACS a également été posée par nos collègues à l'Assemblée nationale ; Roger Madec en parlera mieux que moi dans un instant.
En outre, votre texte, monsieur le ministre, n'est pas complet. De nombreux sujets essentiels à réformer en sont absents.
Ainsi, vous avez oublié l'assurance vie. Ces contrats figurent pourtant dans le patrimoine de près de 60 % des ménages. Or de nombreux bénéficiaires ne réclament purement et simplement pas les sommes auxquelles ils ont droit lors d'une succession, tout simplement parce qu'ils n'en connaissent pas l'existence. Ces sommes s'élèvent à plusieurs dizaines de milliards d'euros. À qui reviennent-elles ? En connaît-on d'ailleurs le montant exact ?
N'y a-t-il pas un moyen de remédier à cela ? Vous avez refusé les amendements de nos collègues à l'Assemblée nationale. Pourquoi n'avez-vous pas pris d'initiative à ce sujet à l'occasion de la lecture du texte au Sénat ?
Enfin, vous avez voulu prendre des mesures concernant la profession de généalogiste. Vous aviez limité les recours à des généalogistes aux héritiers ou au notaire chargé du règlement de la succession. Or un amendement de la commission revient sur cette volonté et ouvre à « toute personne qui a un intérêt direct à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession » la possibilité de recourir à un généalogiste.
Cet amendement me paraît dangereux : d'abord, il est juridiquement flou et il provoquera donc une jurisprudence importante ; ensuite, il est plus sain que les généalogistes travaillent dans le calme et sans précipitation.
Cela étant, nous sommes prêts à soutenir les évolutions sur les droits du conjoint survivant. Il est vrai que le texte de 2001 avait accordé à ce dernier des droits importants ; il l'avait parfois même surprotégé. Néanmoins, cela me paraît juste au regard de la période actuelle. Pourquoi les liens du sang continueraient-ils à primer sur tout, y compris sur ceux du coeur ?