Intervention de Jean-Michel Colombani

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 25 janvier 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Michel Colombani commissaire divisionnaire directeur de l'office central pour la répression de la traite des êtres humains

Jean-Michel Colombani, commissaire divisionnaire, directeur de l'office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) :

a tout d'abord rappelé que l'OCRTEH avait été créé en 1958 en prévision de la ratification par la France, en 1960, de la Convention internationale des Nations-Unies sur la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui.

Il a indiqué que, placé sous l'autorité du directeur central de la police judiciaire, l'office était chargé de centraliser tous les renseignements pouvant faciliter la recherche du trafic des êtres humains et de coordonner les opérations tendant à la répression de ce trafic. Il a précisé que tous les services de police et de gendarmerie étaient tenus d'informer l'office de leurs activités en matière de répression du proxénétisme. Enfin, il a indiqué que l'office était l'interlocuteur privilégié sur ces questions des organismes internationaux et des services de police étrangers.

a ensuite commenté l'évolution de la prostitution depuis une dizaine d'années en France. Il a expliqué que depuis 1992, la part de la prostitution d'origine étrangère en France n'avait cessé de progresser, une accélération de cette évolution ayant été constatée à partir de 1999. Il a indiqué que la prostitution d'origine étrangère, qui représentait en 1992 environ 30 % de la prostitution à Paris et 15 % en province, en représentait en 2004 73 % à Paris et plus de 50 % en province.

Il a expliqué que ce bouleversement avait eu des répercussions importantes sur la lutte contre le proxénétisme, ce type de prostitution étant principalement organisé par des réseaux étrangers aux méthodes particulièrement violentes. Il a également mentionné l'extrême mobilité des prostituées étrangères, comme à Nice où les services estiment que les deux tiers de la population prostitutionnelle étrangère se renouvelaient dans l'année.

Concernant l'activité des services de police et de gendarmerie, il a indiqué qu'en 2004, 717 personnes (504 hommes et 213 femmes) avaient été mises en cause pour proxénétisme, chiffre en hausse continue depuis 2000 où 472 personnes avaient été mises en cause. Il a précisé que la proportion des étrangers était de 54,7 % en 2004 contre 48 % en 2000 et 2001, la très grande majorité des intéressés étant originaire des pays d'Europe de l'est et des Balkans.

Quant au profil des victimes, il a indiqué que, sur 999 victimes identifiées dans les procédures établies par la police nationale en 2004, 75 % étaient des étrangères dont 60 % originaires des pays d'Europe de l'est et des Balkans et 25 % d'Afrique.

Il a déclaré que les victimes étaient très rarement mineures, les réseaux évitant de se placer sous le coup de cette circonstance aggravante.

Concernant la situation des prostituées étrangères au regard des règles sur l'entrée et le séjour en France, il a indiqué que beaucoup entraient régulièrement munies d'un visa puis restaient sur le territoire français ou dans l'espace Schengen. Il a précisé que les prostituées africaines étaient très souvent détentrices d'un récépissé de demande d'asile. En revanche, il a remarqué que les proxénètes séjournaient généralement régulièrement sur le territoire français.

A propos de la prostitution de voie publique, M. Jean-Michel Colombani a affirmé que la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait permis de mieux recenser l'étendue du phénomène de la prostitution étrangère en France. Il a indiqué qu'en 2003, 3.181 procédures de racolage avaient été établies (dont 3.129 pour la police nationale) pour 2.425 mis en cause, et 5.152 (dont 5.066 par la police nationale) en 2004 pour 3.290 mis en cause.

Il a ensuite indiqué que 47 réseaux avaient été démantelés en 2004, contre 39 en 2003 et 29 en 2002, précisant que sur ces 47 réseaux, 32 avaient leur source en Europe de l'est et dans les Balkans (dont 12 bulgares, 12 roumains et 4 albanais), 6 en Afrique et 3 en Amérique du sud.

Evoquant les liens entre immigration clandestine et criminalité organisée, il a jugé qu'ils étaient difficiles à établir de manière générale. En revanche, il a affirmé que ces liens étaient évidents dans le domaine du proxénétisme international. Toutefois, il a indiqué qu'il n'y avait pas de logique dans ce type de flux migratoire, les étrangers arrivant dans l'espace Schengen par le pays qui leur offre à cet égard le plus de facilité (accords bilatéraux, présence d'un compatriote, transport moins onéreux) puis se déplaçant vers les pays où leur activité est facilitée par des contrôles plus souples. Il a conclu en déclarant que ce nomadisme prostitutionnel était particulièrement difficile à appréhender.

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