Intervention de Léon Bertrand

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 25 janvier 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Léon Bertrand ministre délégué au tourisme maire de saint-laurent du maroni

Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, maire de Saint-Laurent du Maroni :

a souligné que la majeure partie des patients accueillis à hôpital intercommunal de Saint-Laurent du Maroni étaient de nationalité étrangère, tandis que plus de 50 % du budget de cet établissement était alimenté par les différents dispositifs d'aide médicale. Il a indiqué qu'il y avait entre 5 à 7 naissances par jour, pour l'essentiel provenant de femmes de nationalité étrangère, évoquant l'existence de filières organisées depuis Paramaribo, capitale du Surinam, pour l'acheminement en Guyane de femmes surinamiennes enceintes. Il a rappelé que, pour éviter cet afflux, l'Etat français avait participé au financement de la reconstruction de l'hôpital d'Albina, au Guyana, et qu'une assistance par des médecins de Saint-Laurent du Maroni y avait été mise en place, mais que cet hôpital n'était déjà plus en activité.

Il a souligné que la guerre civile intervenue au Surinam en 1986 avait conduit environ 13.000 Surinamiens à se réfugier sur le territoire guyanais, quatre camps ayant été créés à cet effet dans l'ouest du département, le nombre de ces ressortissants étrangers étant parfois supérieur à celui des Guyanais résidant dans cette zone. Il a rappelé que ces personnes ne s'étaient pas vues reconnaître la qualité de réfugiés, mais avaient été considérées comme des « personnes provisoirement déplacées » (PPDS), le Gouvernement français ayant estimé à l'époque que ces populations retourneraient au Surinam une fois la situation politique rétablie. Il a indiqué que l'Etat avait accordé des aides pour le retour de ces populations dans leur pays, mais que cette mesure s'était inefficace, la plupart des PPDS n'étant pas repartis ou étant revenus par la suite sur le territoire français. Il a souligné que ces populations s'étaient installées dans plusieurs communes de l'ouest guyanais, notamment à Saint-Laurent du Maroni, à Mana, à Apatou, à Grand-Santi, à Papaïchton et à Maripassoula.

Il a observé que des difficultés similaires se rencontraient également dans l'est de la Guyane en raison de la traversée du fleuve Oyapock par de nombreux Brésiliens, à la hauteur de la commune de Saint-Georges.

Abordant les causes de l'immigration clandestine en Guyane, M. Léon Bertrand a indiqué que l'une des explications de l'afflux d'étrangers résultait des caractéristiques géographiques de ce département, au territoire étendu et aux frontières perméables, et de la présence d'or, dont le cours avait fortement augmenté. Il a mis en exergue l'attraction exercée par les prestations sociales offertes par l'Etat et les collectivités territoriales ainsi que l'image valorisante que pouvaient avoir sur les ressortissants des pays voisins les activités spatiales menées en Guyane. Il a également considéré que le voisinage du Brésil et du Surinam, pays dotés d'un faible revenu national brut par habitant, tendait à renforcer cette attractivité.

Il a estimé que ces causes multiples étaient propres à la Guyane, ce qui empêchait d'y comparer le phénomène de l'immigration clandestine à celui que connaissent les autres collectivités ultramarines, toutes insulaires et marquées par un environnement différent.

S'agissant des solutions qui devraient être envisagées pour remédier à la situation actuelle, M. Léon Bertrand a estimé que les actions menées, tels le plan « Alizée bis » et les patrouilles sur le Maroni, restaient insuffisantes.

Il a rappelé qu'il avait proposé, en 1993, que les allocations familiales soient réduites à partir du troisième enfant dans certaines zones de la Guyane, le solde étant reversé sous la forme d'autres prestations pour les besoins des services publics. Il a indiqué que ces propositions avaient été rejetées tant par l'opposition socialiste que par le Gouvernement de l'époque. Il a souligné que le but de nombreux immigrés clandestins était d'avoir des enfants sur le sol français, de les y faire scolariser et de percevoir des prestations sociales qu'ils dépensaient ensuite au Surinam et au Brésil, ajoutant qu'ils ne pouvaient plus être expulsés et attendaient du préfet la régularisation de leur séjour. Il a indiqué que l'existence d'enfants permettait de percevoir des prestations qui étaient ensuite dépensées au Surinam ou au Brésil.

a indiqué qu'il avait également suggéré, sans succès, que la maternité de Saint-Laurent du Maroni soit considérée comme une zone d'extraterritorialité afin que les enfants qui y naîtraient ne puissent disposer que de la nationalité de leurs parents. Il a jugé qu'il s'agissait d'une mesure symbolique destinée à décourager la venue de femmes étrangères enceintes motivées par la seule volonté de voir leur enfant naître sur le sol français.

Il a considéré qu'il convenait d'être plus imaginatif dans les solutions mises en oeuvre par les pouvoirs publics, évoquant l'utilisation éventuelle des mécanismes d'expérimentation mis en place lors de la révision constitutionnelle du 25 mars 2003.

Il a estimé indispensable d'instituer une véritable coopération avec les Etats voisins, regrettant que les actions diplomatiques n'aient jusqu'ici porté, avec le Surinam et le Guyana, que sur des accords de réadmission, alors qu'il convenait de prévoir une coopération plus globale. Il a considéré que les services déconcentrés de l'Etat n'avaient pas les moyens suffisants pour mettre en oeuvre une coopération efficace.

a souligné que la situation actuelle avait conduit à maintenir depuis plusieurs années, sur le territoire guyanais, des étrangers en situation irrégulière, dont les enfants étaient nés en France et y étaient scolarisés, et qui vivaient dans des conditions sanitaires déplorables imposant aux maires de lourdes responsabilités en matière de services publics. Il a indiqué que cette situation impliquait, en conséquence, des mesures de régularisation, estimant que celles intervenues dans les années 1990 s'étaient révélées peu satisfaisantes, de nombreux étrangers étant demeurés dans une sorte de « flou administratif » au regard de leur séjour sur le territoire français, ce qui tendait à créer un effet d'appel pour les habitants des pays voisins.

Il a également préconisé des solutions de nature économique au problème de l'immigration clandestine, affirmant qu'il existait un lien réel entre l'insécurité que connaissait la Guyane et l'afflux d'immigrants clandestins, dans la mesure où la misère dans laquelle se trouvaient ceux-ci les conduisaient à commettre des actes de délinquance, relevant que près de 80 % des personnes incarcérées dans le département étaient d'origine étrangère.

Compte tenu de la nature particulièrement violente de la délinquance dans certaines parties de la Guyane, pour lesquelles les forces de la gendarmerie nationale n'étaient pas véritablement adaptées, M. Léon Bertrand a rappelé qu'il avait récemment suggéré l'intervention de la légion étrangère. Il a néanmoins indiqué que cette mesure avait été repoussée par le ministère de la défense au motif que la légion étrangère n'avait pas pour mission d'assurer ce type d'opérations et devait surveiller les installations de la base spatiale de Kourou. Il a pourtant estimé que les légionnaires constituaient la seule force à même d'évoluer dans des bonnes conditions dans la forêt guyanaise pour y effectuer les opérations qui s'imposent.

Il a jugé que la société guyanaise n'était pas en mesure d'absorber le flot actuel d'immigrants, ce qui avait pour conséquence de susciter une exaspération croissante des Guyanais.

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