Intervention de Éric Besson

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 2 février 2011 : 2ème réunion
Conseil européen sur l'énergie — Audition de M. Eric Besson ministre de l'industrie de l'énergie et de l'économie numérique

Éric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique :

La France promeut, à l'échelon européen, les standards les plus élevés en matière de sûreté nucléaire. Cependant, les décisions et les certifications relèvent des Etats membres, ce qui ne nous interdit nullement de participer à des instances communautaires et internationales de concertation.

La question industrielle est au menu du prochain Conseil européen, c'est une bonne nouvelle. Nous assistons à une prise de conscience de ce que le continent européen doit conserver sur son sol un certain niveau de productions industrielles : le débat sur le brevet européen en est un signe, tout comme celui sur l'indépendance énergétique. L'industrie, du reste, dispose de soutiens précieux parmi les commissaires, qui ne sont pas tous acquis à l'idée que l'Europe devrait être un espace de consommation où l'on ne produirait plus rien.

Deuxième bonne nouvelle, la place du nucléaire s'est réappréciée avec l'impératif de « décarboniser » l'énergie, au point que plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l'Italie, la Hongrie et la Tchéquie, entendent relancer leur production nucléaire. En fait, deux exceptions se distinguent par leur volonté de se retirer du nucléaire : l'Allemagne et l'Autriche.

La deuxième étape consistera donc à intégrer l'énergie nucléaire dans la planification énergétique européenne. Il ne s'agit nullement d'imposer le nucléaire : chaque pays restera libre, aucun mix énergétique ne sera imposé. Ce que nous craignions, c'était que le nucléaire soit montré du doigt, que l'Europe s'en désengage ; l'inverse se produit, le nucléaire a démontré ses avantages de compétitivité et de prix, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Sur l'interconnexion, des difficultés sont effectivement apparues : nous nous efforçons de l'améliorer, avec nos partenaires.

Sur le financement, nous n'adhérons pas au projet pharaonique des Allemands, qui évoquent la mobilisation de mille milliards d'euros. Tout comme pour les réseaux numériques, nous faisons confiance à la régulation et au partenariat public privé, avec une intervention publique circonscrite aux besoins non couverts par le marché régulé, en particulier dans les zones géographiques non rentables.

Sur la notion d'efficacité énergétique, la France propose de s'inspirer des bonnes pratiques, plutôt que d'imposer des normes contraignantes. Nous avons pris nos responsabilités, avec l'objectif ambitieux du plan bâtiment, par exemple, de réduire les consommations d'énergie du parc des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici à 2020. Certains de nos partenaires européens seront peut-être moins ambitieux, mais l'essentiel en la matière est que l'effort soit général.

Nous restons dépendants du pétrole, c'est une réalité. Nous le sommes cependant moins que d'autres, grâce au nucléaire, et nous préparons l'avenir, en améliorant notre efficacité énergétique et en investissant, par exemple, pour le véhicule électrique. L'après-pétrole passe par l'innovation technologique. J'ai récemment visité en Israël l'entreprise Better Place, qui prévoit de commercialiser dès septembre un véhicule électrique standard, qui bénéficiera d'un réseau d'échange de batteries sur tout le territoire israélien, les acheteurs potentiels de Renault s'y bousculent et repartent en signant les commandes: le véhicule de demain devient une réalité. Nous avons des atouts à faire valoir : notre production électronucléaire, l'avance qu'a prise Renault dans la construction de son modèle électrique, les investissements que l'Etat est disposé à mettre sur ce dossier. Nous essayons également de parvenir à une harmonisation des règles européennes, qui jouera en faveur de notre industrie puisque nous sommes en pointe. Le véhicule électrique est un sujet à part entière, sur lequel je vous propose que nous nous revoyons prochainement.

Le lien entre l'agriculture et la filière énergétique est fondé. C'est l'une des raisons qui ont conduit la présidence française du G20 à mettre l'accent sur la réduction de la volatilité des prix des matières premières agricoles et énergétiques.

En matière de concurrence, la France s'est opposée, avec succès, au démantèlement des groupes intégrés. Le Sénat a pris sa part, je vous remercie pour la bonne coopération qui a prévalu sur les ordonnances concernant le marché intérieur électricité gaz.

S'agissant de la sécurité d'approvisionnement, je rappelle que si la France importe de l'énergie, c'est uniquement pendant les périodes de pointe et cette importation est liée aux spécificités mêmes de notre appareil de production. Nous avons parfaitement tenu le choc des pics records de décembre.

Sur le photovoltaïque, l'important était de faire cesser les spéculations et de mettre notre pays en état de profiter de cette filière qui doit être industrielle. Je rappelle que la contribution au service public de l'électricité est de 30 euros par mégawattheure en Allemagne, contre 7,5 en France, et le prix de l'électricité est beaucoup plus élevé là-bas. La concertation s'achèvera bientôt, je suis sûr que le compromis mettra fin à la bulle spéculative sans nuire à une filière prometteuse.

Sur la compétitivité industrielle et l'énergie, nous voulons un allongement de la durée de vie des centrales nucléaires en partenariat avec les industriels ; une instruction a été prise sur la sécurité.

Les premières concessions hydroélectriques concernent la pointe et non le fil de l'eau et nous ne voyons que des avantages au partenariat public-privé.

Si l'énergie doit être décarbonée, chacun doit faire ses choix ; le nôtre consiste à faire du nucléaire la clé de voûte, tout en développant les énergies renouvelables. Sur le nucléaire, je m'exprimerai sous toutes réserves, puisque le Président de la République va réunir prochainement un Conseil de politique nucléaire. Des options stratégiques s'opposent, même si la presse ne retient que les différends de personnes. Parmi les questions stratégiques, celle du rôle que la France, spécialiste des réacteurs de troisième génération avec l'EPR et l'Atmea d'Areva, entend mener sur le marché des réacteurs de deuxième génération, qui intéressent par exemple des pays comme le Maroc ou la Jordanie et qui représentent un enjeu non négligeable. Idem pour la question des réacteurs de moyenne puissance : notre gamme n'en comporte pas, alors qu'il y a un marché. Des options stratégiques se distinguent aussi pour l'organisation de la filière : les relations se passent-elles entre Etats seulement, ou laisse-t-on des entreprises organiser une partie de la filière, avec EDF en chef de file ? Quelle place pour Alstom ? Quel rôle entend-t-on voir jouer à GDF-Suez, sur le moyen terme ? C'est à toutes ces questions, parmi d'autres, que le prochain conseil de politique nucléaire devrait répondre, pour redéfinir la doctrine française en la matière.

La loi Nome protège les consommateurs qui avaient craint un alignement des prix français sur les prix mondiaux. Quant aux électro-intensifs, nous accompagnons le dossier Excelsium. L'industrie de l'aluminium a été historiquement liée à l'énergie électrique, il faut pouvoir continuer.

S'agissant du tarif de rachat de l'énergie produite par méthanisation, le dossier est à l'instruction : nous agirons dans le sens de l'intérêt général. Enfin, sur la biomasse, je vous renvoie à l'arrêté que j'ai pris, qui vaut pour les scieries.

La France a de nombreux atouts, nous devons nous attacher à les conserver. L'exception énergétique française a longtemps été critiquée, mais tous les prospectivistes conviennent aujourd'hui que le choix d'un socle nucléaire civil a été un bon choix. Nous devons désormais nous attacher à l'harmonisation des règles sur le continent européen, dans le plein respect des souverainetés nationales, mais nous devons aussi développer notre filière nucléaire, ce qui suppose d'avancer sur l'aval, c'est-à-dire sur le traitement des déchets, et sur les réacteurs de quatrième génération. L'investissement dans les énergies renouvelables résulte d'un choix politique, la poursuite dans cette voie exige que ces énergies permettent la constitution d'une filière industrielle pourvoyeuse d'emplois, qui seront un retour sur investissement pour nos compatriotes, lesquels acceptent aujourd'hui de payer plus cher l'électricité produite par ces énergies renouvelables. Les décisions sur le photovoltaïque et sur l'éolien sont dictées par cette préoccupation.

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