Merci à M. Anziani d'avoir accepté que je rapporte à sa suite le programme « Vie politique, cultuelle et associative » qui recouvre, pour l'essentiel, les crédits liés à l'application de la loi de 1901 sur la liberté d'association, de la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État ainsi que des lois plus récentes sur le financement de la vie politique et les campagnes électorales. Ceux-ci connaissent une très nette augmentation, aussi bien en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. Elle atteint 230 %, ce qui est logique en période pré-électorale.
La nation est-elle prête à accorder à une vie démocratique transparente les moyens nécessaires ? Le cadre législatif a profondément évolué depuis le début des années 1980. Près de treize lois ont été votées, signe de l'attention du législateur mais aussi de la difficulté à mettre en oeuvre un dispositif complètement satisfaisant. En 2012, le financement des partis représente près de 80 millions d'euros, celui des campagnes électorales environ 340 millions ; mais là n'est pas l'essentiel. L'important est de chercher, après les travaux du groupe de travail de la commission auquel vous avez participé Mme Borvo Cohen-Seat, à combler les failles de notre système pour une législation plus rigoureuse et plus efficace.
Les micro-partis se sont multipliés ces dernières années. Ces organisations se placent sous l'empire de la loi électorale pour bénéficier de ses avantages, sans qu'il soit toujours possible de clarifier leurs échanges de ressources avec d'autres formations politiques. De fait, la commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ne peut pas, parce que la loi l'en empêche, poursuivre ses investigations au-delà des incohérences manifestes dans le périmètre contrôlé. Le Conseil d'Etat en a d'ailleurs tiré les conséquences dans ses décisions. Il est impossible à la CNCFP de demander à un parti de préciser les sommes qui transitent vers une autre formation politique et pour quelles missions. Cette remarque vaut également pour les dépenses électorales. Bien que les sommes soient relativement modestes, elles introduisent de l'opacité dans un dispositif dont la clarté devrait être totale.
Autant nous avons réussi à encadrer les dons, autant persiste une totale liberté quant aux cotisations. Or ces dernières représentent la principale ressource des partis... L'autonomie des partis et la liberté du citoyen d'y adhérer en toute confidentialité expliquent cette absence de contrôle. Pour autant, celle-ci fait obstacle à une surveillance cohérente des montants exacts attribués aux partis politiques, directement ou indirectement. Cette situation est fort préjudiciable quand existent des déductions fiscales, qui atteignent 20% du montant du revenu imposable, sur des dons plafonnés à 7 500 euros par an et par parti et à 4 600 euros par candidat. Il n'y a pas de raison d'interdire à un contribuable de financer plusieurs formations et plusieurs candidats s'il le souhaite. En revanche, ce n'est pas à l'État, par le biais de la déduction fiscale, d'encourager une prodigalité qui n'est manifestement pas inspirée par la plus grande cohérence idéologique. Encore une fois, la solution passe par le renforcement des pouvoirs d'investigation de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Je précise que cette commission ne se plaint ni de ses ressources ni de son organisation. Tout au plus s'inquiète-t-elle de l'élection des conseillers territoriaux, une inquiétude que le Sénat devrait s'employer à lever définitivement... En revanche, la limitation de ses prérogatives par le Conseil d'État est clairement contraire à l'article 4 de notre Constitution aux termes duquel la liberté des partis à se former et à fonctionner s'exerce dans le respect des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Au nom de la souveraineté nationale, il faut, au reste, s'inquiéter de certaines dispositions sur le financement des campagnes électorales, à commencer par celles relatives à l'élection des nouveaux députés représentant les Français de l'étranger, décidée lors de la révision constitutionnelle de 2008. Celle-ci entraîne un surcoût de plus de 8 millions d'euros. Surtout, la commission des comptes se dit incapable de vérifier de manière satisfaisante la régularité des opérations électorales, notamment dans les pays où la conversion monétaire est impossible. Soyons-en conscients.
En outre, l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a réduit le taux de remboursement de 5%. Cette mesure nécessitera, pour l'élection présidentielle, un projet de loi organique qui alourdira le calendrier parlementaire sans donner entière satisfaction. D'une part, parce que le processus est déjà enclenché depuis le 1er juin ; d'autre part, parce que la diminution des dépenses remboursables favorisera les candidats qui peuvent mobiliser des ressources propres. J'ajoute : il est surprenant d'abaisser un plafond que les candidats ont déjà tant peiné à respecter lors des dernières élections. C'est particulièrement vrai pour la présidentielle qui exige d'importants investissements.
D'où, peut-être, les débats vifs de ces derniers mois sur la manière dont certains comptes de campagne ont été alimentés, bouclés, contrôlés. Un ancien président du Conseil constitutionnel, assisté d'un ancien « sage », a même déclaré avoir considéré valides des comptes qui ne l'étaient pas... Faut-il prévoir un contrôle en amont des infractions ? Quoi qu'il en soit, la situation actuelle présente de forts inconvénients. Qu'un candidat soit soupçonné de dépendre de ressources provenant d'État étrangers est de nature à mettre en cause la crédibilité de son action, mais aussi de sa capacité à représenter la France. Le législateur a donc intérêt à prendre toutes les garanties nécessaires, dans les limites du raisonnable. Je suggère que le Sénat réfléchisse à la constitution d'un groupe de travail ou d'une commission d'enquête afin d'étudier les principaux contournements de la législation.
Quelles sanctions prévoir en aval ? Une question fort délicate, pour la plus haute élection qui soit, car elle pourrait conduire à invalider le suffrage universel. Comment sanctionner un chef d'État élu ?